Petit chaton // Violet

Il commence à prendre ses marques, Elias, parmi cette fourmilière appelée Tanière. Tout lui est encore inconnu et quelque peu flou quant aux limites imposées au sein du camp. Il avait quitté le Refuge puisqu’il s’y sentait trop étouffé, mais même dans cet aéroport, il y a des règles -la base lorsque l’on vit en société, direz-vous-. Cependant, et avec la réputation qui leur colle à la peau, le blondinet osait croire qu’il sera plus libre. En réalité, c’est le cas, mais il refuse de complètement l’admettre.
Mais une chose est claire; il est le roi lorsqu’on s’attarde à son stand au sein du marché.
Les gens affluent à toute heure de la journée. Zigzaguent à travers la fourmilière. Ce qui est bien -malgré tout handicapant-, c’est qu’il décide de son propre chef les heures où on peut zieuter tout ce qui a à offrir au plus offrant. Il s’assure que ses étagères sont bien garnies pour un maximum d’échange de bon procédé -un bien contre une faveur ou encore un autre bien dont il estime être supérieur à ce qu’il se départis-. Il est nouveau dans ce domaine, loin de ses connaissances à partager auprès de petits curieux dans la mythologie nordique. Ça lui arrive de ressentir ce léger goût amer de n’avoir pas fait une merveilleuse affaire -ou bien qu’on lui ait menti-. Mais il apprend, le jeune danois. Si son fort accent lui porte préjudice envers les natifs du sol américain, sa mémoire est infaillible en ce qui concerne de retenir un visage. Une fois analysé, il s’en rappellera toute sa vie et peut identifier un malheureux ayant croisé sa route -et dont il a su titillé son attention un minimum- en deux secondes.
Alors oui, sa mémorisation graphique l’aide à dresser une liste des petits malins qui penserait être assez futée pour le duper à nouveau. Il garde dans un coin de son esprit un catalogue pour ses modestes vengeances qu’il n’aura aucune rancune à déverser si leurs chemins venaient à se rencontrer une nouvelle fois. Ça l’amuse, en vrai, d’élaborer ces stratagèmes perfides pour bien faire comprendre qu’il vaut mieux ne pas tenter une deuxième chance avec lui.

Les heures passent, il est parvenu à échanger des chandelles contre une tuque étrangement en bon état -et qui selon les dires de la dame, elle l’aurait confectionné elle-même et s’il pouvait trouver des balles de laine, elle en sera des plus ravies-. Il a réellement la tête à tenir un stand d’artisanat avec des moutons dans sa cour? Il a plutôt le look d’un petit con qui a les emmerdes collés au cul! Malgré tout, il en prend note. Il pourra négocier quelques habits chauds pour contrer ce froid qui ne veut pas les lâcher depuis le mois de janvier -sans compter ce satané blizzard qui a frappé la ville et qui a paralysé tout. Littéralement tout!
Bref, il fout sur son crâne cette tuque aux couleurs de son pays natal. Coïncidence? De toute évidence! Il ne présume pas que tout arrive pour une raison dans la vie -mais plutôt que tout s’enchaîne parce qu’on prend des décisions idiotes!-. Mais cette tuque lui réchauffe les oreilles qui commençaient à geler par le vent glacial qui les chatouillait. Bon sang, il donnerait tout maintenant pour avoir un foulard et des mitaines, à croire qu’il se trouvait dans le froid canadien. Il peste dans sa barbe.

Une passante capte son regard, comme autrefois. C’est instantané. Ses pralines azurées restent cloitrées contre cette silhouette dont il n’imaginait pas revoir en si bon état. Ou revoir point.
Elle est pourtant bel et bien là, à balayer du regard les babioles qui ornent son stand. Elle ne l’a pas encore remarqué? Un rire lui échappe tandis que ses lèvres forment un rictus qu’il a si bien l’habitude d’arborer.

— Bonjour petit chaton!

Il la salue de ce surnom qui lui va à merveille selon son humble avis. De quoi rapatrier l’attention de la jeune demoiselle sur sa unique personne. Et dès que ses iris se portent sur lui, Elias lui offre un clin d’œil tandis que son menton se perche sur le revers de sa main.

Elle avait le mal du pays. Violet était née et avait grandi à Malden, elle était chez elle. Pourtant elle avait cette impression étouffante, grandissante, qui s’emparait de chacune des fibres de son être sans qu'elle ne puisse le contrôler. Comme le poids oppressant d’une nostalgie grandissante. Elle s’était levée aux petites heures du matin, incapable de trouver le sommeil après s’être réveillée pour une troisième fois et avait décidé qu’il était temps d’arreter de combattre l’éveil. Elle s’était donc levée et était partie errer dans les couloirs de la Tanière. Elle se revoyait gamine, trépignant d'impatience avant de prendre un vol vers San Francisco. Elle voyait son père descendre l’escalier roulant, valise en main au retour d'un voyage d’affaires et sa petite sœur se lancer à bras ouverts vers l’homme. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle avait le mal du pays, car même s’il s’agissait des rues familières de son enfance, elle ne les reconnaissait plus. Les odeurs n’étaient plus les mêmes. Les gens n’étaient plus si accueillants non plus. Et les voix des membres de la Tanière résonnaient en écho de toutes celles qu’elle avait connues auparavant. Une douleur sourde. Un vide irremplissable. Un sentiment d’impuissance croissant face à cette situation à laquelle elle ne peut rien faire. Elle a le mal du pays. Parce qu’elle ne reconnaît plus la ville dans laquelle elle a grandi, mais surtout, parce qu’elle n’aurait jamais cru être seule ici. Sans eux…

Elle secoue la tête pour se sortir de ses pensées qui ne faisait qu’accentuer ce sentiment d’aliénation. Le temps n’était pas à se morfondre. Alors elle prit la direction de la salle d'entraînement pour tenter de donner quelques coups sur des sacs en attendant que le reste de la Tanière s’éveille et qu’elle ne doive reprendre ses tâches à l’infirmerie. Le reste de la journée se déroule plus rapidement qu’elle ne le pensait. Les cas à traiter étaient tous mineurs, majoritairement des suivis après les nombreuses hypothermies causées par le blizzard. Elle eut donc le temps de refaire les inventaires et de dresser la liste de ce qu’elle devrait rapporter lors de sa prochaine expédition pour s’assurer d’être parée à toute éventualité, on ne sait jamais ce qui peut se passer avec ces énergumènes qui appliquent la loi du plus fort. Mais Violet laisse échapper un sourire en coin. Au moins, le travail aura eu l’avantage de la tirer de sa nostalgie lancinante.

Elle s’étira doucement et prit la direction du marché, espérant trouver quelque chose qui attirerait son attention ou alors qui serait utile pour l'infirmerie. Son manteau est assez chaud pour lui permettre de se promener entre les stands sans avoir trop froid. Elle enfouit ses mains dans ses poches afin de les garder au chaud et laisse son regard vagabonder d’un kiosque à l’autre. C’est une habitude qu’elle a prise, de passer ici en fin de journée, pour observer, pour se changer les idées. Un stand bien chargé attire son attention. Elle laisse ses yeux s’attarder sur les chandelles, quelques livres, des clous, allumettes et bien plus encore. Visiblement, ce marchand savait ce qu’il faisait.

Et cette voix. Cette voix qui l’interpella par un surnom qu’une seule personne utilisait. Elle ne se serait jamais attendue à l’entendre de nouveau, cette voix qui - elle ne l’admettrait jamais - hantait encore ses rêves. Lentement, Violet relève les yeux vers le propriétaire du stand. C’est bien lui. Elias. Son sang se glace dans ses veines, mais elle lui offre un sourire moqueur, histoire de ne pas laisser paraître qu’au fond, elle est totalement paniquée. Par chance, sa formation de paramedic lui a apprit à refouler cette peur dans les moments cruciaux.

- Fisker.

Elle ne répond pas à son clin d’oeil, même si elle est convaincue que son sourire moqueur est une réponse aux yeux du jeune homme. Elle le regarde prendre la pause et décide pour sa part de croiser les bras et hausser un sourcil pour le dévisager. Le tricot rouge et blanc ornant la tête du jeune homme lui donnait presque l'air sage. Presque...

- Jolie tuque ! Qu’est-ce qui nous vaut le plaisir de ta présence ici ?

Ou autrement dit. Qu’est-ce que tu fous dans les parages ? Elle était surprise de le voir. Et cette conversation allait sans doute être des plus désagréable, mais elle refusait de le laisser gagner.

Les lèvres délicates qui s’étirent afin de lui octroyer un sourire. Moqueur, certes, mais un sourire reste un sourire! Il a réussi à susciter une réaction chez la jeune demoiselle qui serpente entre les stands qui usent de tous les moyens imaginables pour s’apparier l’attention des passants. Il en fait autant, Elias, pourtant, elle seule lui suffisait à l’instant T.
La rabat-joie! Aucunement elle se prête au jeu. Elle l’interpelle par son simple nom de famille dont il s’empresse de la reprendre avec la tonalité danoise. Vraiment, les Américains qui déforment tout dès qu’ils ouvrent la bouche. Il y a quelques subtilités qui se perdent sous le sol américain, mais il est prêt à la pardonner pour une fois.
Ses épaules s’activent sous le mini fou rire qui lui prend. Il ne peut s’empêcher de rigoler face à cette position que le petit chaton adopte. Ce croisement de bras qui épouse étrangement les formes de son corps. Il fait mine d’oublier le sourcil décentré sur ses visages. De toute évidence, elle ne reste pas de marbre devant sa personne. Ça lui procure un léger sentiment d’emprise -ou bien il se réjouit d’une certaine façon de ne pas la laisser complètement indifférente-.
Il n’est pas un fantôme sous son regard chocolaté.

Il relève la tête comme si ses propres pupilles pouvaient se poser sur la laine qui le garde au chaud. Il tire néanmoins sur la manche de son pull pour s’assurer que sa peau reste couverte en entier. Les marques sur son bras n’ont guère perdu de leur teinte rougeâtre vif. Cette corde qui a laissé sa trace malgré lui. Cette idée folle de croire qu’il aurait pu avoir le contrôle sur le voilier qui s’amarrait à quitter le port. L’épiderme restait sensible. Pourtant le petit chaton pourrait traiter sa blessure -cent fois- mieux que sa propre personne, il se refusait qu’elle l’entrevoie. Il peut se débrouiller seul. Il n’a plus besoin d’elle pour soigner ses plaies. Avec sa délicatesse.
La tuque entre ses mains, ses mèches blondes ébouriffées dont il ne prend pas la peine de les replacer. L’accessoire tourne via sa main pour mettre en valeur les deux couleurs utilisées.

— C’est une vieille dame qui semble avoir eu pitié de moi et qui m’a refilé ça. Elle m’a dit que je devrais faire plus attention et de mieux me couvrir. Puis, ça met en valeur mon pays natal, tu ne trouves pas, petit chaton?

Un rouge frappant avec un blanc immaculé. C’était à croire que cette tuque avait survécu à travers ce périple qu’est l’apocalypse. Ou bien cette inconnue à l’âge d’or venait de le fabriquer. Il hausse les épaules à ses réflexions muettes dont il balaie de ses pensées -n’ayant certainement pas pris la peine de lui poser ces questionnements-. Mais Elias en prend soin. S’assure que les couleurs gardent de leur saturation. C’est probablement l’objet qui le rapproche le plus de son pays d’origine.
Mais trêve de bavardage sur ce morceau de laine. Il préfère s’adonner au sujet de sa propre personne -surtout pour éclairer la lanterne de ce petit chaton égaré qui revient auprès de son maître-.

— Je marchande! s’exclame-t-il tel une évidence aveuglante. C’est utile pour survivre de nos jours. Je dirai même la clé! Je déniche par-ci et par-là des trucs que j’offre au plus offrant. Ça me permet aussi de pouvoir me mettre de quoi sous la dent à la fin de la journée. Mais si quelque chose te fait de l’œil, donne-moi ta meilleure offre ou ton plus beau sourire d’ange! Et peut-être je me montrerai généreux, qui sait?

Après tout, il n’était bon à rien d’autre dans les faits. S’occuper d’un stand à babioles restait une occupation entrant dans le peu de corde qu’il possédait à son arc. Étudier le folklore et la mythologie scandinave ne vous aide pas dans un monde régit par une pluie répandant un virus qui vous brûle de l’intérieur -plus concrètement de l’extérieur si l’on prend au premier degré-. Il est certes athlétique, mais le courage lui fait atrocement défaut.
Et cette jeune demoiselle pourrait le crier haut et fort après l’en avoir expérimenté de sa force héroïque.

— Je peux te renvoyer la question?

Car s’il n’aurait pas sourcillé à la croiser au Refuge -l’esprit lui correspond davantage à son sens-, ici au sein de cette fourmilière, sa curiosité l’a piqué.
Mais ne dit-on pas Curiosity killed the cat?

Elle rage intérieurement. Comment ose-t’il la reprendre sur sa prononciation, alors qu'elle est elle-même persuadée qu’il ne saurait dire son nom comme il se doit. Dans un sens, elle aurait pu comprendre. Ayant grandit aux États-Unis, avec des origines latina, elle-même s’était retrouvée à quelques reprises à devoir reprendre des gens sur la prononciation de son nom. Elle avait cette habitude de porter attention aux noms étrangers, à faire attention à ce genre de choses car elle comprenait, elle aussi ce que c’était de voir des Américains déformer des patronymes. Un héritage bafoué, en un sens. Mais avec lui, elle s’en moquait. Elle ne pouvait supporter ce petit sourire arrogant, cette satisfaction qu’elle percevait alors qu’il la reprenait comme s’il lui était supérieur. Et lorsqu’il se met à rire, elle lève les yeux au ciel. Décidément, cet homme est un fou. Un lâche et un fou. Incapable de prendre quelque chose au sérieux. Incapable s’assumer son propre comportement. Ou alors tentait-il d’avoir une seconde chance à l’idée de la laisser mourir ?

Mais la conversation lui paraît futile, alors qu’il lève à son tour les yeux vers la tuque qu’elle avait désignée. Elle soupire, bien entendu, ce sont les couleurs de son pays. Un peu exaspérée par cette comédie, elle se contente de répondre d’un ton provocateur. « Ou alors, c’est un honneur à la Cordillère des Andes au coeur du Pérou ! » Après tout, le pays du sud arborait les mêmes couleurs que le Danemark et les montagnes de cet endroit nécessite de bien se couvrir - à ce qu’on lui avait dit. Mais Violet cherchait simplement à le contredire. « Ce n’est qu’une couleur. Redescend sur terre. » Mais elle ne pouvait s’empêcher d’y voir le reflet du pays d’origine de l’homme. Le blanc immaculé de la tuque avait survécu à bien des intenpérie et rappelait la neige qui n’était plus ce qu’elle était autrefois. Neige qui devait recouvrir les lointaines contrées danoises de son épais manteau en hiver. Et Violet se surprit à penser qu’elle aurait aimé voir ce pays en hiver. Peut-être que… Non, elle refuse de se laisser emporter par ces réflexions. Et par chance pour elle, Elias reprend la parole, lui donnant une échappatoire sur ses propres pensées.

Mais à l’explication de l’homme, Violet soupire de nouveau.

« Et combien de personnes t’as laissées mourir pour te procurer ta marchandise ? » siffle-t’elle, lui faisant ainsi comprendre qu’elle ne lui a pas pardonné. Lui faisant ainsi comprendre qu’elle n’est pas la plus heureuse de le voir ici, aussi candide et insouciant dans sa prestance. Elle lui offre un sourire narquoise avant de répondre d’un ton sarcastique « Merci de l’offre, je tâcherai de m’en souvenir. »

Il renvoie la question. Violet ne sait que répondre. Elle ne lui avouera tout de même pas qu’on l’a apporté ici alors qu’elle n’en avait que semi-conscience. Elle ne lui avouera pas non plus qu’elle y a retrouvé sa famille. Ce serait de lui donner une arme contre elle. Elle haussa les épaules.

« Je cherche du matériel. Mais rien qui ne puisse t'intéresser, j’en suis certaine. C’est plutôt pour aider les gens.» Répondit-elle vaguement. Demi-mensonge, puisque l’infirmerie avait son propre matériel et qu’il était préférable de donner directement au bien commun ce qui pouvait être utile, mais VIolet faisait toujours une tournée des stands, sachant pertinemment que le meilleur matériel médical serait sans doute sur les étalages et non dans les armoires de l’infirmerie. Les gens n’étaient pas si stupides…

Cette réaction -tant minime soit-elle-, il l’adore. Il s’en délecte. L’observer, déceler ses tics et constater l’agacement qui brille aux font de ses pralines lui procuraient une sensation de contrôle. Il n’était pas aussi effronté que d’oser assumer qu’elle lui appartient, mais savoir qu’il ne la laisse guère indifférente l’amuse tel un gamin de 5 ans devant une panoplie de friandises aux couleurs de l’arc-en-ciel. Il s’en doute du petit feu dont il alimente l’ascension chaque seconde. Mais c’est un jeu auquel il adore jouer -et surtout auquel il est prêt à tout compromettre-. Avec cette demoiselle, aucun ne risque de s’ennuyer. Peut-être pour cela qu’il s’y plaît autant à la charrier de tous les côtés, le blondinet.
À sa réplique à la brune, Elias tire une grimace emplie d’incompréhension.

— À quoi?

Qu’est-ce qu’elle venait de lui sortir au juste? Autant le Pérou, il savait où ça se situait sur le globe terrestre, mais le truc là… Colanie machin-truc?
Mais la seconde partie lui arrache un rire. Elle n’aime donc pas la signification qu’il donne à sa tuque? Rien que pour cela, il va continuer à lui répéter à chaque fois qu’elle posera les yeux sur ce bout de laine le tenant bien au chaud.

— Les couleurs de mon pays natal, oui!

Eh hop, voilà un rappel d’entrée de jeu. Il se fiche bien que ça soit seulement des couleurs. Mais nous n’allons pas nous attarder sur la couleur rouge et blanche. Surtout que sa potentielle cliente s’intéresse à autre chose; son stand bien garni.
Son sourire s’efface. Un malaise l’enivre. Ses dents se serrent, mais il maintient son regard rivé sur elle, les sourcils froncés. Cheap shot! Elle ne faisait qu’assumer des choses dont elle ignore. Mais la rancœur ne disparaissait pas via un claquement de doigt. Il inspire.

— Si les personnes meurent, ça ne sera pas de ma faute! J’ai déniché tout ça par moi-même en fouillant les habitations et en trouvant des cachettes dont personne ne les avait encore découvertes. Donc leurs propriétaires originaux sont probablement en train d’errer dans la ville à chercher de la viande fraîche à croquer et à savourer.

Il exagère, parabole sûrement. Mais les propos de la jeune femme l’avaient piqué bien plus qu’il ne voulait se l’avouer.

— Je ne suis pas un meurtrier, souffle-t-il avec assez d’élan pour que ses mots parviennent aux oreilles de la première intéressée. Contrairement à l’étiquette que tu souhaites me coller à la peau.

Il lui rend néanmoins ce même sourire qu’elle lui offre. À ce jeu, il est bien plus doué qu’elle.

— Oh, mais je t’en pris, petit chaton!

Un clin d’œil s’ensuit. Un tic qui ne le lâche pas.
Provocateur? Tout à fait!

Mais Violet dérive la conversation. Une petite curiosité à son sens qui devait la gruger depuis qu’elle l’a aperçu à travers les stands du marché. Il lui répond, non chaland avant de lui renvoyer la question et elle fait de même, mais avec si peu d’information.
Elias capte la pique encore envoyée dans sa direction. Il lève les yeux au ciel. Ça va, il a compris. Elle le déteste. L’a toujours de travers ce qui s’est passé…

— C’est pour aider les gens que je tiens un stand aussi. Ils ont besoin de matériel, je leur en procure contre autre chose. La vie a sans cesse fonctionné de cette façon, tu sais petit chaton? Surtout que maintenant, l’argent ne vaut plus rien.

La réalité change. Drastiquement. Qu’elle aime ou pas, c’est rendu ça la vie. Et parfois, on est laissé en arrière. C’est des choses qui arrivent. Le monde des bisounours est depuis longtemps éteint.

— Et si tu me disais exactement ce que tu cherches, je pourrai probablement te le trouver.

Oh, ce n’était pas pour lui rendre service. Simplement lui mettre sous le nez qu’il peut tout dénicher et elle non. Savourer de nouveau le dégoût sur son visage. Lui prouver qu’il est bien plus utile de ce qu’elle peut penser.

Elle lève une fois de plus les yeux au ciel. Bien entendu qu’il ne sait pas de quoi elle parle, comment a-t’elle pu penser, ne serait-ce qu’un instant, qu’Elias pouvait connaître autre chose que ce qui se rattachait à lui-même. Nul besoin d’insister, Violet fait un signe de la main, lui intimant de laisser tomber le sujet, autant pour le Pérou que pour la tuque. Après tout, il ne s’agissait que de laine. En excellent état certes, mais de laine quand même. Cependant, tant Violet tente de se sortir de cette conversation qui commence à prendre une tournure désagréable, tant Elias semble y prendre plaisir. Elle tente une fois de plus de faire disparaître cet argumentaire. Ce ne sont que des couleurs. Les yeux de la jeune femme s’agrandissent un peu plus de désespoir face à la réaction du blond. Il ne laissera donc jamais tomber ?

Si tu y tiens. qu’elle finit par lancer, un peu dépassée par la situation. Ce n’est qu’une couleur, comment peut-il arriver à la faire réagir autant sur des détails si… impertinents ?

Et au moment où il pose une question, Violet ne se gêne pas pour répondre. Elle exprime le fond de sa pensée, les doutes, la colère. Elle n’est pas insensible, elle voit bien que ses mots ont atteint le jeune homme, mais elle garde la tête haute. Elle a parlé, elle ne reculera pas, même si elle a conscience que ses mots ont sans doute été trop durs.

Dès les premiers mots, elle le fusille du regard. Pas de sa faute ? Comme ce n’était pas de sa faute si elle avait été laissée à elle-même ? Comme ce n’était pas de sa faute si elle avait eu du mal à fuir, si elle entend encore le bruit des ongles sur les étagères en métal alors qu’elle rampait sous un meuble pour tenter de gagner du temps. Pas de sa faute… Peut-être n’était -il pas responsable de la pluie et de ses conséquences, mais il restait responsable de toutes les fois où il n’avait pas tendu la main pour aider quelqu’un.

Ça prend bien quelqu’un pour se réjouir du malheur des autres.

Ses paroles présentent toutefois une hésitation. Elle ne le pense pas, il saura sans doute le lire. Car Violet comprend qu’il est nécessaire d’agir de la sorte pour survivre. Mais ce n’est pas ce qui hante son esprit à cet instant. Leurs propriétaires originaux sont probablement en train d’errer dans la ville à chercher de la viande fraîche. Était-ce ce qui était arrivé à sa famille ? Retrouverait-elle Nina dans un état complètement différent. Et cette fois, au lieu de ne pouvoir sauver quelqu’un, elle devrait abréger ce qui reste d’une existence. La peur monte tranquillement. Mais quand Elias poursuit sa défense, elle en profite pour revenir sur terre et chasser ses pensées sombres. Comme s’il ne s’était rien passé, elle reprend un air sarcastique.

Oh ne t’en fais pas. Tu n’as jamais eu cette étiquette. Ça te demanderait trop d’efforts.

Rancunière ? Assurément. L’aînée Alvarez n’est pas du genre à oublier les offenses. Cependant, le sourire qu’il offre lui fait froncer les sourcils. Comment peut-il être si nonchalant et faire des blagues alors que la dernière fois qu’ils se sont vus, il l’a laissée seule face à la mort. Et à la mention du surnom “petit chaton” Violet le dévisage un peu plus. Elle l’observe. Un clin d’oeil. En réponse, elle croise les bras.

Ah, tu te prends pour un bienfaiteur maintenant ? Ce n’est pas réellement de l’aide si tu retiens le nécessaire de survie et que les gens n’ont pas ce qu’il faut pour te l’échanger. Mais je suppose que pour quelqu’un comme toi, ça se résume à ce qu’on peut en tirer, pas vrai ?

Toujours un brin arrogante, l’hésitation est perceptible dans sa voix. Prouve-moi que j’ai tort. Elle soupire alors qu’il relance cette question qu’elle avait bien tenté d’éviter. Un frisson parcourt son corps, brisant la carapace de force qu’elle tentait de dégager. Le froid était mordant à ce temps-ci de l’année. Violet souffle légèrement sur ses doigts pour se réchauffer.

Rien de spécifique… bandages, médication. Ce qui peut être utile mais qui ne se serait pas rendu jusqu’aux portes de l’infirmerie.

Son regard passe de nouveau sur les objets disposés sur le stand du blondinet. Ses doigts effleurent quelques trouvailles, alors que son regard se pose sur une vieille montre à gousset. Elle est un peu abîmée, mais Violet la reconnait bien. Elle se mord la lèvre alors qu’elle prend l’objet.

Comment…

Une pression précise, sur un point spécifique de l’objet. Un petit panneau à l’arrière de la montre s’ouvre pour laisser s’échapper une photo qui y était cachée. Une femme. Deux enfants. La montre de son père. D’un coup, Violet attrape la petite image et la met dans sa poche, reposant la montre - qui appartenait à son père - sur la table, sans dire un mot… Les visages dansent dans ses pensées. Sa mère. Nina. Elle n'est pas certaine de les revoir un jour.

Elias réprimande un rire qu’il ravale. Il hausse néanmoins les sourcils lorsque Violet lui fait signe de laisser tomber. Complètement enfantin de croire en une minime victoire? Certainement! Est-ce que le vendeur ne s’en soucie guère? Bingo, we have a winner! Ça l’amuse, éperdument. Mais ce petit tour de satisfaction s’envole telle une poussière qu’on déloge pour rendre le plancher reluisant.
Les commentaires régis envers sa personne lui laissent un sacré goût amer. Elle reste coincée dans ce qui s’est passé il y a quelques mois. Il ne manque pas de se défendre et de bien lui faire comprendre par la même occasion cette campagne de salissage qu’elle encourt contre lui.

— Ça prend bien quelqu’un pour tout ramener sous le nez des autres.

Il s’en fiche à l’instant T que ce n’est peut-être pas les véritables pensées de la jeune brune. Il y a décelé une certaine hésitation, mais reste que c’est bel et bien les mots qu’elle a employé. Et mine de rien, les paroles, ça marque. Ça percute. Son sang chaud, il prend la mouche facilement. Elle possède le merveilleux don de le piquer aussi. Trop bien d’ailleurs.
C’est peut-être pour cette raison qu’il riposte à chaque mention de la paramédic. S’engouffrant ainsi dans une joute perpétuelle. Divergence de point de vue? Ça serait plus sage de l’avouer en réalité, mais l’orgueil lui dicte de ne pas lui donner cette satisfaction.

— Parce que donner tout ce qu’on trouve sans la moindre pièce en échange, tu crois qu’on pourra survivre? Il y a les explorateurs pour ça! S’assurer d’une transaction équitable permet à ce que ça ne soit pas toujours les mêmes personnes qui se retrouvent avec tout. Alors tu peux l’interpréter comme tu le veux, je m’en balance.

Faux. Complètement faux.
S’il s’en foutait comme l’an quarante, il ne se donnerait même pas la peine de s’expliquer, de défendre son point de vue. Mais l’avouer serait synonyme de défaite.
Il se dresse droit. Vexer, certes, mais il tente de garder la face. Il sait que si la discussion se poursuit, il finira par perdre son sang-froid. L’énervement fourmille dans ses veines -signe qu’il ne tiendra plus aussi longtemps qu’il le voudrait-. Alors il questionne quant à la réelle présence de cette femme qui zigzag entre les stands.
Étonnement, elle lui répond avec un sérieux palpable. Il inspire, Elias. Elle fait comme s’ils n’avaient pas eu tout ce débat. Une indifférence qui le démange. Il doit se ressaisir. Ainsi il se penche sur ce qu’il pourrait bien avoir sous la main suite à l’énumération de sa cliente. Mais bien évidemment elle demande ce dont tous s’arrachent. C’est dans une moue désolée qu’il se retourne vers Violet qui semble avoir déniché une merveille. Il la laisse faire, se questionne bien ce qu’elle y trouve à une montre des années de l’époque des dinosaures. Il la voit extirper un truc. Elle a été trop rapide, mais clairement, elle le connait un tantinet trop bien l’objet.

— Tu penses que je fais dans la charité?

Il tend la main, pour soit qu’elle donne une compensation pour son vol à l’étalage ou bien qu’elle lui rende. La balle est dans le camp de la demoiselle et Elias souhaiterait que ça soit la deuxième option qu’elle choisisse; la curiosité qui le gagne. Tel un chat, mais il espère que ça ne le mènera pas au trépas. Il n’a pas neuf vies à mettre en jeu.

— Et je ne prendrai pas vingt ans pour me décider si j’étais toi, petit chaton.

De sa main libre, il retire la montre de la table. Peut-être cela serait bénéfique de s’y attarder davantage. Comme tout ce dont Violet touche. C’était plus fort que lui. Son intérêt se porte systématiquement ce qui attire le regard de cette dernière.

Elle était cruelle. Elle le savait, Violet, sachant que chacun de ses mots avait un poids lourd dans la balance. Elle avait appris, à force de traiter des patients affolés, que quelques mots pouvaient être un pivot entre le bonheur et la souffrance. Entre la confiance et la méfiance. Entre l’acceptation et le rejet. Entre la vie et la mort.

Elle s’était promis de toujours faire attention, mais avec Elias, c’était différent. Une rancœur bien trop profonde pour qu’elle ne puisse étouffer la rage qui bouillait en elle, la colère qu’elle n’arrivait jamais à supprimer totalement. Colère envers lui, pour les erreurs du passé. Colère envers elle-même, de ne pouvoir le chasser de ses pensées. Il lui répond, tout aussi glacial qu’elle l’avait été. Mais il répond. Violet relève la tête, un air de défi peint sur le visage. Il répond, donc il n’est pas mieux qu’elle. Et si la jeune femme à conscience qu’elle ne devrait pas penser ainsi, elle ne peut cependant s’empêcher de le faire. Elle lève les yeux au ciel.

« Bien entendu ! Puisque quelqu’un d’autre le fait, pourquoi se donner la peine de faire attention ? »

Son ton est sec. Violet sent sa patience s'étioler à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. De ses questions émanait un sarcasme désagréable. Elle qui n’avait jamais eu de mal à être franche, le sarcasme n’était généralement pas son arme de prédilection, mais avec lui, elle ne pouvait faire autrement.

« On ne fera pas long feu si tout le monde agit en mode chacun pour soi. Je crois qu’on le sait tous les deux. »

Elle hésite un instant à se mordre l’intérieur de la lèvre. Elle a ouvert une porte qu’elle n’aurait peut-être pas dû approcher. Celle qui laissait à l’homme tout l’espace possible pour critiquer leur dernier travail d’équipe. Cette dernière fois où elle avait perdu quelqu’un dû à cette infection virale. Son coeur se serre alors qu’elle revoir le visage souffrant de cet homme. Elle doit se raisonner, se rappeler qu’il n'y avait rien à faire. Entre deux souvenirs, elle attrape la montre qu’elle reconnaît avoir appartenu à son père. Elle en tire la photo cachée, celle qu’il lui avait toujours promis de garder avec lui. Celle qui, quand elle était gamine, la rassurait, car elle savait qu’il ne pourrait les oublier. Obnubilée par l’objet, elle ne remarque même pas qu’Elias avait pris le temps de vérifier dans son inventaire s’il avait ce dont elle avait besoin. Peut-être cela aurait-il pu calmer la suite des choses. Mais elle n’avait rien vu.

Violet fronce les sourcils. La montre était de retour sur la table, exactement là où elle l’avait prise. Exactement dans l’état où elle était auparavant. Elle savait bien qu’il devait avoir vu qu’elle avait pris quelque chose, mais qu’allait-il bien faire d’une vieille photo de gens qu’il ne connaissait pas ? Alors Violet relève la tête et toise le jeune homme du regard. Elle ne sait pas trop s’il s’amuse ou est réellement en colère contre elle, mais il insiste. Alors avec un soupir las, elle lève les yeux au ciel.

« Elle est sur ta table. La montre, relaxe tu veux bien ? » Elle hésite un instant. Comme si l’idée de lui partager une information personnelle - celle de sa famille - lui avait traversé l’esprit. Mais ça ne le concernait pas. Elle sent son coeur se serrer en le voyant retirer la montre de la table. Était-il si méfiant qu’il voulait vérifier qu’elle n’avait pas abîmé la marchandise ? Elle espérait seulement se tromper et qu’il ne parlait pas réellement de la photo. Mais au regard de l’homme, elle devine qu’il s’attend à ce qu’elle lui donne quelque chose en échange. Elle n’a rien pour lui. Qui plus est, Violet n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Mais elle a la nette impression qu’elle ne pourrait pas se dérober de là, pas sans explications. Car il la vue, elle en est certaine à présent. Tout dans son regard lui crie qu’il a vu. Irritée qu’on lui reproche son comportement, Violet serre les poings, mais elle ne cherche pas à se dérober.

Elle ressort alors le morceau de papier, s’assurant de garder celui-ci hors de portée du blond. Elle refusait de la lui redonner et n’allait certainement pas lui en donner l’occasion. Mais elle lui montre.

« T’as gagné. C’est une photo de famille, ma mère, ma soeur. Si tu penses vraiment que ça a une valeur marchande, t’es encore plus pitoyable que je ne pensais. »

Encore une fois, elle est beaucoup plus rude qu’elle ne le devrait. Elle range de nouveau la photo dans sa poche, le défiant du regard de trouver un argument pour la contredire. Mais elle s’était fait un point de lui faire comprendre que cela ne le regardait PAS, que cette photo n’avait aucune valeur pour lui.

Deux visions qui s’affrontent. L’une croyant que la vie était emplie de bisounours et le blondinet qui lui rappelait la crue réalité. Celle où en effet, tous ne pensaient qu’à leur belle petite gueule. Et pourtant c’était déjà devenu la mentalité des survivants. Dans quel univers alternatif la paramédic vagabondait? Elle l’a subi elle-même ce flux de pensées malgré elle. Elias en étant le principal protagoniste de l’histoire. Alors ça lui échappait complètement qu’elle avance un tel argument.
Il hausse ainsi les épaules. Voulait-il réellement embarquer dans un débat? Il se sent néanmoins coupable. Il a participé à germer cette vision avec Violet. Du temps que leurs chemins venaient de se rencontrer. Lorsqu’elle partageait sa vision et qu’il lui donnait raison -probablement par aveuglement du fait qu’elle lui avait tapé dans l’œil-. Pourtant, la triste réalité les a bien vite rattrapés et les rêves se mélangent rarement avec le monde tangible.
La suite, les deux la connaissent beaucoup trop bien.

— Seuls les meilleurs survivent.

Il ne pouvait s’empêcher de rajouter son grain de sel. Toujours à chercher à avoir le dernier mot commun gamin de cinq ans.
Puis son attention divague vers le mouvement précipité de la jeune demoiselle. Un objet dont l’éclat de ses pupilles la trahissait. Il ne pouvait se tromper en avançant que cette montre avait une réelle valeur. Il pourra en tirer bien plus que ce qu’elle vaut. Mais dès qu’il l’interroge sur cette dernière, elle feint tout et remet à sa place l’objet mesurant le temps.

— Oui, parce que tu l’as remis.

Sa main saisit la montre et cette dernière miroite entre ses doigts. Et il pousse, Elias. Il pousse jusqu’à ce que la paramédic craque et sort ce qu’elle avait dérobé. Le vendeur se fige et observe le papier.
Une photo de famille.
Bon, elle lui confirme, mais aux dernières nouvelles, il n’est pas aveugle le blond. Il rajuste sa tuque et il penche la tête.

— Au moins, c’est la preuve que tu n’as pas été adopté. Ta sœur te ressemble et vous êtes parfaitement comme votre père.

Par contre, il ne pouvait pas mesurer ce sentiment qui devait fluctuer dans le sang de l’équipe soignante. Sa famille est à des milliers de kilomètres de lui et il ne saura fort probablement jamais s’ils sont en vie ou bien en train de rôder pour de la chair fraîche. Un flou qui persistera à jamais puisqu’il est impossible qu’il se rende à son pays natal à nouveau. Malden était sa maison à présent. Que ça plaise ou non à Violet d’ailleurs.
Toutefois, il ne requiert pas à ce que la brune lui rende cette photo. Il n’en voit aucune utilité. À part pour la première intéressée qui l’a récupérée déjà, personne ne voudra échanger quoique ce soit. Il a fait sa remarque et c’était tout. Elle pourra penser ce qu’elle veut de sa propre personne -même si dans un coin de sa tête, ça le chicote-.
Après tout, qui n’aime pas lorsqu’un individu relève une haute estime pour vous? Pourtant, il l’avait bien senti à l’époque il y a quelques mois. Et le pire? Il aurait mis sa main au feu que c’était réciproque. Néanmoins, il avait tout gâché. Il ne pouvait blâmer personne d’autre que lui. C’est sûrement pour cette raison qu’il n’ajoute rien cette fois. Qu’il encaisse les propos acérés à son égard.

Elle range le tout et tourne les talons. Ses pralines azurées ne la quittent pas, cette silhouette surgie du passé. Une grande inspiration d’air emplit ses poumons, mais ne lui vide pas la tête pour autant. Même s’il refuse de l’admettre, il ne pourra plus la chasser de son esprit.
C’est seulement une fois qu’elle quitte son champ de vision et ses yeux s’abaissent vers cet objet qui n’avait pas déserté sa main. Au lieu de la reposer sur l’étagère où elle dormait depuis des lustres, il la glisse dans sa poche de manteau.

— Je vais peut-être bien me plaire à la Tanière finalement!