Raffaela Mariani - Je serai tes yeux et tes oreilles

« Moi aussi Papa, je veux être dans la télévision. » Ton regard brillant fixait la magnifique actrice qui avait capté toute ton attention depuis plusieurs minutes. Du haut de tes quelques années de vie, tu ne comprenais pas tout, mais tu pouvais affirmer que cette femme était incroyable. Ta réflexion fit lâcher un rire à ton père qui te retira la télécommande afin d’éteindre l’écran. « Laisse tomber. Ce n’est pas pour toi la télévision. Tu vaux mieux que ça. Toi, ma chérie, tu vas sauver le monde. Tu vas trouver un remède contre le cancer et tu seras encore mieux que cette poufiasse. » Tu haussas un sourcil devant ses propos sans réaliser sur le moment toute l’importance qu’ils allaient prendre dans ta vie. Sans savoir, à cet âge-ci, que ton destin était tout tracé dans l’esprit de tes parents. Depuis que les tests que tu avais passés avait démontré une niveau d’intelligence supérieure, que tu étais meilleure que les autres à l’école, que tu avais une super mémoire… Avant même de réaliser ce que ça voulait dire, tu t’étais retrouvée avec un destin entre les mains et tu étais tellement jeune quand on t’a mis cette idée derrière la tête, que tu n’en as jamais dévié. Ton rêve de devenir actrice resta un rêve enfoui au plus profond que toi pendant que tu suivais ton parcours scolaire, sautant une classe ou deux à gauche et à droite. En étant accepté dans les meilleures universités autour du monde, en ayant les meilleures notes de chacune de tes promotions. Rien de surprenant, n’est-ce pas ? Tu n’avais le droit à rien de moins que l’excellence. Surtout depuis que tu avais perdu ta mère d’un long combat contre la maladie. Tu as l’impression que ton père ne s’en ait jamais vraiment remis et qu’il croit que tu aurais pu y changer quelque chose si tu n’avais pas eu à peine 15 ans à cette époque. Depuis, il te pousse de plus en plus, il s’accroche à toi comme à une bouée de sauvetage, il fait sa vie en fonction de la tienne. Allant même jusqu’à tout quitter pour te permettre d’aller étudier à Stanford. C’est ensemble que vous avez rejoint les États-Unis et c’est grâce à son nouveau travail qu’il a réussi à refaire sa vie, te laissant respirer. Tandis que tu étudiais de côté de la Californie, il a suivi sa nouvelle flamme jusqu’en Nouvelle-Orléans. Il te faisait confiance de toute manière, il n’avait pas besoin de regarder constamment au-dessus de ton épaule pour savoir que tu allais tout réussir. Et respirer, ça t’a fait du bien. Entre tes études, tu as pu enfin découvrir le monde, te faire des amis, boire, découvrir le plaisir charnel.

C’est entre deux échanges de messages que tu as appris que tu allais avoir une petite sœur, Kay. Tu avais 20 ans à ce moment-là. Quelle surprise, quel choc. Toi qui avais été enfant unique toute ta vie, toi qui avais été le centre de l’attention de ton père toute ta vie, tu n’as pas su comment digérer cette nouvelle. Tu as décidé de l’accueillir avec une certaine indifférence, accordant très peu d’attention à cette enfant qui prenait place dans votre famille. En même temps, tu étais à l’autre bout des États-Unis plongée dans tes études. Tu n’aurais rien pu faire à cette période.

Ta vie a pris un tout autre tournant l’année de tes 24 ans. Jeune Doctorante, le plus jeune de ta promotion. Sans surprise, merci Papa et les classes sautées. Tu as célébré l’obtention de ton diplôme sans retenu, tu as tellement bu ce soir-là (cette fin de semaine-là) que tu ne sais même plus entre combien de draps, tu as terminé. Tu as eu du plaisir sur le moment, mais moins lorsque tu as découvert être enceinte quelques temps plus tard. Au pire moment, juste à la fin de tes études, au moment où tous les projecteurs étaient sur toi et qu’on se battait pour t’embaucher. Et en même temps… Ce fut l’occasion pour toi, de prendre une pause. Une première dans toute ta vie. Toi qui enchainais les cours été comme hiver, tu as pris une bonne année et demi pour toi. Pour préparer la naissance de ton fils et pour te recentrer complètement sur ta vision de ton avenir. Sur ta propre vision et non sur celle de ton père. On t’a attendu. Pendant cette période, tu continuais d’être sollicité à gauche et à droite et tu as finalement accepté un poste au CDC, ce qui te permettait surtout une grande liberté sur l’emplacement où tu pouvais travailler. Sauf que… fidèle à tes habitudes, tu ne cherchas pas plus loin et tu rejoins ton père et ta sœur du côté de la Nouvelle-Orléans. Tu n’allais pas refuser l’aide que ce dernier pouvait t’apporter avec ton enfant pendant que tu prenais tes marques dans ton nouvel environnement. Oh, ça… C’était sans connaître l’envers du décor… Un décor qui te prit par surprise, qui vient te chercher plus que tu n’aurais pensé… Tu n’allais jamais chez ton père, c’était lui qui venait à toi. Il suffit d’une exception pour que tu découvres ta petite sœur marquée d’ecchymoses. Tu voulus croire cette histoire de bagarre à l’école, mais ça ne collait pas. Tu connaissais ton père, tu savais quand il mentait et il t’avait menti. Tu as explosé comme rarement auparavant. Tu t’es surprise toi-même et à aucun moment, tu n’as regretté. Tu as coupé les ponts avec cet être pour qui tu aurais tout donner afin de préserver ta sœur, mais également ton fils. Tu ne donnas le choix à personne et ce soir-là, tu quittas avec Kay que tu pris à ta charge. Tu ne peux pas dire que ce fut simple à tous les jours, bien au contraire, vous avez pris un certain temps avant de trouver un terrain d’entente et que votre famille ressemble à quelque chose. Vous avez réussi à vous parler, à créer une certaine relation et tu l’as guidé dans ses choix de vie. Sans rien n’imposer comme on t’avait imposé ta vie. Tu t’es contentée d’être une oreille, d’être un soutien. Tu ne sais pas si ça a vraiment fonctionné, si tu as pu l’aider d’une manière ou d’une autre, mais elle a fait son bout de chemin et tu as fait le tien. Ta maison lui restait ouverte en tout temps.

Tu as donné ta vie à ta carrière, à la recherche sur tes projets plus confidentiels l’un que l’autre, dans un petit laboratoire presque isolé de la Louisiane. Tu as souvent mélangé travail et amour, car c’était l’unique occasion pour toi de rencontrer des hommes. Ta plus longue liaison, tu l’as eue avec ton chef de laboratoire. Près de 7 ans. 7 longues années où tu l’as aimé très fort jusqu’à ce que tu le surprennes avec une autre scientifique, dans son bureau. À partir de son moment-là, tu as à jouer tes charmes pour le convaincre que sa place n’était pas ici, que sa carrière allait mieux avancer ailleurs, tu as tout fait pour le convaincre de partir… Tu lui as vendu du rêve et lorsqu’il a quitté, tu as pris sa place avant de le quitter. Tu as viré la petite nouvelle pour faute grave et tu as mené le laboratoire à ta main. Jusqu’à cette fameuse pluie… Celle qui a tout changé. Tu étais en route pour un séminaire en Europe lorsque l’enfer a commencé, où la vie de tout le monde a été chamboulé et que tu t’es retrouvée dans un groupe de survivants sans réellement tout comprendre ce qui se passait autour de toi. Tu as détesté cette perte de contrôle, tu as eu du mal à l’accepter, mais tu as compris très vite que ta survie en dépendait. Tu t’es laissée guider, tu as suivi les ordres et c’est pour cette raison que tu es toujours là aujourd’hui. Plus forte que jamais. Tu n’es pas la plus débrouillard du groupe, mais tes connaissances et ton expertise font de toi un atout essentiel. Tu as beaucoup aidé, dans un premier temps, sur le côté médical. Tu n’avais pas la pratique nécessaire, mais tu avais beaucoup de théorie en tête que tu pouvais te permettre de dicter à d’autres. Ce n’est pas à la Tanière que tu as pu mettre à l’œuvre tes compétences en virologie, il n’y avait pas le matériel nécessaire. Jusqu’à ce qu’on te propose cette fameuse mission. Simple sur papier, plus complexe en réalité. On t’envoyait en tant qu’espionne à la Colline. Là où tes compétences seraient plus utiles et où tu pourrais avoir des yeux et des oreilles chez l’ennemi. Tu n’as même pas hésité. Pour deux raisons, l’idée d’avoir la chance d’avoir le matériel nécessaire pour sauver le monde te plaisait bien… Et la Colline rimait avec la base militaire de Malden où tu avais bon espoir d’y retrouver ton fils, soldat, qui y était posté depuis un temps. Quand tu as accepté, tu ne mesurais pas tous les dangers de cette mission, mais trop tard, maintenant… Tu es à la Colline en train d’essayer de faire ta place et pas de la façon la plus discrète possible, tu as beaucoup de difficulté avec leurs façons de faire… Peu importe, tu mets ton orgueil ton côté pour l’instant et tu restes concentrée sur ta mission. Celle de recueillir le plus d’information possible sur le camp.