Can we win this fight ? (( Ft. Locke))

Elle aurait cru que le temps aurait rendu la tâche plus facile. Qu’elle aurait au moins commencé à avoir une piste de réponse depuis tout ce temps. Mais elle tournait en rond, un nouveau recul, un nouvel échec. Elle cherchait désespérément une solution, mais commençait à ne plus savoir de quel côté se tourner. Certes, elle discutait souvent avec les collègues, mais elle avait cette impression que - sans vouloir le dire ouvertement - ils en étaient tous à ce même point mort.

Dehors, la neige tombait avec vigueur. Encore une fois. Murphy pria un instant pour que les explorateurs soient tous bien cachés, à l’abri de ce ravage. Le laboratoire de la base militaire n’avait qu’une seule fenêtre, renforcée contre les possibles ennemis de la base, ce qui le rendait également plus étanche contre les infiltrations d'eau, mais permettait au météorologistes qui les accompagnaient de garder un oeil sur l’extérieur. Mais cela rappelait aussi à Murphy le goût amer de son échec à chaque fois que le ciel déversait sur eux le drame qui les habitaient. Avec un soupir las, Murphy se pencha de nouveau sur son microscope, tentant d’extraire de la mousse qu’elle avait ramassée lors de sa sortie avec Eddison, assez d’eau pour pouvoir isoler de nouveau les molécules de ce foutu virus. Le laboratoire était devenu son sanctuaire, à un point tel où elle ne fréquentait que trop peu sa chambre, trop absorbée par les tâches à accomplir pour voir les heures passées. Les nuits blanches étaient d’ailleurs devenus trop fréquentes au cours des dernières semaines, car chaque découverte s’était accompagnée de son lot d’espoir et de désespoir. L’idée d’être près de la solution lui donnant la motivation d’avancer, alors que les échecs la poussaient à reprendre de plus belle sans attendre… Données, équations, graphiques. Les théories tournoyaient dans sa tête, mais également sur les papiers éparpillés autour d’elle. Elle jonglait avec plusieurs hypothèses en même temps, mais son esprit se concentrait à présent sur une nouvelle piste de recherche. Une qu’elle ne comptait pas laisser filer de si tôt.

Alors, délaissant les notes qu’elle avait commencées sur l’analyse génétique du virus, elle prit la route de l’infirmerie tout près. Thomas n’était pas là pour l’aider avec ses expérimentations, l'ingénieur ayant été déployé sur un autre projet, mais Murphy était pleine de ressources. Et surtout, elle avait besoin d’une aide toute autre que celle que l’ingénieur pouvait lui fournir en cet instant. En entrant dans l’infirmerie, elle repéra rapidement la tête brune qu’elle espérait voir. Elle aurait été bien déçue de ne pas avoir trouvé ce fidèle acolyte dans cet endroit, elle détestait le déranger hors de ses heures de travail.

« Locke ! Comment tu vas ? » Elle lui offrit un sourire. Un qui laissait deviner que sa question était sincère, mais qu’elle avait aussi une demande pour lui. Une fois qu’il eut répondu, elle relança sur les raisons de sa visite. «J'ai besoin de ton aide. Un échantillon de sang pour pouvoir observer la réaction des globules blancs face au virus. Tu penses que tu peux m’en prendre un peu ? » À ces mots, elle releva sa manche. L'idée de sa théorie lui faisant complètement oublier que le manque de sommeil et le fait qu’elle n’avait rien bu dans les dernières heures n’allait pas leur rendre la tâche facile. Elle était simplement concentrée par le fait qu'elle ne pouvait faire une prise de sang elle-même.

Il s’habituait, mine de rien, Locke. À tout ce fonctionnement au sein de cette base militaire au nom de la Colline. Une appellation douce, mais dont l’organisation revête les masques les plus sombres. L’infirmier avait entre vu l’autre côté de la médaille -en fait, on l’avait plongé dans cet envers du décor de force-. Il a failli basculer et ainsi faire partie de ceux que l’on colle l’étiquette de cobaye. Il s’en souviendra toujours de cette descente et dont un membre de l’escouade l’avait repéré in extremis avant que l’on balance sa personne à la gueule du loup. La logique voudrait qu’il soit éternellement reconnaissant, mais depuis ce geste de bon samaritain, tout était devenu plus complexe pour Locke. Le chantage, les risques qu’on lui intime de prendre en échange du silence sur son prénom -mais surtout qu’on le laisse libre d’être un fantôme parmi la masse qui s’ameute à la Colline-.
Puis, il parvient à se rendre utile. Il a des compétences non négligeables -bien qu’ils ne sont pas au même stade que les médecins ou autre praticien plus poussé-. On veut de lui dans les laboratoires, mais les hauts dirigeants ne s’encombrent pas de son existence plus que de mise -le balançant parfois dans des expéditions lorsque le besoin de matériel médical se fait criant ou bien tandis que les risques de blessures montent en flèche-. Heureusement, c’est des événements rares -bien que son sauveur ne rate pas la moindre chance pour lui faire valoir des requêtes personnelles-. Une situation qui le rend mal, mais qu’il réussit à feindre.
Il ignore cependant pour combien de temps. Il prie néanmoins pour que ses actes passent sous les radars. La basse fréquence joue en sa faveur et celui qu’il en tire les ficelles prend le plus grand soin de maintenir ce cap qui n’éveille aucun soupçon apparent.

Le jeune caribou ne voit généralement pas ses journées défilées. L’activité est forte et surtout depuis que le blizzard s’est abattu sur la ville. Dès qu’il a remis les pieds au camp, on l’a semé de s’atteler à la tâche une fois les vérifications sur son état de santé complétées. Ce qui ne le dérange pas réellement en vérité. Il évite de réveiller son coloc par la même occasion en fréquentant peu leur chambre, mais surtout, sa route croise celles d’autres spécialistes dont il collabore au sein des laboratoires lorsque ses talents d’infirmier ne sont plus requis.
Une autre opportunité de voir la face cachée des militaires régissant le campement.

Sa tête se lève et ses pralines rencontrent la rouquine qui débarque dans l’infirmerie. Les lèvres du jeune homme imitent ceux de la scientifique. Elle était l’une des rares personnes dont il ne passait pas inaperçu. Si au départ, l’infirmier craignait Murphy, de fils en aiguille -après plusieurs collaborations sous les idées affluentes de cette dernière-, il a appris à la découvrir sous un nouveau jour.

— Un peu fatigué, avoue-t-il alors que ses cernes confirmaient le manque de sommeil, mais ça va.

Il en a l’habitude. Son ancien métier lui avait enseigné à s’octroyer peu de repos. Mais il devait le confesser, depuis la première pluie, ça a accentué cette habitude à dormir un œil ouvert. Et soyons honnêtes, si la rouquine débarque, ce n’est certainement pas pour emmener le brun s’effondrer dans les bras de Morphée.
Sa tête penche un tantinet vers la droite suite à la requête de son vis-à-vis. Si dans un premier temps, il s’affairait dans l’immédiat à la tête, ses traits tombent.

— Comment tu te sens présentement?

Car si ses cernes, il les assumaient, Locke n’a pas la sensation que la scientifique prenne totalement en considération les siennes. Même si elle requiert qu’une fiole de sang, il la connaisse assez pour anticiper la suite; à chaque tentative, elle voudra confirmer -ou bien partir sur une nouvelle piste-. Le sang extirpé augmentera sans cesse et l’état que le jeune garçon décèle sur l’invitée surprise ne permettra pas qu’il la pique à plusieurs reprises.
Néanmoins il commence à tâter l’intérieur du coude. Les veines brillant par leur absence.

— Tu sais que tu n’es pas obligée de prendre ton propre sang…

Elle est soulagée, Murphy, de voir que pour une fois l'infirmerie n’est pas trop achalandée, Dernièrement, les visites s'enchaînent. Il fallait avouer qu’ils avaient eu un hiver mouvementé, ponctué de nombreuses tempêtes qui n’avait facilité la tâche de personne. Murphy y avait goûté - bien que se retrouver enfermé avec Thomas n’avait pas été trop pénible - et elle avait entendu que Locke avait eu, lui aussi, son lot d'aventures. Et ce n’était qu’eux, beaucoup de membres de la base militaire avaient eu des expériences désagréables lors de la dernière tempête et les blessures semblaient encore plus nombreuses depuis. L’infirmerie était définitivement achalandée. Peut-être était-ce aussi pour cette raison qu’elle avait tant tardé à rendre visite à ce lieu. Elle voulait éviter les gens… Et les questions.

Murphy hocha lentement la tête. Au moins, Locke ne lui avait pas menti. Il avait une sale tête, mais il assumait le manque de sommeil. Après tout, n’étaient-ils pas tous dans cette situation. Et lui encore plus en sachant qu’il devait s’occuper des urgences qui arrivaient à toute heure du jour ou de la nuit - ou du moins, c’est ce que Murphy assumait. Il possédait une résilience et une endurance que la jeune femme appréciait particulièrement. Et cet esprit scientifique qui en faisait un excellent collaborateur (et même un ami, ce qu’elle avait très peu).

Murphy étouffe un rire et secoue négativement la tête alors que le brun lui renvoie sa question. Elle se doute bien qu’elle a une mine affreuse, mais elle peut avancer. Finalement, après tout ce temps, elle a l’impression qu'une nouvelle approche pourrait enfin lui permettre d'obtenir un résultat qui leur serait utile, qui permettrait d’aller plus loin. Que cette nouvelle approche pourrait la sortir de toutes ses impasses. Ce n’est pas le temps de se relâcher, ce n’est pas le temps de laisser tomber. Un timing crucial. Une victoire qui lui semble pouvoir se trouver à portée de main. Et Murphy tend la main vers cette opportunité, il ne reste plus qu’à la saisir. Alors elle affiche son plus grand sourire, avant de répondre : « Je vais bien ! T’inquiète pas. » Et elle y croit, car même si elle a une mine affreuse, la possibilité d’une avancée balaye tout le reste . Elle avait toujours été ainsi, à s’oublier quand il le fallait.

Et elle est soulagée quand elle voit que Locke commence à s'affairer. Murphy se doutait bien qu’il n’allait pas le lui refuser, mais elle avait quand même eu une petite crainte. L’espace d’un instant. Elle le laisse diriger, il sait mieux qu’elle ce qu’il fait après tout. «  Je sais bien…  » souffle-t’elle en posant son regard sur le mur devant elle. « Mais tout le monde doit mettre la main à la pâte ! C’est mon tour. Si on… » Elle marque une hésitation, ne sachant comment formuler sa pensée. « On ne peut pas LEUR en prendre encore. Sinon ça va créer des problèmes. » La rouquine hausse les épaules avec un air désinvolte. Elle a besoin d’un échantillon, mais elle a aussi besoin qu’ils soient en forme si ça fonctionne comme elle l’espère. Elle livre sa pensée à Locke, sans tabou, mais elle attend encore de voir comment celui-ci va réagir face à la remarque. Elle n’est jamais certaine de ce que les habitants de la Colline pensent - ou même ce qu’ils savent - de l’aile des laboratoires.