blast from the past (Jordan)

Le trajet jusqu'à l'aquarium de Malden avait été un périple parsemé d'incertitudes et de souvenirs flous. Comment avait-elle atterri là, au juste ? C'était une question à laquelle elle aurait du mal à répondre, même en fouillant dans les méandres de sa mémoire.

Le voyage avait peut-être commencé par un détour imprévu, une décision prise sur un coup de tête, ou peut-être simplement par le besoin de découvrir de nouveaux horizons. Elle se rappelait vaguement des journées passées en famille, des rires d'enfants résonnant dans les couloirs labyrinthiques de l'aquarium. Mais maintenant, ces souvenirs semblaient lointains, comme des éclats de lumière dans l'obscurité de son esprit. Peut-être avait-elle été attirée par la perspective de trouver des ressources utiles dans cet endroit abandonné, une oasis de potentiel au milieu du chaos post-apocalyptique. Ou peut-être avait-elle simplement ressenti l'appel irrésistible de l'inconnu, la promesse de découvrir ce que le monde avait encore à offrir. Quelle que soit la raison qui l'avait poussée à se rendre à l'aquarium, elle était maintenant là, devant ses portes closes depuis longtemps. Avec une curiosité mêlée d'appréhension, elle se demandait si la vie persistait encore dans les profondeurs des bassins, si ces créatures marines avaient survécu à l'abandon comme tant d'autres lieux après la catastrophe.

Jordan s'engouffra à l'intérieur de l'aquarium, ses sens en alerte, ses pas silencieux sur le sol jonché de débris. Chaque détail, chaque bruit, était scruté avec une vigilance extrême. Elle savait que ce n'était pas l'endroit le plus sûr, surtout sachant que l'eau pouvait être un vecteur du virus zombie. Malgré le danger latent, la lumière filtrant à travers les baies vitrées du plafond offrait une vue détaillée de l'intérieur. Jordan avançait avec précaution, contournant les bassins vides où les algues proliféraient, témoins de l'abandon prolongé de cet endroit. Certaines espèces semblaient avoir survécu, leur présence discrète révélée par des mouvements furtifs dans les coins sombres des aquariums. Jordan observait avec fascination ces résidus de vie, se demandant comment elles avaient réussi à survivre dans ce monde de désolation.

Chaque pas était calculé, chaque mouvement mesuré, alors qu'elle explorait les méandres de l'aquarium, à la recherche de réponses et de ressources qui pourraient lui être utiles. Alors que Jordan progressait avec prudence à travers les allées jonchées de débris, son pied heurta quelque chose de mou. Elle abaissa son regard vers l'objet et se pencha pour récupérer la peluche égarée. À côté d'elle, une boutique de souvenirs abandonnée offrait un spectacle chaotique. L'appel de la curiosité fut trop fort pour qu'elle le résiste. Malgré le désordre qui régnait à l'intérieur, elle franchit le seuil de la boutique. Des objets divers étaient éparpillés sur les étagères et le sol, des peluches déchirées, des porte-clés oxydées, témoins d'un passé révolu.

Un sourire éclaira le visage de Jordan lorsqu'une peluche en particulier attira son regard : un poulpe bleu, ses tentacules ondulant doucement dans l'air poussiéreux de la boutique abandonnée. Elle se pencha pour la saisir avec précaution, sentant la douceur du tissu sous ses doigts. Déposant la première peluche avec tendresse, elle retira son sac de ses épaules et y glissa délicatement le poulpe bleu, lui offrant une place parmi ses précieuses possessions. Mais son attention ne s'arrêta pas là. Deux autres peluches capturèrent son regard : une loutre et un ours polaire. Une idée germa dans son esprit. Deux des peluches seraient un geste d'excuse, une tentative de réconciliation après un comportement regrettable qu’elle avait pu avoir. L'autre serait un simple geste de tendresse envers quelqu'un qui comptait énormément pour elle. Elle saisit les deux peluches supplémentaires avec douceur, les plaçant soigneusement dans son sac aux côtés du poulpe bleu. Chacun de ces objets avait désormais une signification spéciale, un lien émotionnel qui les rendait plus que de simples peluches abandonnées dans une boutique délaissée.

Alors qu'elle poursuivait sa visite de la boutique, Jordan ne put s'empêcher de succomber à d'autres petits objets qui capturaient son attention. Des bibelots colorés, des porte-clés fantaisistes, des souvenirs d'un temps révolu. Elle les examinait avec un mélange de nostalgie et d'amusement, mais elle savait au fond d'elle-même qu'ils étaient loin d'être utiles à sa survie dans ce monde hostile. Malgré tout, elle se laissa aller à cette petite parenthèse de légèreté, se permettant un instant de plaisir dans cet environnement sombre et désolé.

La petite visite de Jordan à l'aquarium prit fin et elle émergea à l'extérieur, prête à suivre le cours du destin, où que le vent la mène. Cependant, avant même qu'elle ne puisse faire un pas, une silhouette surgit non loin d’elle à côté d’une voiture, une femme tenant une arme pointée droit vers elle.

La surprise figea la blonde sur place, son souffle se coupant brusquement dans sa gorge. Instinctivement, elle leva lentement ses mains au niveau de ses épaules, un geste de soumission face à la menace imminente.

“Tu te fous de ma gueule ?”

La question jaillit de ses lèvres sans filtre, un murmure ironique adressé non pas à la femme qui tenait l'arme, mais au destin lui-même. Jordan connaissait bien cette silhouette rousse qui la menaçait, cette silhouette qui se dessinait désormais dans les ombres de l'incertitude. Charlotte, Charlie, Chacha... des surnoms affectueux pour une amie de longue date, une femme qu’elle considérait un peu comme sa grande sœur.

Malgré la tension palpable, malgré l'arme pointée vers elle, Jordan ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire nerveux. Les souvenirs affluaient, des moments partagés autour d'une bière, des instants de complicité où le poids du monde semblait s'évaporer ne serait-ce qu'un instant.

"On est cool ou ?" demanda-t-elle, ses bras toujours levés dans un geste de pacification. Même dans cette situation périlleuse, même face à une amie d'autrefois devenue une inconnue dans ce monde chaotique, Jordan espérait que le lien qui les unissait autrefois pourrait encore jouer en sa faveur, brisant la glace de la méfiance qui s'était insinuée entre elles.

Jordan se tenait sur ses gardes, scrutant chaque mouvement de la femme qui se tenait en face d'elle. Même si elle connaissait très bien Charlotte, l'incertitude régnait. Qui savait ce qui avait pu se passer pour elle pendant cette épidémie ? Les gens changeaient, se transformaient dans ces moments de crise, et Jordan ne voulait pas risquer de se prendre une balle en se jetant tête baissée dans les bras de son amie. Son cœur battait vite, alimenté par l'adrénaline de la prudence.

Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres lorsque l'arme de Charlotte baissa lentement, et elle entendit son propre prénom s'échapper des lèvres de son amie. Mais avant même qu'elle puisse réagir, Charlotte se précipita vers elle, comme une vague impétueuse se jetant sur la plage. Jordan sentit son pouls s'accélérer alors que les bras de son amie l'enserraient. Une vague de chaleur l'envahit alors qu'elle se laissait aller à l'étreinte, réalisant qu'elle avait retenu son souffle sans s'en rendre compte.

La blonde n'avait guère eu le temps de répondre à l'étreinte que Charlotte se recula précipitamment, s'excusant d'avoir pointé son arme et de l'avoir saisie dans une étreinte inattendue. Jordan secoua légèrement la tête, un sourire amusé aux lèvres, puis se laissa aller à plonger à nouveau dans les bras de son amie.

Elle voulait absorber chaque sensation : la chaleur de son corps, son odeur familière, et surtout le simple fait qu'elle était là, bien vivante. Cette femme était plus qu'une amie, elle était comme une grande sœur pour Jordan. Ensemble, elles avaient traversé tant de moments à New York, partageant des rires, des larmes et des aventures.

Elle se recula légèrement, un éclat de bonheur dans les yeux. "Je viens juste de retrouver mon frère, et te voilà... Suis-je en train de vivre mes derniers instants ?", se demanda-t-elle à voix haute. Jordan sentit son cœur se serrer à ces mots chargés d'émotion. Quelle était la probabilité que tout cela se produise ? Dans ce monde post-apocalyptique, où chaque jour était une lutte pour la survie, elle avait réussi à retrouver son frère, arrivé sur le sol américain le jour même de la catastrophe. Elle avait pensé ne jamais le revoir, séparés par l'immensité de l'océan Atlantique. Et pourtant, contre toute attente, ils s'étaient croisés retrouvés. Et maintenant, alors qu'elle pensait avoir tout vu, Charlotte refaisait surface, comme un mirage dans le désert aride de l'apocalypse.

"Ça me fait tellement de bien de te revoir aussi..." murmura-t-elle, tandis qu'elle attrapait doucement l'une de ses mains dans une petite pression pour accompagner ses paroles.

Son amie lui demanda soudain ce qui se trouvait dans son sac, et Jordan, se sentant un peu gênée, pivota la tête pour apercevoir une tentacule dépassant de l'ouverture. Un frisson d'embarras lui parcourut l'échine alors qu'elle répondait d'une voix légèrement hésitante : "Oh... euh, c'est juste une peluche." Elle retira son sac de son épaule avec une certaine maladresse, le posant au sol avec précaution. Puis, d'un geste un peu fébrile, elle saisit la peluche et la remit à sa place, dissimulée à l'intérieur.

"J'ai pensé à un ami en la voyant", avoua-t-elle finalement, son visage prenant une teinte rosée de gêne. "Et, eh bien... j'ai quelque chose à me faire pardonner", ajouta-t-elle en baissant les yeux, consciente de la singularité de cette confession.
Alors que Jordan replaçait la première peluche dans son sac, son regard tomba sur une autre peluche juste en dessous. Une sensation de chaleur monta à ses joues alors qu'elle se mit à rougir de plus belle. Pourquoi avait-elle pris une peluche pour la sœur de Noah pour se faire pardonner d’avoir été une connasse ? Cette pensée lui fit battre le cœur un peu plus fort, tandis que son esprit s'embrouillait de questions et de doutes.

Elle se sentait soudainement mal à l'aise, comme si elle avait commis une intrusion dans l'intimité de quelqu'un d'autre. Cette étrange coïncidence la troublait. Pourquoi avait-elle choisi cette peluche en particulier ? Était-ce juste un hasard, ou bien y avait-il une signification plus profonde derrière son geste ? Les questions tourbillonnaient dans son esprit, et elle se sentait de plus en plus embarrassée par sa propre impulsion.

“Est ce qu'offrir une peluche pour accompagner des excuses, ce n’est pas un peu étrange ?” demanda-t-elle finalement, cherchant conseil auprès de Charlotte.

Puis, réalisant soudain la bizarrerie de la situation, Jordan secoua la tête de gauche à droite avec un soupir. "Je te demande vraiment conseil, avant même de te demander comment tu vas ?" Elle se sentait un peu honteuse de son comportement, réalisant qu'elle avait sauté directement dans le vif du sujet sans même prendre le temps de s'enquérir du bien-être de son amie.