Miria Dascomb - #include <iostream> const char* MiriaDascomb() { return "Miria Dascomb story"; }

La famille Dascomb est un modèle de famille chrétienne américaine type. Chacun avait un destin tout tracé, des vocations décelées assez tôt pour que tous aient leur place dans la société. Trois filles, deux garçons, de quoi renforcer les valeurs de la famille, du partage, et pour l'aînée, Miria, d'abnégation. Quoi de plus normal pour une personne qui allait se dédier à soigner les autres ?

Le plus complexe chez Miria ne vient pas de son milieu - assez aisé pour lui éviter de se poser des questions d'adultes - ni de son entourage, mais plus de la bulle dans laquelle elle s'est épanouie. Prendre soin de sa fratrie lui a servi d'excuse pour ne pas se frotter plus que de raison au monde extérieur. Elle allait à l'école, comme tous les autres, mais souffrait d'une timidité maladive qui l'empêchait de nouer des liens avec les autres, étant incapable de prononcer le moindre mot. Ce n'était pas le genre d'enfant sur lequel les camarades allaient s'acharner, mais qui devenait totalement transparente. Les professeurs ont tenté d'alarmer les parents, mais ils ne croyaient pas à ce visage de leur fille. Le corps enseignant s'est fait une raison, et l'une des professeures a fait en sorte de l'accompagner, de l'aider à s'ouvrir. On ne dirait pas, mais cette aide n'a pas été vaine, si bien que vers la fin de son cursus, Miria a pu prononcer quelques mots en dehors des salles de classe.

En grandissant, Miria a réussi à créer quelques liens. Très peu, à la solidité discutable, mais toujours bienveillants. Elle se force, travaille sur ses appréhensions et se confronte à ses difficultés. Avec plus ou moins de résultat. Il y a des jours où sortir de chez elle est mission impossible... Ce qui la pousse à avancer, ce sont ses frères et sœurs. Sans eux, elle vivrait totalement en ermite derrière son ordinateur !

Sa famille, c'est son refuge. C'est le berceau de ses apprentissages et de ses aspirations. Sa mère lui a inculqué comment prendre soin des autres, son père lui a appris la chasse, la pêche et le bricolage. Bien qu'un grand écart d'âge la sépare de ses frères et sœurs, elle considère qu'ils ont autant à lui apporter que n'importe quelle autre personne. C'est un peu le fait d'avoir eu à s'occuper d'eux qui l'a amenée à se tourner vers les métiers du médical. Ses anxiétés sociales ont fait qu'elle s'est tenue à des études d'infirmière, et c'était déjà un grand pas de géant pour sa vie sociale. Autant dire que ce n'est pas la plus douée dans son métier. Autant pour l'aspect médical, c'est une tête ! Autant pour le contact humain, ses collègues doivent constamment réajuster le tir... En grandissant et en prenant de l'aplomb, Miria a pris conscience qu'elle pouvait faire plus encore. Décidée à affronter ses peurs, à l'aide d'un suivi psyschologique et médicamenteux, elle a pu arranger son emploi du temps pour continuer à travailler et à suivre en même temps des études pour devenir chirurgienne. Le contact humain y reste important, mais moins handicapant... Elle allait commencer son internat dans quelques mois, quand c’est arrivé. Quand le monde a basculé.

C'était un dimanche tout à fait normal. Même si elle n'est pas croyante, Miria a joué le jeu de ses parents en allant à l'église ce jour-là. Tous les enfants réunis, et même les grands-parents. De retour à la maison, chacun s'occupa, que ce soit à jouer, à discuter, ou pour Miria, à étudier. Puis, quelqu'un monta le son de la télévision. Miria leva le nez de son bouquin. Elle comprit que la menace était réelle et alla fermer toutes les portes, les fenêtres. Elle demanda à ce qu'on l'aide pour tout cloisonner, tout calfeutrer, que l'humidité extérieure ne vienne pas contaminer la maison. Maladroitement, elle essaya de tourner ça comme un jeu auprès des plus jeunes de ses frères et sœurs. Le plus jeune avait 12 ans... Dès que la pluie cessa, Miria prit la combinaison hazmat que son père gardait pour les travaux. Il tenta de l'empêcher de sortir, mais elle est aussi têtue que sa mère... Il ne parvint pas à l'empêcher de rejoindre l'hôpital.

Bousculée dans cette vague titanesque, Miria s'est comme mise en pause, agissant tel un automate pour aider les équipes soignantes. Après quelques jours, elle quitta l'hôpital pour retrouver sa famille et aspirer à un peu de repos. Ce qu'elle vit dehors la laissa plus effrayée que jamais. Une fois dans la maison, le silence la frappa en plein visage. Elle avança dans le salon. Des couvertures et des coussins étaient répartis un peu partout. Elle demanda à sa sœur où étaient les parents. Au premier. N'y va pas ! Pria-t-elle. Tout va bien, tenta de rassurer Miria. En montant les escaliers, une odeur âcre la saisit au nez. Ça ne venait pas des chambres du premier... Elle continua jusqu'au deuxième où se trouvait la salle de jeu des enfants, sous les combles. L'odeur devint pestilentielle ! Enroulés dans des linges, deux corps gisaient. Terrifiée, Miria fit demi-tour et ouvrit les chambres. Dans la suite parentale, son père veillait sa mère.

— Nori... s'éleva une voix tremblante et faiblarde.
— C'est Miria.
Elle s'approcha juste assez pour constater la teinte noirâtre de sa mère allongée. Il était déjà trop tard. Pour elle, comme pour lui.
— Tu ne devrais pas rester là papa.
Il peinait à respirer, ce qui produisait un râle à chaque inspiration. De quoi faire mal juste à l'entendre.
— Je sais... et... toi...
Il reprenait son souffle, à moitié là, à moitié absent.
Il était déjà trop tard.
Du doigt, le patriarche pointa difficilement le fusil de chasse avec lequel il lui avait appris à traquer le gibier. Elle savait tirer, mais avait toujours fait en sorte de rater sa cible. Le père n'était pas dupe, mais il n'a jamais souligné ce fait. Il faut être habile pour faire croire qu'on manque sa cible à chaque coup quand on est aussi appliqué que Miria !
Mais aujourd'hui, ce n'était pas une question d'apprentissage. Ni de chasser le dîner. Encore moins un loisir. Ce qu'il lui demandait par ce geste était limpide. Inéluctable.

Il lui fallut plus de courage que jamais pour donner un semblant de dignité à cette fin. Sa mère n'était plus humaine, elle le savait. Mais son père... malgré le fait qu'il était encore en partie lucide, ce n'était qu'une question d'heures avant qu'il ne finisse comme sa chère épouse. Et après ? Ça a fait mal à Miria d'appuyer sur la détente. Mais ça lui aurait fait encore plus mal s'ils s'en étaient pris, malgré eux, à ses frères et sœurs. Leurs voisins, leurs amis. Ce jour-là marqua la mort de son innocence, de ses rêves, de ses espoirs. Une phase très sombre qui ne lui ressemblait pas. Elle dirigea la fratrie de main de maître, les forçant à ne prendre que le strict nécessaire et à quitter la maison. Avec le monospace de ses parents, Miria embarqua ses frères et sœurs jusqu'à la périphérie de la ville. Il y avait une forêt où leur grand-père possédait un pavillon de chasse dont ils avaient les clés. C'était un petit chalet où chacun pouvait venir se ressourcer. Il y avait également une cave avec assez de vivres pour tenir un siège ! C'était le repère idéal pour fuir les atrocités de l'extérieur.

En découvrant le visage aventurier de leur aînée, tous écoutaient Miria. Elle a toujours été une sorte de guide pour eux, un exemple sur certains points et une chose à protéger sur d'autres points. La vie de ses frères et sœurs étant menacée, elle-même se rendait compte de la force qui était sienne. Parce qu'il n'y avait plus de place pour penser aux petites agressions de la vie, plus de place pour les pensées qui vont au-delà de l'instinct de survie et de protection. Ils vécurent les uns sur les autres de longues semaines avant que Miria ne se décide à ouvrir les portes. Si les plus grands ont le droit d'aller et venir, il y en a toujours un qui doit rester surveiller les deux plus jeunes. Ainsi, ils se relayaient pour récupérer des vivres et puiser le moins possible dans leurs réserves. Consciente que leur survie ne tenait qu'à un fil et qu'ils ne résisteraient pas face à des pilleurs, Miria s’est d’autant plus entraînée au tir.

Ce n'est qu'à une rencontre précise qu'elle se lesta des idées noires qui la traversaient. Il lui arrivait de faire des allers-retours entre la rivière et le pavillon de chasse de son grand-père pour chasser. C'était surtout un prétexte dont elle se servait quand le besoin de se retrouver seule se faisait ressentir. Au calme et dans un environnement qui lui inspirait le doux sentiment de son enfance. Du temps où tout était beaucoup plus simple... Non loin du pavillon, il y a cette rivière qu'elle affectionne longer pendant des heures. Bien sûr, elle ne s'éloigne jamais trop, consciente que le danger rôde partout. Mais ce jour-là, elle a été surprise d'entendre des bruits au loin. S'il s'agissait d'un animal, elle pourrait espérer le chasser pour ravitailler sa famille en viande fraîche. Fusil en main, Miria s'approcha doucement. Assez vite, elle comprit que ce n'étaient pas des animaux, mais des hommes qui en battaient un autre. Dissimulée dans les fourrées, elle tira. Une fois. Deux fois. La question ne se posait pas : vivre ou mourir. Voyant que le reste prenait la fuite, elle cessa les tirs.

Miria attendit quelques minutes avant de s'approcher. Au sol, un homme amoché gisait, déformé par les coups. Il n'avait pas l'air conscient... Elle s'assura du fait qu'il est transportable. En constatant un bras cassé, elle bricola à la hâte une attelle avec un bout de bois et de la corde qu'elle trimballait dans son sac. Une fois transportable, elle mit l'inconnu sur son dos. Enfin, plutôt, elle le traînait comme elle pouvait en faisant attention à ne pas aggraver ses blessures, ce qui n'était pas une mince affaire ! Après cette marche fastidieuse, Miria installa le rescapé sur le canapé de la dépendance qui jouxte le pavillon. Elle ne voulait pas effrayer sa famille avec cet inconnu ensanglanté.

Miria eut le même sentiment d'un animal renversé par une voiture. Elle se sentit responsable de cet homme. Naturellement altruiste et attentionnée, le laisser à son sort n'a jamais été une éventualité. Et malgré le danger que représentait un inconnu dans cette cabane isolée de tout, Miria n'a pas hésité une seule seconde à le secourir. Sans rien en attendre, juste parce que c'est sa façon d'agir auprès des innocents. À quel point il l'était ? Aucune idée. Il l'était plus que les deux cadavres laissés à sa place. Elle-même ne se considère plus innocente depuis ses parents... Alors qui est-elle pour porter un jugement sur une personne inconsciente ?

Elle l'a soigné. Avec les moyens du bord et en épuisant quelques médicaments et anesthésiants qu'elle gardait dans son sac ou dans le monospace. Jamais trop loin. Toujours de quoi agir si le pire arrivait. Ce matériel était plutôt destiné à ses frères et sœurs, mais aujourd'hui, c’était John Doe qui en avait le plus besoin. Peut-être qu’être témoin de cette agression avait poussé Miria à sacrifier ce matériel pour lui, peut-être s’était-elle sentie poussée par une force invisible… Le fait est qu’elle prit soin de cet homme comme d’un de ses proches. La nuit entière, le jour d’après, et la nuit d’après, elle ne lâchait la main de cet homme que pour rassurer ses frères et sœurs, toujours au pavillon.

Quand l’inconnu se réveilla, Miria fut soulagée. À tel point qu’elle se montra démonstrative de paroles. S’étonnant elle-même de s’adresser si facilement à quelqu’un d’autre… Un mois durant, elle fut aux petits soins avec lui. Le temps de sa convalescence. Bien sûr, il aurait pu partir plus tôt, mais elle insistait sur le fait qu’il valait mieux pour lui de rester au calme, de se ménager. Ils ont passé beaucoup de temps ensemble, ont échangé sur de nombreux sujets, mais sans jamais entrer dans les questions sensibles. Ce n’étaient pas de longs discours, mais pour Miria, c’était déjà beaucoup ! Elle se sentait bien avec lui. Elle n’a jamais eu ce sentiment de sécurité et cette facilité d’élocution envers qui que ce soit. Aussi confiante puisse-t-elle être avec sa famille, même avec eux, c’était différent. La pression de devoir les protéger, sans doute. D’être un modèle à suivre pour eux. Durant ce mois, dans cette cabane, avec Javik, c’était différent. Tout était différent…

Un matin où ses affaires s’étaient enfuies, elle eut peur. Très peur. Puis Miria comprit qu’il était parti. D’abord dans le déni, à regarder dans la propriété s’il n’était pas encore présent. Puis en colère, à lui en vouloir. Elle n’a jamais vraiment accepté le départ de Javik. Parce qu’elle ne le comprenait pas, ou plutôt, refusait de le comprendre. Elle devait prendre soin de lui, et lui d’elle. C’est inconsciemment ce qu’il avait fait : prendre soin d’elle par sa présence réconfortante. Après deux jours à l’attendre, Miria a finalement cessé de croire en son retour. La jeune femme ne s’est pas faite une raison pour autant : elle continue à le chercher, allant plus souvent vers la ville, se risquant à approcher les camps de réfugiés. Où est-il ? Que devient-il ? Est-il seulement en sécurité ? Si triste qu'il se soit ainsi éloigné d'elle, Miria se met à espérer voir son visage, même dans les situations où elle le redouterait…

Dans ses aventures non loin de la Colline, Miria a fini par se faire repérer et emmener. Elle s'est laissée faire, découvrant ce refuge militarisé qui devenait une solution évidente pour la sécurité de ses frères et sœurs... Avec sa timidité et ses angoisses, elle eut du mal à se faire accepter, mais elle gardait en tête le corps de sa mère. La douleur de son père. Hors de question qu'il arrive la même chose à ses frères et sœurs. En quelques jours, on lui trouva une place. Et une fois l'assurance qu'ici sa famille serait protégée, elle amena la fratrie dans l'enceinte du camp. En contrepartie, elle mettrait ses aptitudes médicales au service de la Colline. Ce qu’elle accepta sans ciller.

Dévouée à la cause de l'humanité, Miria reprit pied avec le monde. Se mit à croire que la Colline permettra de trouver la solution à toute cette apocalypse. Son grand regret est d’avoir cette question qui l’empêche de dormir : où es-tu, Javik ?
Elle se porte volontaire pour les missions en extérieur qui nécessitent la présence d'exécutants médicaux (ravitaillements, sauvetages) et garde à l'esprit de le retrouver un jour.