If you bled I bleed the same

Les paupières de la blonde papillonnèrent timidement, captant la douce caresse d'une respiration près de sa nuque. Un bras réconfortant s'enroulait autour de ses côtes, lui offrant un sentiment de sécurité dans l'obscurité ambiante. Tournant légèrement la tête, elle découvrit le visage serein d'Olivia, plongé dans un sommeil paisible malgré l'heure matinale. La pièce était encore plongée dans l'ombre, le silence nimbé de la présence rassurante de leur union nocturne. Elles avaient partagé ce lit non pas par désir passionné, mais par nécessité émotionnelle ; Jordan s'était tournée vers Olivia après le choc émotionnel causé par l'incident avec Noah, qui avait failli lui échapper des mains.

Ce jour-là, elle avait réellement cru le perdre. Alors que la peur s'insinuait en elle, elle se rappela ses résolutions passées de ne pas s'attacher pour éviter la souffrance. Mais face à la réalité brutale de la possibilité de le perdre, ces barrières s'étaient effondrées. Elles avaient partagé leurs peurs, leurs espoirs et leurs cicatrices cette nuit-là, laissant leurs histoires s'entremêler dans l'obscurité protectrice de la chambre. Et finalement, épuisées par l'émotion, elles s'étaient endormies dans les bras l'une de l'autre, trouvant un réconfort mutuel.

Jordan tenta de se libérer du lit avec précaution, ne voulant pas perturber le sommeil paisible d'Olivia. Le léger mouvement laissa échapper un léger gémissement de mécontentement à la brune, qui devait ressentir la perte de la chaleur humaine à ses côtés. Réagissant instinctivement, Jordan se pencha pour la border tendrement, déposant un baiser délicat sur sa joue. Dans un murmure à peine audible, Jordan remercia Olivia d'avoir été là pour elle. Les mots étaient simples, mais ils portaient toute sa gratitude et son affection.

La blonde glissa silencieusement hors de la chambre, se dirigeant avec hésitation vers celle de Noah. Elle faisait tout pour l’éviter depuis qu’il était sorti de l’infirmerie. Là bas, elle avait pris l'habitude de venir à son chevet pendant son sommeil, veillant sur lui malgré la rancœur qui bouillonnait en elle. Elle redoutait toute conversation avec lui, préférant éviter les confrontations qui pourraient raviver les tensions entre eux. La présence de Noah suscitait en elle un mélange de sentiments complexes ; elle le détestait pour l'avoir placée dans cette position délicate, pour l'état de détresse émotionnelle dans lequel il l'avait plongée. Pourtant, malgré sa colère, il restait comme un frère pour elle, et chaque instant passé à son chevet lui rappelait cruellement l'absence de Thomas à ses côtés. Le souvenir de Thomas, et le doute quant à son sort, pesait lourdement sur son esprit, remplissant son cœur d'une anxiété étouffante.

Arrivant devant la porte, Jordan hésita, sa main suspendue dans l'air comme si elle était figée par l'incertitude. Au fond, elle espérait secrètement que Noah ne soit pas là, qu'il soit plongé dans un sommeil profond ou occupé avec quelqu'un d'autre. Mais la réalité la rattrapa, et elle soupira, serrant son poing avec détermination avant de frapper d'une manière un peu trop énergique. “Noah ?” Son cœur battait un peu plus vite, prêt à battre en retraite à la moindre absence de réponse de sa part.

Incapable de prédire sa réaction, elle se sentait submergée par un mélange tumultueux d'émotions. Son esprit tourbillonnait de pensées contradictoires, et elle se demandait comment elle allait faire face à la situation qui se présentait à elle.

Pendant ce blizzard, j’ai la sensation d’avoir perdu bien plus que ma vie et quelques côtes. A part la gamine, je n’ai pas de visites, les deux premiers jours je les ai passé à dormir, mais les trois derniers, je n’ai vu personne. Et je n’ai pas vraiment eu le droit de bouger, alors j’ai fais ce que je sais faire de mieux, je me suis renfermé. J’ai mal aux côtes, à cette bosse à la tête et aussi l’énorme hématome dans le dos. J’ai eu de la chance durant ma chute dans les escaliers, et même si Eva m’a fêlé des côtes en me réanimant, elles n’ont rien touché de grave. C’est juste ultra douloureux. Je ne sais pas trop comment me positionner mais au moins j’ai eu le droit à des anti douleurs qui m’assomment un peu pour la nuit. Mais au moins mon cœur a récupéré, et devrait aller bien. C’est ce qui a autorisé ma sortie de l’infirmerie.

Je l’ai quitté en remerciant quand même l’infirmière qui s’est occupé de moi, et j’ai regagné ma chambre, dans le plus grand des silences. La petite a été là pour m’aider mais je l’ai autorisé à rester avec sa copine cette nuit, de toute façon, je ne suis pas de bonne compagnie puis je suis heureux qu’elle se fasse des amis.

En me réveillant ce matin, je suis resté allongé ce qui ne me ressemble pas vraiment. Mais je n’ai aucune envie d’aller dehors et de croiser des gens. De la croiser elle aussi. Je préfère rester dans cette chambre. Je me sens mal malgré tout. Même Jordan n’est pas venue me voir. Personne vraiment, et je ne l’avouerai sûrement jamais mais ça me rend très triste.    Je regarde le plafond, en prenant une profonde respiration. Je finis par mordre ma lèvre inférieure totalement gercée, tique nerveux que j’ai depuis tellement d’années. J’entends que l’on toque à la porte puis je reconnais cette voix, c’est celle de Jordan.

Je reste quelques secondes immobile sur mon lit. Je suis tenté de ne pas répondre, de l’ignorer, mais je finis par me lever. Je tiens mes côtes d’un bras, grimaçant de douleur à l’effort. Je jette un coup d’œil à ma tête dans le miroir, je fais peur avec mes cernes et mon visage encore pâle. Mais bon, je m’en fou, alors je m’avance vers la porte et je viens l’ouvrir.  «Je vais bien, maintenant que ça t’intéresse.» Et je lui claque la porte au nez, avant de retourner m’allonger. Je grimace en m’allongeant et je me cale de sorte à être confortable.

Jordan entendit du bruit derrière la porte, un frémissement sourd qui fit naître un écho de panique au plus profond d'elle-même. Elle se figea, son cœur battant la chamade, tandis que des images de cauchemar envahissaient son esprit. Elle se sentait idiote d'être prise au piège de ses propres angoisses. Après tout, elle devrait être soulagée de le savoir vivant, de le savoir parmi eux. Pourtant, cette détresse lancinante persistait, celle qu'elle avait ressentie en le voyant étendu là, inerte, tandis qu'Eva s'affairait dans une danse frénétique de réanimation. La peur la nouait, mêlée à une culpabilité insidieuse pour son propre soulagement.

Alors que Noah ouvrait la porte, la blonde releva la tête, ses yeux hazel fixant les siens avec une intensité palpable. Elle s'apprêtait à prononcer des mots, à exprimer les tourments qui la rongeaient, mais avant qu'elle ne puisse les libérer, Noah la coupa net avec une phrase cinglante qui claqua dans l'air comme un coup de fouet. Puis, sans un mot de plus, il referma la porte devant son visage, la laissant seule avec ses pensées tumultueuses et son cœur battant à tout rompre. La froideur de son geste la glaça sur place.

La colère monta en elle comme une marée furieuse, balayant toute autre émotion sur son passage. Comment osait-il ? Elle avait été là, à son chevet, aussi souvent qu'elle le pouvait, même lorsqu'elle était accablée par une fièvre d'enfer. Elle venait, discrète, lorsque le sommeil l'enveloppait, mais elle était là. Dans l'ombre, elle l'avait soutenu, elle avait partagé ses peines, ses angoisses, et ses espoirs. Pour qui se prenait-il donc pour la repousser ainsi, avec autant de mépris ? La fureur la consumait, alimentée par le souvenir des nuits blanches, des larmes versées, des prières murmurées dans le silence oppressant.

Attrapant la poignée de la porte, elle entra dans la chambre avec une détermination teintée de colère, laissant le battant se refermer avec un claquement retentissant, aussi fort que celui qu'il avait produit en la renvoyant sans ménagement. La pièce résonna du bruit sec, une symphonie discordante à l'image de leurs émotions tumultueuses. Son regard, empreint d'une détermination farouche, croisa le sien, défiant toute forme de désaccord ou de retenue. En cet instant, elle refusait d'être ignorée.

“C’est quoi ton problème !? Comment oses-tu…” Elle marqua une pause, essayant de retenir le flot tumultueux de ses émotions. "Comment oses-tu me balancer un truc comme ça au visage !? Putain... J'ai passé des nuits à te veiller, dans un état lamentable." Sa voix tremblait légèrement, trahissant la colère mêlée de douleur qui bouillonnait en elle. Les mots, chargés d'une frustration longtemps contenue, s'échappaient de ses lèvres avec une force brutale, reflétant la peine de se sentir rejetée après tant d'efforts déployés pour le soutenir.

"J'ai eu peur, Noah. Chaque fois que je vois ton visage, cette image de toi étendu sur le sol me hante, comme un spectre du passé, nous abandonnant, m'abandonnant..." Sa voix se brisa légèrement sur la dernière syllabe, trahissant la profondeur de sa détresse. Les souvenirs douloureux revenaient en force, laissant dans leur sillage un tourbillon d'émotions indomptables.

"Va te faire foutre…Je t'interdis de me dire que tu ne m'intéresses pas,"

Des larmes de peine et de colère se mirent à glisser le long de sa joue, trahissant la complexité de ses émotions. Chaque goutte salée témoignait de la douleur profonde qui la consumait, mêlant la tristesse de se sentir rejetée à la fureur d'être ainsi repoussée. Ses yeux, embués de larmes, reflétaient la tempête intérieure qui faisait rage en elle, une tempête qu'elle luttait désespérément pour contenir.

Je me lève de mon lit, lorsque j’entends cette voix derrière la porte. Je n’ai aucune envie d’ouvrir mais en même temps rien de mieux que de montrer ma colère, une nouvelle fois, ça l’apaisera sûrement un peu. Même si j’en doute. Je suis rempli de colère, de tristesse, d’incompréhension, de perplexité, et tout ça mélangé, c’est un mauvais cocktail pour moi. Je jette un rapide coup d’œil à mon reflet dans le miroir de la petite et je les lis sur mon visage, chacune de ses émotions.

Je finis par ouvrir la porte. Et le temps d’une phrase, je la referme aussitôt en la claquant. Et c’est loin de m’apaiser en réalité. Je me rallonge difficilement dans le lit, tenant mes côtes, même si chaque mouvement me coupe le souffle. J’ai cette sensation que l’on me plante des coups de couteau, et c’est affreux.

J’entends la porte s’ouvrir et je tourne la tête vers Jordan qui entre dans ma chambre. Je me relève difficilement et je me remets sur mes jambes.  « Attends, tu rigoles j’espère ? » Si elle est en colère, elle n’a aucune idée de celle qui m’anime. Mais je la laisse finir, je la laisse déverser sa colère. Elle pleure. De colère, de tristesse.

Je regarde celle que je considère comme ma meilleure amie avant de dire.  « Je suis mort Jordan. Vous n’êtes pas les seules à avoir eu peur. Tu crois que j’ai pas eu peur ? Que je ne vous ai pas entendu ? Que je n’ai pas senti mes mains d’Eva qui écrasait mes côtes pour me réanimer ? » Je soulève mon tee shirt pour montrer la tête de mon torse, couvert d’hématomes et ce même si les mouvements de mes bras m’arrachent une douleur lancinante.  « J’ai été tout seul pendant des jours. T’es venue la nuit, quand je dormais, mais c’est pas quand je dormais que j’avais besoin d’aide, de soutien. La femme que j’aime n’a même pas daigné venir me voir, ma meilleure amie.. Et là je la désigne de ma main en continuant. n’était pas là non plus. Oh non pardon, elle était là quand je dormais, wow, merci pour cet élan de générosité. »  Je m’assois sur le lit, avant de frotter mon front puis je lâche un léger rire.  « C’est parce que je vous ai vu que je me suis battu. Je vous ai vu dans ma tête, j’ai vu tous mes proches. Et à mon réveil, surprise ! Personne. J’étais mort de trouille moi aussi. » Je m’éloigne de Jordan et je me rallonge dans le lit. Je demeure silencieux, les yeux clos le temps que la douleur passe. Je prends une petite respiration avant de dire.  « Qu’elle ne vienne pas.. mais toi.. j’avais besoin de toi Jordan. » murmurais-je d’une voix presque inaudible. J’ai le cœur brisé et le pire c’est que c’est contre moi-même que je suis en colère à présent. Même si ça doit me faire mal, je me tourne dans le lit pour me placer dos à la pièce, et dos à elle par la même occasion.

Jordan se tenait devant Noah, les larmes glissant sur ses joues telles des rivières de chagrin. Elle était en colère, mais cette colère ne se dirigeait pas vers lui, mais vers elle-même. Cette colère bouillonnait contre sa propre peur d'exprimer ses émotions, de lâcher prise. Elle se sentait piégée dans son rôle de pilier de force, incapable de se permettre d'être vulnérable. L'idée même de montrer une quelconque faiblesse lui était étrangère. Pourtant, elle savait au fond d'elle-même que pleurer pour un être aimé n'était pas une marque de faiblesse, mais un témoignage poignant de son amour et de son désespoir.

Elle se mordit l'intérieur de la joue, détourna le regard lorsque ses yeux tombèrent sur le bandage serré autour du torse de Noah. Ce bandage lui rappelait cruellement le massage cardiaque désespéré qu'Eva avait pratiqué pour le réanimer, lui brisant des côtes dans le processus. Un poids écrasant de culpabilité s'abattit sur elle, l'accablant de regrets et de remords. Elle savait qu'elle aurait souhaité être capable d'agir, mais elle était malade ce jour-là, incapable de fournir l'aide qu'elle aurait tant désirée. Sa propre impuissance la tourmentait, la laissant se sentir encore plus faible et impuissante.

Une autre source de culpabilité pesait sur elle. Elle avait laissé Noah seul pendant des heures, sans même avoir pris la peine de lui rendre visite sur son lit d'infirmerie quand il était réveillé. La peur avait paralysé ses pas, la crainte de voir son ami dans un état de fragilité l'avait empêchée d'affronter la réalité. Maintenant, les regrets la rongeaient alors qu'elle réalisait combien il était important d'être présente pour ceux qu'on aime, même dans les moments les plus difficiles.

Jordan écoutait Noah en silence, ses paroles pénétrant son être avec une intensité indéniable. Elle ne pouvait s'empêcher d'admettre qu'il avait toutes les raisons d'être en colère, toutes les raisons d'être déçu. Chaque mot qu'il prononçait semblait être un coup direct à son cœur déjà brisé. Elle se sentait consumée par le poids de sa propre égoïsme, réalisant à quel point elle avait agi de manière irresponsable. Cette prise de conscience la faisait se sentir idiote, regrettant amèrement ses actions passées. Son cœur se serrait douloureusement alors qu'elle se confrontait à la vérité brutale de ses propres erreurs.

Elle observa Noah s'allonger sur le lit avec peine, une grimace de douleur déformant son visage à cause de ses côtes blessées, puis il lui tourna le dos. Jordan resta là, immobile, les yeux fixés sur lui pendant un instant qui lui parut interminable. Elle se sentait déchirée, partagée entre l'envie de fuir cette tension oppressante et le besoin viscéral de rester à ses côtés. Elle savait que partir signifierait l'abandonner, et il avait besoin d'elle autant qu'elle avait besoin de lui. Les émotions tourbillonnaient en elle, laissant un goût amer d'incertitude dans sa bouche.

Soupirant profondément, Jordan s'essuya discrètement les larmes qui avaient coulé sur ses joues. Silencieusement, elle s'approcha du lit où Noah gisait, son corps témoignant de la douleur de ses côtes meurtries. Avec précaution, elle retira ses chaussures, puis se glissa sous les couvertures, prenant soin de ne pas appliquer de pression sur sa cage thoracique endolorie. Se blottissant contre son dos, elle enroula son bras autour de son triceps, offrant un soutien tendre mais attentif. Collant son front contre l'arrière de sa tête, elle trouva un semblant de réconfort dans ce contact, espérant apaiser ne serait-ce qu'un peu la tourmente qui agitait leur esprit à tous les deux.

Les mots sortirent de la bouche de Jordan avec un poids insoutenable. "Je suis désolée, Noah", murmura-t-elle, sa voix teintée de chagrin et de remords. "J'aurais dû être là, mais... j'avais peur." Chaque syllabe semblait chargée de la lourdeur de ses regrets, son aveu empreint d'une sincérité poignante. Elle espérait que ses paroles trouveraient écho dans le cœur de Noah, qu'il comprendrait la profondeur de ses sentiments et le regret sincère qui habitait son âme tourmentée."Je t'aime, et j'ai été une idiote", déclara-t-elle d'une voix empreinte de vulnérabilité. Chaque mot portait le poids de sa sincérité et de son amour fraternel pour Noah. "T'as pas intérêt à m'envoyer boulet après ça..." , murmura-t-elle avec une pointe d'humour teintée d'anxiété, espérant alléger un peu l'atmosphère tendue qui les enveloppait. Ses paroles étaient chargées d'une légère appréhension, exprimant sa crainte de voir sa confession rejetée, malgré ses excuses et son amour sincère. Elle attendait avec une nervosité palpable la réaction de Noah, priant silencieusement.

Je suis tellement en colère contre le monde entier, que j’arrive même pas à relativiser ces derniers temps. Encore que Will a de la chance, c’est la seule avec qui je suis tempéré. Mais c’est aussi la seule qui est restée à mon chevet, et qui m’a tenu compagnie, malgré mon renfermement. Je ne peux m’empêcher de m’énerver sur Jordan, car même si je sais qu’elle ne montre que très peu ses sentiments, elle n’était pas à mes côtés alors que j’aurais aimé un soutien, autre que celui de ma fille, qui aurait dû éviter de tenir ce rôle à son âge. J’ai eu besoin de ma meilleure amie et elle n’a pas été là. Peut être que ma fierté est un peu trop grosse en cet instant, mais je n’arrive pas à passer au dessus.

Je suis tellement douloureux lorsque je m’allonge. Aussi bien physiquement que moralement et ça m’épuise. Je respire doucement car lorsque mes inspirations sont trop puissantes, j’ai l’impression que l’on me plante un poignard sous les côtes. De devoir rester sans rien faire ce n’est pas dans mes habitudes, et je sais que je vais craquer à un moment ou un autre. Si je n’étais pas aussi fatigué, je serais sûrement déjà dehors.

Je sens le matelas s’enfoncer derrière moi et je grimace lorsque cela déstabilise mon poids. Je la laisse s’installer, en demeurant immobile. Elle prend la parole et je ferme les yeux, silencieux. J’écoute ses mots, ses excuses, et j’entends sa tristesse, son anxiété envahit la pièce. Je souris que légèrement lorsqu’elle dit que je ne n’ai pas intérêt à l’envoyer bouler.  « Je fais ce que je veux.. » Je prends son bras, pour le retirer de moi. Néanmoins, je me tourne, même si c’est difficile et douloureux. Je passe un bras sous sa tête, et je la garde contre moi. Ce simple contact me fait du bien.  « Je t’aime aussi Jordan.. »

Je pose mon front contre sa tempe, après avoir embrassé sa joue avec douceur. Je reste sans bouger, car pour l’instant la position ne m’est pas inconfortable. Je ne peux pas lui en vouloir longtemps, même si j’ai été blessé.  « J’aurais préféré que Willow n’ait pas à s’occuper de moi.. » J’aurais préféré lui épargner tout ça en réalité, même si je suis heureux qu’elle ait été à mes côtés. Au moins je pouvais veiller sur elle, surtout après ce qui a pu lui arriver pendant le blizzard. Néanmoins si j’avais pu ne pas être comme ça devant ma fille, j’aurais préféré.

Mais peut-être que ce qui me fait le plus mal au fond, c’est de ne pas l’avoir vu elle. Je n’ai eu d’ailleurs aucune nouvelle non plus. Je soupire légèrement. Je repense également à Eva qui m’a aussi sauvé la vie et j’espère un jour la revoir pour la remercier. Je rouvre les yeux pour regarder Jordan et je murmure.  « Est-ce qu’elle va bien..? Et tu as revu Eva ? »

Le cœur de Jordan se serra avec une intensité presque douloureuse lorsque Noah retira doucement le bras qu'elle avait enroulé autour de lui. C'était comme si chaque mouvement était une lame tranchante dans son être. Elle se sentait rejetée, mais une voix intérieure insistante lui murmurait que c'était mérité. Ses dents mordaient l'intérieur de sa joue avec une fermeté presque désespérée alors qu'elle tentait de contenir l'avalanche d'émotions qui menaçait de l'engloutir.

Elle était sur le point de se relever, prête à mettre fin à cette proximité qui la torturait, mais alors, Noah se tourna vers elle, ses yeux rencontrant les siens avec une intensité surprenante. Il la pressa délicatement contre lui, un geste empreint de tendresse et de compréhension. Malgré le tumulte de sentiments qui l'assaillait, Jordan fit attention à ne pas exercer de pression sur les côtes meurtries de Noah. Elle aurait voulu le serrer fort contre elle, lui montrer à quel point elle était soulagée d'entendre ces mots qu'elle désirait tant, et lui faire comprendre à quel point elle appréciait leur amitié solide, malgré les épreuves.

Et quand Noah lui avoua qu'il l'aimait aussi, un mélange de soulagement et de reconnaissance l'envahit. Elle voulait à la fois rire et pleurer, incapable de décider quelle émotion l'emportait. Mais malgré tout, elle sentit un poids se lever de ses épaules, une lueur d'espoir naître dans son cœur tourmenté. Leur amitié, plus forte que tout, était un précieux réconfort dans un monde rempli d'incertitudes.

Le baiser délicat sur sa joue fit naître un sourire tendre sur les lèvres de Jordan. Les contacts de Noah étaient une source de réconfort qu'elle chérissait particulièrement. Parmi tous les hommes de sa vie, il était l'un des rares avec lesquels elle se sentait vraiment à l'aise, une exception à cette règle étant son frère, Thomas. Depuis le début de l'épidémie, elle n'avait reçu aucune nouvelle de lui, et cette pensée pesait lourdement sur son esprit, une ombre permanente dans son quotidien. Pourtant, en cet instant, dans les bras de Noah, elle pouvait momentanément oublier ses soucis, se laissant envelopper par la chaleur rassurante de leur amitié.

La blonde passa tendrement sa main dans les cheveux de Noah, caressant son cuir chevelu pour lui apporter un peu de réconfort. "Je suis désolée, Noah, vraiment désolée...", commença-t-elle d'une voix empreinte de sincérité. "Mais même si nous... Si j'avais été là, elle aurait tenu bon à tes côtés. Tu la connais, elle a un sacré caractère. Je n'aurais pas pu l'empêcher d'être là, à moins de la séquestrer quelque part...", ajouta-t-elle avec un léger sourire teinté de tristesse. "Elle est courageuse pour son âge... C'est admirable." Jordan admirait la force d'esprit de cette jeune fille, une qualité qui, dans le monde chaotique dans lequel ils évoluaient désormais, était plus précieuse que jamais.”Elle te ressemble beaucoup.”

Quand Noah lui demanda comment Aurora allait, Jordan prit un instant pour répondre. Son esprit se perdait dans les images de l’église, imaginant l'angoisse qui avait dû étreindre son amie alors qu'elle voyait l'amour de sa vie cesser de respirer, seulement pour reprendre vie miraculeusement quelques instants plus tard à l’aide d’Eva. Jordan avait fait l'effort de se rendre au chevet de Noah malgré sa propre grippe qui la terrassait. Elle se remémorait les moments où elle avait tenu la main de Noah, espérant qu'il puisse sentir sa présence à travers l'obscurité de son inconscience.

Elle trouvait un pincement au cœur en pensant à Aurora, regrettant presque qu'elle n'ait pas été là. Mais en même temps, elle ne pouvait pas la blâmer. Elle ne pouvait pas se mettre à sa place, ne pouvait pas savoir ce que c'était que de voir l'être aimé au bord de la mort. La compassion l'emportait sur le jugement, et Jordan se résigna à ne pas porter de critiques sur les choix d'Aurora, se contentant de soutenir Noah du mieux qu'elle le pouvait dans cette épreuve difficile.

“Elle va bien…Quant à Eva, elle est repartie très récemment au refuge," murmura Jordan.

Un frisson de soulagement parcourant son corps. "Elle allait bien, heureusement qu'elle était là, sans elle..." Elle s'interrompit brusquement, une boule d'émotion se formant dans sa gorge. Sans Eva, Noah ne serait pas là, cette pensée la frappa comme un coup de poing à l'estomac, lui coupant momentanément le souffle.

La gratitude qu'elle ressentait envers la brune était immense, presque écrasante. Elle se rappela avec une clarté troublante les moments où Eva avait été là pour eux, offrant son soutien inébranlable et sa force lors des pires moments. Sans elle, l'issue aurait pu être tragique, et cette réalité laissa Jordan abasourdie et reconnaissante.

"Kate va bien aussi, enfin, je crois ?" Jordan tenta d'aborder le sujet de la sœur de Noah, mais elle sentait une pointe d'incertitude dans sa voix. Kate était une énigme à ses yeux, une force de la nature toujours souriante et débordante d'énergie, ce qui pouvait être à la fois rafraîchissant et épuisant pour Jordan. Elle était habituée à analyser et comprendre les gens qui l'entouraient, mais avec Kate, elle se sentait souvent dépassée.

La dynamique entre elles était complexe, oscillant entre admiration pour la vivacité de Kate et une certaine frustration face à son caractère insaisissable. Jordan se rappela des nombreuses fois où elle avait essayé de percer à jour les véritables sentiments de Kate, en vain.

Un léger soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle se perdait dans ses pensées, se demandant ce que la brune cachait derrière son masque de joie et d'énergie débordante. C'était d'autant plus important pour Jordan de comprendre Kate, étant donné son lien étroit avec Noah.

"Autant tu es facile à lire, qu’elle ne l’est pas…" dit Jordan avec une pointe d'humour. Elle adressa un regard complice à Noah, sachant qu'il comprendrait le sous-entendu. Jordan avait une aisance naturelle à décrypter les émotions de Noah, que ce soit la colère, la tristesse ou la joie. Leurs liens étaient tissés si étroitement qu'elle pouvait presque lire en lui comme dans un livre ouvert.

Elle se rappela avec tendresse les nombreux moments partagés ensemble, où chaque sourire, chaque froncement de sourcil était un langage silencieux entre eux. Jordan était reconnaissante de cette connexion unique, une bénédiction dans un monde où les masques étaient monnaie courante.

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de Jordan alors qu'elle se perdait dans ses pensées, appréciant le privilège de connaître si intimement l'homme collé à elle.
“Tu dois rester sans faire d'effort pendant combien de temps ? Tu peux quand même... ou pas du tout ?” Elle lui adressa un sourire taquin, sachant qu'il comprendrait le sous-entendu. Leur complicité était telle qu'ils pouvaient se taquiner sans retenue, même dans les moments les plus sérieux, mais elle voulait surtout retrouver son duo pour s'entraîner un peu.

Je me tourne vers elle, doucement pour ne pas me faire mal, et je la regarde dans les yeux. Je sais très bien qu’elle se sent rejetée lorsque je vois son regard et son expression faciale, et qu’elle comprend à présent ce que j’ai ressenti pendant plusieurs jours. Je l’observe attentivement, sans rien dire. Je ne réfléchis même pas, je reste juste à ne rien faire, à ne rien dire. Et quelque part au fond de moi, la torturer ainsi que me fait un peu de bien mais cela me fait davantage de mal.
Je finis par passer un bras autour d’elle; et je pose ma tête à côté de la sienne. Je l’aime, c’est ma deuxième petite sœur, et même si parfois j’ai envie de lui hurler dessus tellement elle est aussi abrutie que moi. Et je n’aime pas la détester même si elle le mérite parfois. Je pose mon front contre sa tempe et j’embrasse sa joue avec douceur. Je ferme les yeux, en demeurant immobile, parce qu’au moins mes côtes me font moins souffrir.  « Je te déteste quand même… » En caressant légèrement son bras, je ferme les yeux.

Je finis par lui avouer que j’aurais préféré que Willow n’est pas à être celle qui devait veiller sur moi et lui ajouter cette charge alors qu’elle est encore très jeune. Je sens les doigts de ma meilleure amie dans les cheveux et ça m’apaise. Ce qu’elle dit au sujet de Willow est vrai, et je sais qu’elle est courageuse et devenue trop mature alors qu’elle devrait pouvoir encore être insouciante. Je soupire légèrement en gardant ma voix basse.  « Je sais qu’elle est courageuse et qu’on aurait pas pu l’empêcher d’être là, mais elle n’aurait pas été seule à supporter ça.. » Je regarde de nouveau Jordan lorsqu’elle affirme que Willow me ressemble. Et c’est peut être ce qui fait que cette gamine et moi, on se supporte bien mieux que tous les autres êtres humains dans notre entourage.

Je lui demande comment va Aurora sans prononcer son nom, et également des nouvelles d’Eva, qui m’a sauvé la vie. Elle répond qu’elles vont bien toutes les deux, qu’Eva est repartie, et je me satisfais de cette réponse. Je ferme les yeux, silencieux. De toute manière que puis-je dire à propos de tout ça ? Je ne sais plus vraiment quoi penser mais je crois que cette mise au repos forcée sera une bonne solution pour mettre en ordre ce qui peut se tramer dans ma tête. Je n’arrivais pas jusqu’à présent à réfléchir à toute ma vie, parce que je ne voulais pas m’y confronter, je ne voulais pas ouvrir les yeux sur la réalité des choses. Depuis quelques temps déjà, je prends conscience de certaines choses et je sais qu’il faut que je les écoute, peu importe si cela doit me faire mal. Et je sais que ce sera le cas. Et tout cela me donne envie d’avancer.

Je regarde Jordan lorsqu’elle parle de nouveau d’Eva, et je secoue la tête en murmurant.  « Je me suis mis en danger tout seul. » Je remets mon front contre sa tempe et je soupire légèrement. Je ne dis rien de plus, je sais que c’est déjà assez douloureux et encore trop présent.

Je finis par doucement me mettre sur le dos parce que je suis douloureux, et je n’arrive pas à rester sur le côté. Elle me dit que Kate va bien, et je souris légèrement en hochant la tête. Je n’en doute pas, dans cette famille on est indestructibles.  « C’est une Evans. » Je pose ma main sur mes côtes quand je lâche un petit rire et je grimace ensuite.
Je l’écoute lorsqu’elle reprend la parole. Elle dit que je suis facile à lire contrairement à ma sœur et je secoue légèrement la tête à cette affirmation.  « Tu peux lire en moi parce que je te laisse faire Jordan. Elle et moi ? Même combat. Mais je te laisse lire en moi parce que j’ai besoin d’une personne qui est capable de me recentrer, et de me calmer, en dehors de ma sœur ou de ma fille. » Je regarde Jordan et je souris légèrement alors que je plie mon bras sous sa nuque. Je viens glisser mes doigts à la naissance de ses cheveux sur sa tempe et je rajoute alors avec un sourire.  « Et puis l’aspect fusionnel d’une relation ne se retrouve pas dans toutes. Je suis ton âme sœur masculine et ce, sans que l’on ait eu à couché ensemble. »

Je caresse doucement ses cheveux et son crâne alors que je regarde le plafond de la chambre. Je lève les yeux au ciel à sa question et je donne une pichnette sur sa tempe en soupirant.  « Je dois éviter les efforts qui solliciteraient trop mon cœur. » Alors forcément le sexe est proscrit au moins pour les jours à venir. Je la regarde avec amusement puis je pose ma tête contre la sienne.  « Ma sœur.. tu l’as dans la peau hein ? Je sais que si j’avais une foufoune, j’aurais eu toutes mes chances avec toi. » Je ne suis pas vraiment inquiet, parce que je connais Jordan et je connais aussi ma sœur. Et elles vont clairement se taper sur le système, l’une comme l’autre.

Jordan ajusta sa position lorsque Noah se retourna sur le dos, essayant de soulager ses côtes endolories. Elle déposa sa tête sur son bras, se rapprochant instinctivement pour partager la chaleur de leurs corps. Ses yeux suivirent le mouvement de la main de Noah alors qu'elle venait se poser sur ses côtes, et elle posa la sienne à côté, comme pour absorber sa douleur. La vision de Noah souffrant lui rappelait douloureusement l'incident qui avait causé cette blessure, et elle déclara avec un soupire taquin : "Vous êtes vraiment compliqué, les Evans."

Elle savoura la caresse de Noah dans ses cheveux, sentant une vague de calme l'envahir. Dans ses bras, elle se sentait protégée, en sécurité, Noah était son frère d'âme autant que de cœur. Même si leur relation restait purement platonique, elle chérissait cet amour profond qu'elle éprouvait pour lui. "Malgré ton charme irrésistible, il faudrait vraiment que le monde entier disparaisse pour qu'on finisse par coucher ensemble," plaisanta-t-elle, laissant échapper un rire léger.

Ses doigts caressaient avec douceur ses côtes meurtries, et elle laissa échapper un léger gémissement lorsque Noah lui fit une pichenette sur le front. "Ouch," murmura-t-elle, esquissant une moue amusée. "Tu sais, quand tu seras de retour sur pieds, tu apprécieras sûrement encore plus ces petites attentions."

Elle posa son front contre la mâchoire de Noah, interrompant ses caresses lorsque ce dernier évoqua sa sœur. "Que, quoi ?" dit-elle en se reculant légèrement, surprise. "On parle de Kate ? Vraiment ?" Un rire gêné lui échappa alors qu'elle se sentait légèrement embarrassée. "Tu te fais des idées, non ? Je veux dire, bien sûr, elle a ce charme typique des Evans, je serai une menteuse si je disais ne pas apprécier sa beauté. Mais entre elle et moi, ce n'est pas vraiment l'amour fou…Puis, je doute qu'elle soit attirée par les femmes…" Elle secoua la tête, comme pour chasser ces pensées. "Enfin, non pas que ça m'intéresse..." marmonna Jordan, son visage se cachant dans le cou de Noah pour dissimuler sa gêne, et probablement aussi pour masquer ses joues qui avaient pris une teinte rosée.

"Oublie ça, parlons d'autre chose, veux-tu ? Ça devient gênant," souffla-t-elle, désireuse de changer de sujet pour éviter toute maladresse supplémentaire. Puis, elle ajouta avec un sourire taquin : "Et oui, tu aurais eu une foufoune, on serait sans doute mariés et vivant le parfait amour en pleine apocalypse." plaisanta-t-elle avec un léger rire. “Ça m’avait manqué…Te voir sourire.” Dit-elle en relevant la tête et passant une main sur sa joue. Elle déposa un tendre baiser sur sa mâchoire et reposa sa tête sur son épaule.