Every action of our lives touches on some chord that will vibrate in eternity.

Aux premières lueurs du jour, August se lança dans sa routine matinale de vérification des pièges avec son fidèle compagnon à quatre pattes, l'akita Loki, à ses côtés. Le camp du refuge dépendait largement des provisions que les chasseurs comme August rapportaient, et aujourd'hui ne semblait pas promettre une récolte abondante. Avec seulement quatre lapins dans son sac, August savait que la journée serait difficile pour beaucoup de personnes qui comptaient sur leur générosité.

Malgré la déception potentielle, August avança silencieusement à travers les sentiers forestiers, ses pas résonnant à peine sur le sol moussu. Les lapins pendaient dans le sac attaché à sa ceinture, leur poids rappelant l'urgence de leur mission. Alors qu'il avançait, Loki se figea soudainement, son museau frémissant, captant une odeur qui attira son attention. August sentit l'excitation monter en lui alors que son compagnon signalait une piste fraîche.

Un sourire reconnaissant étira les lèvres du fermier alors qu'il caressait la tête de Loki, le remerciant silencieusement pour sa découverte. La relation entre August et son chien était bien plus qu'une simple alliance de chasseurs. Ils étaient des partenaires, liés par trois années de confiance mutuelle et de camaraderie. Avec un geste de la main, l’homme indiqua au chien de continuer à suivre la piste, espérant que cette opportunité imprévue apporterait un soulagement bien nécessaire au camp du refuge.

Alors qu'ils avançaient, le silence de la forêt était seulement brisé par le doux murmure du vent dans les feuilles. Soudain, des traces de pattes au sol attirèrent son attention, le forçant à s'arrêter et à s'agenouiller pour observer de plus près. Ses yeux scrutèrent le sol, reconnaissant immédiatement les empreintes imposantes d'un cerf. La taille des traces laissait peu de place au doute : un animal majestueux se trouvait non loin.

L'idée d'une telle prise déclencha un frisson d'excitation dans le dos d'August. S'il réussissait à abattre le cerf, la journée serait plus que fructueuse. La viande de cet animal pourrait nourrir une partie du camp, offrant un répit bienvenu aux estomacs affamés qui en dépendaient.

Déterminé à saisir cette opportunité, August se releva, son regard se tournant vers Loki, son fidèle compagnon. Dans le regard du chien, il lisait la même détermination et la même anticipation. Ensemble, ils se préparèrent à traquer le cerf à travers les bois, prêts à relever le défi que la nature leur offrait.

Retirant son fusil de son épaule avec précaution, il continua de pister l'animal, ses sens en alerte maximale. Cependant, un cri strident déchira soudainement le calme de la forêt, faisant bondir le maître et son chien sur place. Les yeux grands ouverts, August échangea un regard inquiet avec son compagnon canin, partageant leur surprise commune.

Sans hésitation, il fit signe à Loki de se diriger vers le son du cri. Les responsabilités d'un chasseur s'effaçaient rapidement devant la possibilité qu'une personne soit en détresse. Le cerf, pour l'instant, était relégué au second plan. Ils devaient découvrir l'origine de ce cri, peu importe les obstacles.

Suivant son chien d'un pas rapide, August se mit à courir à travers les bois, laissant derrière lui l'espoir d'une prise fructueuse pour se concentrer sur le bien-être potentiel d'un autre être humain. La décision était claire : la priorité était de secourir la personne en danger, et la traque du cerf attendrait.

Arrivant à l'origine du bruit, Loki se mit à aboyer frénétiquement, alertant August de manière indiscutable. Le brun leva les yeux au ciel et s'approcha d'un pas mesuré, croisant les bras sur sa poitrine, une lueur de satisfaction dans le regard. Penchant légèrement la tête, un sourire ironique étirant ses lèvres, August déclara d'une voix cinglante : "Il semblerait que tu aies besoin d'un coup de main ?" L'ironie perçait dans chaque syllabe, soulignant le retour de fortune qu'il voyait devant lui, il avait pendant un instant hésité à la laisser pendu mais ce n'était pas un monstre et être pendu par une jambe était quelque chose de bien douloureux.

Sans attendre de réponse, il se dirigea vers l'arbre où Eva était suspendue et coupa la corde d'un geste vif de son couteau. La laissant tomber au sol d'un bon petit mètre, il la regarda avec un mélange de satisfaction et de dédain. Son visage restait impassible, mais ses yeux exprimaient clairement sa satisfaction devant ce revirement de situation.

“Le refuge ne te remercie pas, j’étais en train de pister un cerf, la prochaine fois, tente de regarder où tu mets les pieds, ça t’évitera de finir en piñata ou pire encore...”

C'était maintenant une routine. Courir. Courir jusqu'à ce que le boucan dans ma tête semble un peu moins débilitant. Je ne sais pas si ça m'aide vraiment, mais je sais que je dois bouger - à défaut d'exploser. Mya n'est pas certaine de comprendre - je la vois bien me regarder partir tous les matins, très tôt, sans vraiment capter ce que je cherche à ce point dans la forêt. C'est peut-être ce que j'ai l'impression de fuir, plutôt. Enfin. Je sais qu'elle n'a pas non plus besoin de tout comprendre. Elle est capable de me soutenir même en prenant conscience de mes parts d'ombre. Et même si ce côté sombre semble prendre de plus en plus de place, je m'entête à ne pas me noyer dedans. Je me concentre donc sur la température ambiante. L'air est particulièrement frais, faisant rosir ma peau rapidement tandis que je tente de faire le vide. C'est parfois un brin difficile, certes, quand je dois rester sur mes gardes à tout moment.

Et si je suis normalement assez attentive pour ne pas me mettre les pieds dans les plats, je crois bien que je fais une exception, aujourd'hui. Une ombre - fictive? - attire mon attention, dans mon champ de vision. Je ne sais pas si c'est un contaminé, mon imagination, ou une réelle menace. Dans tous les cas, c'est assez pour que je quitte mon circuit habituel, me retrouvant rapidement dans un très joyeux terrain de chasse. Quelques secondes passent avant que je me retrouve perchée dans les airs de façon particulièrement violente. Je suis incapable de retenir un cri de surprise - et de peur - tandis que je réalise ce qui se passe. Tout ce qui se trouve dans mes poches tombe par terre; je grogne de frustration, même si je me doute que c'est le moindre de mes soucis, là, tout de suite.

Putain de merde. Dur de réfléchir la tête en bas. Mes billes se posent sur la corde qui est enroulée autour de ma cheville. La tension dans tout mon corps est horrible, sans parler de ma circulation sanguine qui commence déjà à manquer, dans mes orteils. Je n'arrête pas de me tortiller, tentant de me balancer pour atteindre un autre arbre, mais c'est vachement inutile. Je n'arrive à rien. La panique s'installe doucement, surtout quand j'arrive à entendre des pas... et un chien. Un chien qui hurle sans cesse, dois-je préciser.

Mais c'est quand je parviens à reconnaître August que je me fige. Sérieusement, à quel point la vie tente de se foutre de moi? J'ai la trouille, bordel. Je croise ses billes, l'espace d'une seconde. Je ne lui montre pas que je suis mortifiée, que je me demande sans cesse ce qu'il pourrait me faire subir. Sauf qu'il ose parler - non, se régaler de la situation, plutôt. Il constate que j'ai besoin d'un coup de main, et je n'arrive qu'à grimacer en jurant intérieurement.

« Félicitations, je vois que tu as le sens de l'observation. J'imagine que ça compense pour tout le reste. » Mes yeux sont collés sur lui, suivant ses moindres mouvements en trahissant peut-être mes craintes. Je le vois sortir son couteau, et si je me crispe en me demandant ce qu'il va faire, je n'ai pas le temps de me questionner bien longtemps avant de m'écraser au sol, dans un craquement lourd. J'ai de la boue dans la gueule, et les deux poignets particulièrement à vif, après l'absorption du choc. Sans compter la plaie à mes côtes, encore particulièrement sensible, qui me fait un mal de fou.

Je lève les cils sur August, brièvement, incapable de ne pas lâcher un rire acide en voyant ses traits plus que satisfaits. « Tu pourrais au moins essayer de cacher ta joie. » que je lâche en reprenant mon souffle. J'ai la tête qui tourne, mais je ne vais certainement pas me plaindre devant lui. Je m'occupe plutôt de retirer la corde qui cercle toujours mon pied, mais je ne sais pas où est mon sac, et mon couteau n'est plus à ma taille. La douleur est étouffante, au fur et à mesure que le temps avance et que mon extrémité me donne l'impression de lentement brûler sur place. Une torture.

Son culot ne s'arrête pas là, le pire. Le chasseur me blâme, encore une fois - à croire que c'est son activité préférée. Il me parle de la piste d'un cerf, évaporée par ma faute. Parce que je fais exprès pour me blesser, et pour lui compliquer la vie, bien entendu. C'est tout à fait logique. « Je n'ai pas besoin de tes conseils. » que je réplique d'un ton relativement sec, quand il me demande d'être plus prudente. Oh, lui pense tout savoir, c'est vrai. Il pense comprendre ce qui motive mes choix. Tout ça parce qu'il était un jour au mauvais endroit au mauvais moment. Je déteste tellement cette façon qu'il a de me regarder de haut.

Je soupire, tentant de me relever sans trop de succès. Je fais mine de récupérer mes babioles au sol, du coup, avant de parler à nouveau. « Okay, je t'aide à retrouver la bête. À une seule condition; on ne s'adresse plus jamais la parole, après tout ça. » À mon tour de lui offrir un sourire particulièrement faux. Je peux déjà entendre Ollie hurler que je ne fais que jeter de l'huile sur le feu, mais je suis pas de cet avis. C'est un plan parfait; August retrouve sa précieuse viande, et moi, ma paix intérieure.

August ne pouvait pas dissimuler le frisson de satisfaction qui lui traversait l'échine en la voyant ainsi ligotée et impuissante. C'était une sensation complexe, teintée d'une pointe d'amertume mêlée à un soupçon de plaisir. Après tout, elle avait été celle qui l'avait abandonné, laissant derrière elle un océan de douleur et de trahison. Mais maintenant, alors qu'elle était à sa merci, il savourait cette revanche, même si une partie de lui se débattait avec le désir de compassion. C'était une émotion obscure, un mélange de ressentiments contradictoires qui l'assaillait alors qu'il se tenait là, observant Eva, désormais réduite à une image de vulnérabilité.

"Je ne suis pas le genre d'homme à dissimuler mes émotions ou mes choix", répliqua-t-il d'un ton grave, soulignant que la décision de l'abandonner ce jour-là l'avait conduit à être roué de coups, presque à l'agonie, dans le but de lui extirper des informations sur le camp. C'était une vérité brutale, une conséquence amère de sa confiance trahie. Il ressentait encore les séquelles physiques de cette trahison, mais c'étaient les cicatrices invisibles de la trahison qui pesaient le plus lourdement sur son âme tourmentée.

"Ne t'en fais pas, j'ai parfaitement saisi la leçon la dernière fois que tu n'avais pas besoin de mes conseils", répliqua-t-il avec un soupçon d'amertume dans la voix. Il se rappelait trop bien la fois où il avait conseillé aux jumelles de rester groupées pour éviter d'être repérées, mais elles avaient décidé de suivre leur propre voie. August avait alors été contraint de risquer sa vie pour les laisser s'échapper en sécurité. Cette expérience avait laissé une empreinte indélébile dans son esprit, renforçant son scepticisme à l'égard de ceux qui négligeaient ses avertissements.

Alors qu'ils échangeaient leurs tensions, Loki, le fidèle compagnon d'August, s'approcha d'Eva, le couteau fermement serré entre ses dents. Sans un mot, il déposa l'arme à ses pieds, puis s'assit docilement, son regard fixé sur August. Un léger gémissement s'échappa de sa gorge, comme s'il cherchait à communiquer quelque chose d'urgent à son maître.

August n'était pas un monstre, et malgré la tension qui régnait, il avait bien remarqué que la jeune femme au sol peinait à se relever. Avec précaution, il s'approcha en levant les mains, signifiant ainsi qu'il ne représentait pas de menace. Son intention était claire : il voulait l'aider. Doucement, il la releva, veillant à ne pas lui causer plus de douleur. Une fois qu'elle fut sur pieds, il recula de quelques pas, lui laissant de l'espace et lui montrant ainsi qu'il respectait son autonomie.

"Tu ne m'aides en rien, tu tiens à peine debout... Tu devrais rentrer," dit-il d'un ton empreint de préoccupation, remarquant la fragilité de sa posture. Puis, il reprit rapidement, mais cette fois avec une pointe d'ironie dans la voix : "Enfin, non, pardon, tu n'as pas besoin de mes conseils, c'est vrai."

Il était hors de question qu'elle le suive. Elle serait un boulet, et rien ne lui garantissait qu'elle ne le trahirait pas à nouveau si la situation venait à dégénérer. C'était une réalité brutale, une vérité amère qu'il était contraint d'accepter pour préserver sa propre sécurité. La cicatrice laissée par sa précédente trahison était encore trop fraîche dans son esprit, nourrissant ses craintes et alimentant sa méfiance envers elle.

"Message compris, on ne s'adresse plus la parole," déclara-t-il avec fermeté, marquant ainsi la fin abrupte de toute communication entre eux.

"Loki, tu viens ?" appela-t-il, brisant le silence tendu qui régnait entre eux. Son fidèle compagnon se leva aussitôt, répondant à son appel avec empressement. C'était un moment de soulagement dans cette atmosphère chargée d'émotions négatives, une connexion intacte entre l'homme et son loyal compagnon, qui transcendaient les conflits humains. Loki était son roc dans la tourmente, son fidèle allié dans les moments les plus sombres.

Pourtant, en commençant à marcher, le chien ne le suivait pas, sa tête tournée vers la brune. August tapa deux fois sur sa cuisse et le rappela à nouveau, mais Loki n'en faisait qu'à sa tête. C'était une situation inhabituelle, le brun sentit une pointe de frustration monter en lui alors qu'il tentait en vain de reprendre le contrôle de son fidèle compagnon qui semblait se faire du souci. Il rebroussa chemin et se posa au côté du chien, puis demanda.

"Je vais probablement regretter ma question, mais est-ce que tu veux de l'aide ?"

Il ne cesse de me reprocher cette journée là - encore et encore. Je peux le lire dans ses gestes, et l'entendre dans chacun de ses mots. J'en suis exaspérée. Il n'est pas du genre à se cacher, il aime faire face à la musique? Grand bien lui fasse. C'est une façon de me dire que c'est tout le contraire pour moi? Que je ne suis qu'une vilaine et insolente menteuse? Chacun doit pourtant faire des choix pour survivre, ce n'est pas si compliqué que ça. Je ne tente en aucun cas d'omettre la vérité, je n'ai simplement jamais eu l'occasion de m'expliquer. Non pas qu'il pourrait comprendre ce qui motive mes décisions et ce que j'ai vécu dans le passé. Il en rajoute, le pire, me cassant les oreilles au sujet de ses conseils à la con. Je le fixe un instant, détestant l'air qu'il affiche. Je ne sais pas pourquoi sa colère semble autant réveiller la mienne. Peut-être que je regrette, peut-être que je sais très bien que mes décisions ne sont pas toujours les plus sages. Ou peut-être est-il simplement un enculé qui s'amuse et qui en profite pour jouer avec moi. Qu'est-ce que j'en sais.

Je ne lui réponds pas, de toute façon. Je suis trop occupée à rager intérieurement - et à encaisser la douleur à mon pied, surtout que je n'arrive toujours pas à défaire la putain de corde. C'est le chien d'August qui attire mon attention, quand la bête dépose un couteau à mes pieds. Je me fige un moment, surprise par la gentillesse - et la douceur - du geste. J'observe le compagnon du chasseur, soudainement beaucoup plus calme, et surtout soulagée de pouvoir m'emparer de l'arme. J'en profite pour couper la corde immédiatement, soufflant de soulagement en levant un peu la tête dans les airs. Je fais tourner mon articulation pendant quelques secondes, ramenant le sang jusqu'à mes orteils avant de voir August s'approcher, les mains bien hautes, comme pour montrer patte blanche.

Évidemment que je suis méfiante. Mais j'attrape pourtant sa main, me relevant finalement grâce à son aide. Je grimace un tantinet, avant de reprendre mes aises, de plus en plus solide sur mes deux jambes. Je l'observe silencieusement, détaillant peut-être son visage pour la première fois. « Je - merci. » que je lâche en replaçant quelques mèches de cheveux derrière mon oreille. Je ne sais pas pourquoi je suis si surprise de son comportement. Peut-être que je n'arrive pas à concevoir qu'il puisse vouloir donner un coup de main à une idiote comme moi. Il recule, n'empêche, et si j'apprécie cette attention, je regrette rapidement le cessez-le-feu dès qu'il parle à nouveau.

« Je suis tout à fait capable de tenir debout - » Je lui prouve la chose en levant les bras dans les airs, comme pour lui faire remarquer l'évidence. Sauf qu'il ose venir me piquer une fois de plus. Je soupire en secouant la tête, baissant les cils pendant quelques secondes. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir endurer ses états d'âmes, mais j'en ai déjà marre. Il veut me faire payer? Très bien. Je sais encaisser, moi aussi.

« Excellent. » que je réplique rapidement quand il accepte enfin de ne plus entretenir cette discussion ridicule, entre nous deux. Un peu plus et je pourrais lui serrer la main - mais la tension est bien trop palpable pour que j'ose une connerie de la sorte. Je pose plutôt la main à mon visage, dérangée par la boue qui trône à mon menton. Je frotte un peu ma peau, avant de réaliser à nouveau que toute mes merdes sont éparpillées au sol.

J'ai un moment de panique, horriblement gênée de voir mes dessins et les photos de ma famille entre quelques rations de nourriture, ma lampe de poche, ma trousse de soins et mon couteau. Ma bouteille d'eau plus loin, tout près d'August - et je ne m'aventure certainement pas vers lui pour la récupérer. Je commence donc à ramasser mes babioles, ignorant la douleur qui ne semble pas vouloir me quitter. Or, c'est quand je réalise que Loki s'immobilise près de moi que je m'arrête enfin, les mains pleines. Je lève mes billes claires sur August, probablement aussi confuse que lui. Je dépose une partie de mon bordel par terre, venant me mettre à genoux pour offrir ma main au toutou.

Loki s'approche, m'apprivoise, me laisse gratter le dessus de son crâne, avant de joyeusement lécher ma main non sans une préoccupation évidente. Je caresse son cou, laissant échapper un éclat de rire à sa façon de réagir à mes gestes. L'animal est clairement heureux de recevoir autant d'attention. Je crois qu'il m'aime bien - contrairement à son maître. August s'approche à son tour, tandis que mon sourire s'efface à moitié. Et sa question me laisse sur le cul.

« Non, je - ça va aller. Je fais que ramasser mes affaires, je ne cherche pas toujours la merde, tu sais. » Je rigole un peu en le disant. « Promis, je ne vais pas voler ton chien non plus. » que j'ajoute en commençant à ranger mes trucs dans mon sac à dos. « Mais c'est gentil de demander. » que je précise - sans la moindre ironie, cette fois. C'est la vérité, quoi. Je ne m'attendais pas à une telle délicatesse de sa part. C'est peut-être ce qui m'incite à parler ensuite.

« Écoute - je sais que tu ne me fais pas confiance. » Je ne le blâme même pas, le pire. Je fronce un peu les sourcils, ne cherchant pas non plus à lui donner raison. Sauf que je pense à tous ces gosses, au camp, qui ont faim. J'imagine que je ressemble trop à mon grand frère, parfois. « Je ne veux pas priver le camp d'une source de protéines. J'insiste. Je suis okay, je ne suis pas qu'une plaie, et je peux t'aider à traquer le cerf. »

August ne pouvait pas s'empêcher de laisser un léger sourire se dessiner sur son visage à la vue de Loki se laissant apprivoiser par la demoiselle. Il savait qu'Eva n'avait pas un mauvais fond. Elle avait fui pour protéger sa vie et celle de sa sœur, un geste empreint de courage et de dévouement. Mais elle ne s'était jamais réellement excusée pour ça, contrairement à Mya. Chacune avait son caractère, mais le fait qu'Eva reste aussi froide avec lui le blessait profondément. Après tout, c'était à lui d'être en colère et non l'inverse. Il ne pouvait s'empêcher de se demander si un jour elle aurait l'humilité de reconnaître ses torts et de faire amende honorable.

Effaçant son sourire quand elle leva son regard vers lui, il l'écouta attentivement, haussant simplement les épaules en signe de compréhension. Mais derrière cette façade, un mélange complexe d'émotions tourbillonnait en lui. Il savait qu'elle pouvait bien se comporter, il l'avait déjà croisée et vue au camp, sans vraiment oser lui parler à l'époque. Le truc était qu'il ne pouvait pas s'empêcher de garder de la rancœur, comme une plaie qui refusait de cicatriser. Ses côtes fêlées lui faisaient encore défaut par temps humide et quand il faisait trop d'efforts, un rappel douloureux de la violence qu'il avait subie. Mais même plus éprouvante que la douleur physique, était la souffrance mentale infligée par ses cicatrices à chaque fois qu'il se retrouvait torse nu. Chaque marque était comme un témoignage silencieux de son passé tourmenté, lui rappelant sans relâche les heures sombres qu'il avait endurées.

"Tu me l'as un peu volé..." dit-il avec un léger sourire pour détendre un peu l'atmosphère au sujet de son chien, qui avait préféré rester au côté de la brune et se laisser caresser. Un soupçon de taquinerie se glissait dans sa voix, mais il était évident qu'il n'en était pas réellement contrarié. Après tout, voir Loki si à l'aise en compagnie d'Eva lui procurait un étrange sentiment de satisfaction. C'était un bon chien. "Il a l'air de t'apprécier, comme quoi, tu ne dois pas être si mauvaise que ça..." ajouta August, taquin, mais avec une pointe de sincérité dans sa voix. Il savait bien que les animaux étaient souvent de bons juges de caractère, et le comportement de Loki envers la demoiselle ne faisait que confirmer cette idée.

"Je ne te fais pas confiance, effectivement," répondit-il, laissant transparaître dans ses mots l'ombre de doutes qui pesaient sur leur collaboration. Elle avait déjà fui pour sa vie une fois, alors qu'est-ce qui pouvait lui donner confirmation que s'il se retrouvait à nouveau dans la merde, elle ne prendrait pas à nouveau ses jambes à son cou ? Ses yeux exprimaient une certaine méfiance mêlée à une lueur d'interrogation, cherchant des réponses dans les iris de son interlocutrice. "Tu ne veux pas priver le camp de protéine, ok, mais sache qu'il va falloir m'écouter. Traquer un animal, ce n'est pas seulement une question de technique, c'est aussi une affaire de survie. Ça demande de la patience, de la connaissance, de la furtivité et de l'endurance." Sa voix était empreinte d'une conviction profonde, soulignant l'importance cruciale de leurs actions pour la subsistance de leur groupe.

"Si tu penses tenir le coup, alors on y va," déclara August d'une voix ferme, bien que teintée d'une pointe de scepticisme. Il tourna le dos et commença à marcher, les feuilles mortes craquant sous ses pas assurés. Les bruits de pas derrière lui lui indiquèrent qu'elle suivait, accompagnée de Loki. Secouant la tête, il ne put s'empêcher de penser que son chien était un véritable traitre, toujours prêt à choisir le camp de celui qui lui offrait les meilleures caresses. Mais malgré cela, August ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine affection pour son fidèle compagnon, quelles que soient ses trahisons occasionnelles.

Regardant autour de lui, August se remémorait le chemin qu'il avait parcouru. C'est à quelques mètres qu'il vit les empreintes fraîches de l'animal. Il savait que celui-ci ne devait pas être bien loin. Alors, il ralentit le pas, lançant un avertissement à Eva de faire attention où elle mettait les pieds.

Soudain, il s'arrêta net. Devant lui, dans une clairière, se tenait l'animal majestueux, offrant une vue dégagée et parfaite pour ne pas louper sa cible. August se mit à genoux, adoptant une position basse pour se fondre dans l'environnement. Avec précaution, il attrapa son fusil qui était posé sur son épaule, ses gestes millimétrés pour éviter le moindre bruit.

Déposant la crosse sur son épaule, il se releva lentement, visant avec attention. Son doigt se posa sur la détente, prêt à agir. Il retint sa respiration, son regard fixé sur l'animal. Puis, avec une précision calculée, il tira. L'animal fit quelques pas avant de s'effondrer au sol, mort sur le coup. Un sentiment de mélange entre satisfaction et respect pour la créature abattue l'envahit alors qu'il se dirigeait vers sa proie.

La forêt offrait une bonne couverture pour étouffer et cacher le son de la détonation, mais August savait qu'ils devaient agir rapidement. Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui, son instinct en alerte, conscient du danger potentiel des rôdeurs dans les parages.

"On doit se dépêcher"

Sans attendre de réponse, il se mit en mouvement, se dirigeant vers la proie abattue. Chaque instant comptait dans ce monde où le danger pouvait surgir de n'importe où, à n'importe quel moment.

August retira son sac à dos, qu'il jeta au sol avec un soupir de détermination. Puis, d'un geste expert, il saisit son couteau de chasse, le métal brillant à la lumière filtrant à travers les arbres.

"Ça ne va pas être joli, je te préviens," prévint-il, son ton calme contrastant avec la violence imminente de ses actes. Sans plus de cérémonie, il fit une saignée au niveau du cou du cerf, l'ouverture précise permettant d'accéder aux entrailles avec efficacité.

Avec une habileté acquise par des années de pratique, August procéda à l'éviscération de l'animal. Une fois les organes retirés, il plongea ses mains ensanglantées dans son sac, en ressortant des cordes. Essuyant ses mains souillées sur son pantalon, il commença à attacher fermement la carcasse pour pouvoir la transporter sur ses épaules.

La carcasse était lourde, mais pour le fermier aguerri, c'était une simple broutille. Malgré le poids, August fit preuve d'une force tranquille alors qu'il se préparait à transporter leur précieuse prise jusqu'au campement.

"Je te laisse porter mon fusil," déclara-t-il à Eva "On doit faire vite, ça serait dommage que la viande périme" Alors qu'il avançait sous le poids de la carcasse, la douleur dans ses côtés commença à le tirailler, comme une présence insistante qu'il tentait de repousser. August serrait les dents, déterminé à ne pas montrer sa souffrance à Eva. Pourtant, Loki, toujours à ses côtés, semblait percevoir son malaise, ses yeux pleins d'inquiétude fixés sur son compagnon humain.

"Ça va aller, Loki," murmura August d'une voix rassurante, posant une main rassurante sur la tête du chien. Il espérait apaiser non seulement son fidèle compagnon, mais aussi son propre esprit tourmenté par la douleur. Ils avaient un objectif à atteindre, et il ne laisserait pas une simple gêne physique les arrêter.

Je souffle du nez, amusée par ses répliques drôlement plus marrantes que précédemment. C'est presque bizarre, d'ailleurs. Ce climat de détente qui règne, l'espace d'une seconde. La faute à Loki, sans aucun doute. Je lève les cils sur lui, quand il ose insinuer que je ne dois pas être si mauvaise que ça. Je suis partagée entre l'envie de rire et celle de le taper, là, tout de suite. « Oh, ne te laisse pas berner; tout le monde sait que je ne suis qu'une petite écervelée qui s'enflamme pour rien. » Quoi, n'est-ce pas là le résumé parfait de ce qu'on raconte à mon sujet, au camp? Qu'il ose prétendre le contraire.

Enfin. Il me répète que la confiance n'est pas de la partie - sans grande surprise. La tension retrouve rapidement sa place, entre nous deux. J'espère qu'il sait que le sentiment est tout à fait réciproque. Oh, ce n'est rien de nouveau. Je n'ai définitivement pas la confiance facile, comme dirait ma jumelle. Elle me le reproche souvent, au même titre que je lui reproche son manque de méfiance. Mais tout n'est pas noir ou blanc, j'imagine. Bref. Il me sert son petit discours tout préparé à l'avance, par rapport à la traque et la chasse. Il pense peut-être que je suis de celles qui ne s'aventurent pas dehors, c'est ça?

« La patience n'est certes pas ma tasse de thé, mais je ne suis pas sotte non plus, m'sieur Marshall. » que je rétorque en ne sachant toujours pas comment gérer sa vilaine manie de me prendre pour une demeurée.

Je viens donc soutenir son regard, un brin offusquée. Je sais très bien que je ne suis pas calée dans son domaine, mais j'apprends vite. « Je sais que je vais tenir le coup. » que je lâche pour le corriger, n'ajoutant rien de plus avant de me mettre à le suivre, avec Loki. Je retrouve progressivement mon agilité habituelle, ne ralentissant qu'à la commande silencieuse d'August. Je pose les yeux sur les empreintes de l'animal, tandis que le chien s'immobilise à son tour. Je n'ose presque pas respirer, quand je note la présence du cerf, et que je laisse le chasseur faire son boulot.

Sans vraiment le vouloir, je me crispe à la détonation de son flingue. Je préfère de loin les armes blanches - d'autant plus quand on est à découvert, au milieu d'une forêt dont je ne sais rien. Je croise le regard d'August, alerte au danger, lui aussi. Je me précipite pour le couvrir, quand il avance vers le cadavre du cerf. Je ne fais qu'hocher de la tête quand il fait l'effort de me prévenir, à propos de ce qui va suivre. Encore une fois, je préfère la fermer - me demandant sincèrement si le type pense que je ne fais que vivre dans un monde parallèle depuis le début de la merde. Non, mieux encore, dans un monde de princesses et de licornes. Le rêve. Sauf que c'est un décharné qui me sort de mes rêves, justement, quand j'entends le râle caractéristique de l'infecté qui est intéressé par le gibier tout frais.

« Je m'en occupe, il est tout seul. » que j'affirme simplement, avant de me diriger vers le laideron. Je me défoule - sifflant pour attirer son attention avant de lui envoyer un violent coup de pied derrière les genoux. J'enfonce ensuite ma lame dans la tempe de mon copain, une fois, deux fois, puis trois - juste parce que. J'ai le souffle court, me retournant vers August au moment où il me donne son fusil. Je dois me convaincre intérieurement pour ne pas faire de blague nulle, par rapport à cette confiance soudaine qu'il me porte. Enfin, j'imagine qu'il n'a pas le choix. J'enclenche donc le cran de sûreté en passant l'arme à mon épaule, observant la bête sur les épaules du chasseur. Je ne vais pas mentir - je suis un brin horrifiée de la charge qu'il doit porter, sur le coup.

On doit faire vite, oui. Sauf que je note sans mal qu'il galère - et Loki aussi. J'avance pourtant silencieusement derrière lui, jusqu'à ce que mon malaise me force à dire quelque chose. « Hey, attends - » Il ne m'écoute pas. Rien de surprenant.

« August - AUGUST! » Prononcer son prénom semble étrange, surtout que je pose la main à son dos, comme pour le forcer à sortir de sa tête. « Je sais que tu parlais d'endurance, un peu plus tôt, mais quelque chose cloche, je - qu'est-ce qui se passe, enfin? Comment je peux t'aider? »

Oui, c'est de la frustration qui semble émaner de mes paroles. Je m'inquiète, peut-être - contre toutes attentes. Oh je ne vais certainement pas le lui dire. Je m'irrite, aussi. De sa hâte que je devine, et de sa tête de pioche qui s'entête à vouloir m'ignorer. Je suis très mal placée pour lui reprocher une telle chose, mais je le fais quand même, évidemment.

August s'activait avec célérité pour éviscérer le cerf fraîchement abattu lorsque la présence menaçante d'un rôdeur se fit déjà sentir, attiré sans doute par l'odeur métallique du sang frais, tel un requin flairant sa proie dans l'océan sombre de la forêt. Sans perdre de temps, il décida de laisser Eva prendre les devants. Après tout, elle avait déjà fait face à des rôdeurs par le passé, et sa capacité à les neutraliser avec aisance en faisait une alliée précieuse. Elle pourrait assurer une couverture efficace pendant qu'ils transporteront la bête jusqu'au camp. Mais une lueur de méfiance passa dans le regard d'August : espérant secrètement qu'elle ne le laisserait pas tomber une fois de plus.

Le rôdeur gisant au sol, la bête vidée de ses entrailles, le poids du paquet reposant lourdement sur ses épaules, August avançait avec précaution, accompagné par le calme de la journée naissante. Son esprit était captivé par un flot incessant de pensées, cherchant à éclipser la douleur lancinante qui pulsait depuis ses côtes meurtries. Chaque pas était une lutte contre la fatigue et l'inconfort, mais il s'efforçait de rester concentré, conscient des dangers qui pouvaient surgir à tout moment dans cette forêt dense et sauvage.

Tellement absorbé par ses pensées, August ne remarqua pas immédiatement qu'Eva lui demandait d'attendre. Ce n'est qu'au deuxième appel de son prénom qu'il réagit, tiré brusquement de ses pensées tumultueuses pour se tourner vers elle, les yeux empreints d'une lueur de confusion et d'anticipation mêlées.

En écoutant poser sa question, August sentit une bouffée d'amertume monter en lui. Il avait très envie de lui répondre que la chose qui clochait était le résultat de ses propres actions. Que son corps meurtri portait les cicatrices infligées par elle-même. Les séquelles d'une décision prise dans l'urgence pour assurer leur fuite à elle et à sa sœur. Il aurait voulu lui rappeler qu'il avait été capturé, torturé, sacrifiant son intégrité pour leur permettre de s'échapper. Mais au lieu de cela, il se contenta de répondre d'une voix calme et mesurée, masquant soigneusement ses tourments intérieurs.

"Je pense que mes côtes ne sont pas encore à 100% guéries et j'ai quelques cicatrices qui tirent," expliqua-t-il finalement, sa voix trahissant à peine la douleur. "Mais nous devons ramener cette viande au camp avant qu'elle ne pourrisse."

August ne s'était pas arrêté pour parler, conscient que chaque instant comptait. Non, il devait continuer à avancer sans relâche. S'il s'amusait à faire la moindre pause, il savait que son corps n'aurait pas la force de repartir avec cette charge conséquente. Il était habitué à porter, à soulever des poids, mais en général, son corps n'était pas aussi meurtri. Chaque pas était une épreuve, chaque mouvement une lutte contre la douleur lancinante qui irradiait de ses côtes endommagées. Pourtant, il refusait de céder à la faiblesse, poussé par un mélange de détermination et de résilience, prêt à surmonter tous les obstacles pour atteindre leur objectif : ramener la viande au camp et pouvoir nourrir des familles.

Le fermier reconnaissait les lieux alors qu'ils approchaient du camp, les traits familiers de l'environnement se dessinaient à l'horizon. Mais même la proximité du but n'atténuait pas la difficulté de la tâche. Sa respiration devenait de plus en plus laborieuse, et un voile s'installa momentanément sur son esprit, une légère déconnexion qui le fit chanceler. Dans un instant d'inattention, ses doigts glissèrent de la prise sur la carcasse du cerf, qui tomba lourdement au sol avec un bruit sourd. "Merde", murmura-t-il, sa voix empreinte de frustration et de contrariété alors qu'il se penchait pour récupérer la bête.

"Ça va", dit-il d'une voix légèrement forcée, dans une tentative de se rassurer lui-même et d'éviter que Eva ne pose des questions. Mais au fond, rien n'allait. Ses mains étaient toujours posées sur le cadavre du cerf, mais son corps refusait obstinément de bouger, comme si une barrière invisible avait été dressée par son propre cerveau. Une sensation de paralysie s'installait lentement en lui, amplifiant son sentiment de frustration et d'impuissance.

Il s'arrête enfin, se retournant vers moi dans un geste trop brusque pour que je ne note pas le regard qu'il me lance. August est enragé, de toute évidence, et je ne peux que froncer les sourcils en lui renvoyant la même colère. C'est quoi son problème, à la fin? Je l'écoute me répondre, surprise par ce calme qui émane de ses mots, comparé à ses traits qui semblent vouloir me défoncer la gueule. Je dois presque courir pour le suivre, d'ailleurs, lui qui s'entête à continuer de marcher. Il parle de vieilles blessures, je crois. De cicatrices peut-être encore ouvertes. Sauf qu'il n'est pas question de s'arrêter, à son avis. « Oui, chef. » Je ne le ferai pas changer d'avis, visiblement. Je roule brièvement les yeux au ciel, dans son dos, secouant la tête en me demandant sérieusement ce qui ne va pas avec ce type.

Il nous faut vite ramener la viande au camp, certes, mais je ne capte pas pourquoi ce sentiment d'urgence semble lui hurler de le faire dans la seconde. Surtout que je le vois ralentir, faiblir. Je ne le quitte pas des yeux, me demandant jusqu'où son obstination va bien pouvoir nous mener. Sa respiration plus lourde est difficile à manquer, dans le silence relatif de la forêt. J'observe partout autour, ne désirant pas me faire surprendre par un autre moche - surtout avec August qui ne semble pas particulièrement en forme, là, tout de suite.

Mes doutes commencent à s'envoler dès que l'on se rapproche un peu du stade, n'empêche. Mais c'est pile à ce moment-là que je vois l'animal glisser jusqu'au sol, dans un craquement sonore. Je me fige quand August jure, incertaine de savoir comment je dois réagir. Je ne sais pas pourquoi je suis anxieuse, soudainement. J'ai peur de sa réaction, peur de l'entendre me blâmer, de le voir se retourner pour me taper dessus, me dire que tout est de ma faute. Sauf qu'il se penche, s'abaisse dans le but de reprendre la bête sur ses épaules, sûrement. Il ne se relève pas. Un silence incroyablement long s'installe, quand le chasseur m'assure que ça va. Je ne sais pas si c'est moi qui divague, si c'est moi qui semble voir ce qui n'existe pas - mais je ne le crois pas une seule seconde.

« Tu n'es pas très bon menteur. » J'essaie de blaguer, oui. Il faut m'en donner un peu plus pour que je la ferme - je pensais qu'il le savait. Je regrette mes mots, pourtant, quand je réalise à quel point l'atmosphère est lourde. Je passe devant lui, du coup, cherchant à comprendre, à capter ses billes, peut-être. J'ai envie de lui envoyer la même question qu'il me posait juste un peu plus tôt.

Je vais probablement regretter ma question, mais est-ce que tu veux de l'aide?

Je viens me poser à genoux face à lui, la bête toujours entre nous. Je grimace un brin quand la douleur à mes chevilles revient me faire chier, sauf que je me concentre sur Marshall. Et ce que je constate est loin d'être rassurant. « Hey, ça va aller. Respire. » que je souffle tout bas, d'une voix préoccupée. Loki observe la scène de près, sans grande surprise. En silence, j'ouvre mon sac à dos, pour en sortir ma bouteille d'eau. Je n'ose pas m'approcher trop près, mais c'est ma main tremblante qui lui offre le liquide, les cils collés au sol avant de venir chercher son regard à nouveau. C'est le mieux que je puisse faire, à l'instant.

« Parle-moi. » Oh, je sais qu'il me déteste. Je le déteste aussi. Mais je veux juste qu'il puisse s'exprimer. Qu'il me dise ce qui cloche, question de pouvoir remédier à la situation. Qu'il me parle simplement de la pluie et du beau temps, si c'est tout ce dont il est capable. J'ai tout mon temps. Et j'ai étrangement envie de l'entendre.

August fixait le cadavre du cerf devant lui, mais son regard ne voyait rien de l'animal abattu. Au lieu de cela, son esprit était hanté par les souvenirs sombres qui remontaient à la surface, des images d'horreur qu'il avait tenté en vain d'enterrer. À l'intérieur de lui, c'était une bataille. Une lutte désespérée entre la douleur physique qui lui martelait les côtes et la haine brûlante qui consumait son âme. Chaque mot d'Eva ravivait les flammes de son ressentiment, alimentant la rage qui bouillonnait en lui. Sa simple tentative de blague avait été comme une étincelle dans un champ de poudre. Au lieu d'apaiser les tensions, elle avait déclenché une avalanche de souvenirs douloureux, des flashbacks des horreurs qu'il avait endurées pendant ses jours de captivité, alors qu'il avait été soumis à des traitements inhumains avant d'être laissé pour mort. Les images défilaient devant ses yeux, rapides et violentes, comme les battements de son cœur martelant contre sa poitrine meurtrie. Il sentait les chaînes froides serrant autour de ses poignets, les coups pleuvant sur son corps meurtri, la sensation de l'obscurité oppressante qui l'enveloppait comme un linceul.

Le chasseur ferma les yeux, tentant en vain de chasser les démons qui le tourmentaient. Mais même dans l'obscurité de ses paupières closes, les images persistaient, implacables, insistantes, comme des ombres dansantes dans les flammes d'un incendie. Et au milieu de tout cela, il sentait la présence glaciale de la trahison, le souvenir cuisant de celle qui avait choisi de le laisser derrière elle, comme un sac vide à jeter au bord de la route.

La voix douce d'Eva le tira de ses pensées sombres, le forçant à rouvrir les yeux sur la réalité amère qui l'entourait. Pourquoi diable s'inquiétait-elle pour lui maintenant ? Après tout ce qui s'était passé, après tout ce qu'il avait enduré, pourquoi était-elle encore là, à ses côtés ? Une lueur de méfiance traversa le regard d'August alors qu'il la fixait, ses pensées tourbillonnant dans un tumulte d'émotions contradictoires. Ne pouvait-elle pas tout simplement fuir à nouveau, le laisser seul dans son désespoir comme elle l'avait déjà fait ?

Elle tendit une bouteille d'eau vers lui, un geste de sollicitude qui aurait dû le réconforter, mais qui ne fit qu'attiser les flammes de sa colère intérieure. Il secoua la tête avec obstination, refusant son aide muette. Il n'avait pas besoin d'eau, pas besoin de réconfort. Ce dont il avait besoin, c'était de laisser échapper la douleur qui le consumait de l'intérieur, de trouver un moyen de survivre à cette épreuve insensée. August détourna le regard, repoussant la bouteille d'eau. Il ne voulait pas de sa pitié, pas de ses gestes de compassion hypocrites.

"Te parler ? Te parler de quoi ? De cette douleur lancinante qui déchire mes entrailles à chaque souffle ? De ces côtes brisées qui me rappellent chaque jour ta trahison et celle de ta sœur ?" cracha-t-il, sa voix empreinte de fureur contenue.

Il sentit la rage bouillonner en lui, alimentée par des mois de souffrance et de ressentiment refoulé. Chaque mot était comme un coup de poignard dans la plaie béante de sa douleur, réveillant des échos sombres de ses jours de captivité.

"Te parler de cette carcasse brisée qui me sert de corps ? Des cicatrices qui marquent ma peau comme autant de témoins muets de ma souffrance ? Des hématomes qui constellent mon corps comme des étoiles dans la nuit noire ?" continua-t-il, ses paroles coupantes comme des éclats de verre.

Il sentait la tension monter en lui, les mots s'échappant de sa bouche comme des flèches enflammées. Il était fatigué, tellement fatigué de porter le poids de sa douleur seul, de devoir affronter ses démons intérieurs sans aucun répit.

Loki sentit la tension palpable dans l'air et réagit instinctivement. Il se mit à aboyer doucement, ses yeux pleins de compassion fixés sur son maître. Puis, avec précaution, il s'approcha d'August et se pressa contre lui, cherchant à lui apporter un peu de réconfort dans ce moment de tumulte émotionnel. Ses aboiements se transformèrent en de doux gémissements, comme s'il essayait de lui dire que tout irait bien, qu'il était là pour lui, qu'il n'était pas seul dans cette épreuve. Il pressa son museau contre la main d'August, lui offrant un contact chaleureux et rassurant. August sentit le poids de sa colère se relâcher légèrement à la chaleur réconfortante de son fidèle compagnon. Il posa une main tremblante sur la tête du chien, caressant doucement ses oreilles dans un geste de gratitude silencieuse.

"Des excuses... C'est tout ce que j'aurais voulu, Eva. Juste des excuses...Je ne sais pas ce que j'ai fait pour que tu me détestes autant…"

Là, juste là. Je retrouve cette haine qui s'imprime dans les billes du chasseur, dès qu'il ose me regarder. C'est plus fort que moi, sa colère ne fait que réveiller la mienne, à chaque fois. Je le regarde repousser la bouteille d'eau, non sans un soupir aussi exaspéré que désabusé. Je n'ai pas grand chose à offrir, mais de toute évidence, rien n'est assez bien pour lui. La bouteille se pose silencieusement sur ma cuisse, mais je n'ose plus faire le moindre geste par la suite. Sa rage me frappe avec violence. Il ne parle pas; il crache. Oh, August ne se doute pas de l'effet de ses mots sur moi, mais j'ai l'impression de me liquéfier sur place. Je peux bien prétendre que mes cicatrices invisibles sont guéries, mais je me trompe royalement.

Enfin. Il mentionne ses côtés brisées, et si je fronce les sourcils en apprenant la nouvelle, c'est plutôt quand il parle de trahison - rien de moins - que mes propres traits viennent se déformer. « Je - mais enfin, de quoi tu - » Je n'ai pas l'occasion de placer un mot qu'il continue déjà, toujours aussi furieux.

Je sursaute quand il ose reprendre, d'ailleurs, alors qu'il enchaîne en parlant de ce qui le ronge depuis trop longtemps, visiblement. J'ai du mal à comprendre - la confusion embrouille ma cervelle autant que mon âme. Son agressivité me donne envie de prendre les jambes à mon cou, une fois de plus. Le silence est lourd, et l'atmosphère encore plus. Ma poitrine se soulève et s'écrase trop vite tandis que je cherche mon air comme une idiote. J'ai l'impression que son venin fait réagir les parcelles les plus sinistres de mon être, et je n'aime pas ça. Non parce que j'ai envie de crier. De lui hurler en plein visage. De lui faire comprendre qu'il n'est pas le seul à être abîmé. Si Marshall ne veut pas parler, s'il ne veut pas me faire comprendre ce qui a déclenché cette crise horrible - très bien. Sauf que je n'accepterai pas qu'il dirige sa haine brûlante sur moi sans raison.

J'ai toléré la chose trop longtemps, jadis. La main qui n'est pas accrochée à ma bouteille d'eau commence à trembler, le pire, et je la cache aussitôt sous mes genoux. Mon cerveau est traumatisé, sûrement. Il est plus rusé que ce qui tente de battre dans ma poitrine. Il se protège. Et il ne veut certainement pas revoir cet enfoiré poser la main sur moi.

« Si c'est ce dont tu veux me parler, oui. » que je réplique d'abord, tentant de feindre une certaine nonchalance, avant de continuer. « Tout le monde est... endommagé, depuis la pluie. Merde, même avant tout ça, les gens étaient déjà bousillés par tout ce dont l'humain est capable, je - »

Loki m'empêche de poursuivre, pourtant. Je tourne la tête vers l'animal, l'observant s'approcher d'August pour le calmer un peu. Ce qu'il affirme ensuite ne peut que m'agiter de plus belle, et quand j'entends mon prénom dans sa bouche, je pose sur lui un regard farouche. Des excuses? Non mais bordel - il est sérieux? « Pour que je te déteste autant? » que je répète pour mieux comprendre. Alors là, je suis sincèrement sur le cul. Il est vraiment en train de prétendre que j'ai lancé la première pierre? Une tempête particulièrement sombre s'empare de ma tête, alors que je lâche un rire acide et froid, irritée par son comportement enfantin.

Je me lève brusquement, balançant ma bouteille par terre tandis que Loki s'agite et que je lève mes deux bras dans les airs. « Je suis terriblement désolée, August. » Le sarcasme est presque trop incisif, même pour moi. J'ai l'impression qu'un monstre me possède, et qu'il parle à ma place, là, tout de suite. Je me retourne, passant une main nerveuse dans ma tignasse avant de venir lui faire face à nouveau. « Entre nous deux, je crois que tu me détestes encore plus, n'est-ce pas? Tu t'attendais à quoi, à la fin? À ce que je devienne ta meilleure amie? Tu crois que je suis fière de mon comportement? Tu penses peut-être que je ne note pas tes envies de meurtre, dès que tu poses les yeux sur moi? »

Je serre les poings, enfonçant les ongles dans mes paumes pour ne pas m'arracher les cheveux. Je ferme brièvement les yeux, non sans un soupir découragé. « Je suis désolée, okay? Je le suis. » C'est réel, cette fois. Je ne sais pas s'il saura l'entendre. « Mais j'ai des responsabilités. Je me dois de protéger ma jumelle, au prix de ma propre vie, s'il le faut. » Mon ton est dur, comme pour m'empêcher de perdre la carte. Il faut bien maintenir cette illusion éternelle que je m'entête à projeter; celle de la parfaite petite princesse qui sait tout gérer.

« Je - je ne pourrais jamais me pardonner si quelque chose devait lui arriver. Certains choix, hélas, ne sont pas faciles à faire. » Quelle putain d'hypocrite je suis, quand même. Je baisse les cils, réalisant doucement que je suis surtout en rogne contre ma propre personne. J'ai honte. Et j'ai mal. Mais je préfère crever que de lui avouer une telle chose. « Je ne sais pas pourquoi tu refuses de passer à autre chose. Mes décisions ne sont pas toujours les plus sages, certes - mais je travaille là-dessus - » C'est la vérité, je suis loin d'être parfaite, et j'en suis vachement consciente. C'est peut-être pour cette raison que l'émotion semble vouloir prendre le dessus, m'empêchant de terminer ma phrase.

Reste à savoir si August arrivera à tolérer cette réalité. Enfin - au moins pour le chemin du retour.

August se tenait là, ses mains serrées en poings, essayant désespérément de contenir la colère qui menaçait de l'engloutir tout entier. Il sentait l'amertume lui nouer l'estomac alors qu'il repensait à tout ce qu'il avait enduré. Ce n'était pas grand-chose qu'il demandait, après tout. Juste des excuses. Des mots qui pourraient peut-être apaiser ne serait-ce qu'un peu la tempête qui faisait rage en lui. Mais personne n'était venu à sa recherche. Personne n'avait même semblé remarquer son absence, comme s'il avait été effacé de la surface de la terre. Abandonné. Laissé pour mort.

Il se souvenait des longues journées passées à donner de sa sueur et de son sang pour le refuge, à se battre pour une cause en laquelle il croyait de tout son être. Il savait pourquoi elle avait fui. Il comprenait, d'une certaine manière. Elle avait pris cette décision pour le bien de sa jumelle, pour les protéger toutes les deux. Il ne pouvait pas la blâmer pour ça. En un sens, il était même soulagé qu'elles aient réussi à échapper aux griffes des monstres qui rôdaient dans l'ombre. Car après tout ce qu'il avait vécu, après les horreurs qu'il avait affrontées, il n'osait même pas imaginer ce que ces démons auraient pu faire à deux femmes seules, livrées à leur merci.

Il ne la détestait pas. Comment pourrait-il ? Ce n'était pas elle qui l'avait livré à ses bourreaux, pas elle qui avait été complice de sa souffrance. Elle n'avait pas été celle qui l'avait torturé, qui l'avait laissé pour compte dans l'obscurité oppressante de la nuit.

Pourtant, malgré tout cela, une seule chose persistait à le hanter, une ombre insidieuse dans son esprit tourmenté : elle ne s'était jamais excusée. Son absence de remords résonnait comme un écho glaçant dans le vide de son âme meurtrie. Il comprenait les circonstances qui l'avaient poussée à agir comme elle l'avait fait, les choix impossibles auxquels elle avait été confrontée. Mais même cela ne pouvait effacer le besoin brûlant d'une simple reconnaissance de sa douleur, d'un geste d'humilité qui pourrait peut-être apaiser ne serait-ce qu'un peu les cicatrices invisibles qui marquaient son être.

"Je ne remets pas en compte ta décision", commença-t-il d'une voix empreinte d'une résignation teintée de compassion. "Tu as choisi de protéger ta sœur, ta jumelle." Les mots semblaient lourds dans l'air nocturne, chargés du poids des choix impossibles et des dilemmes déchirants.

"Il est difficile d'imaginer quiconque réagirait différemment, à moins de détester du fond du cœur son propre sang", poursuivit-il, ses pensées vacillant entre la compréhension et la tristesse. Il comprenait les liens qui unissaient les jumeaux, les liens indéfectibles qui transcendaient même les épreuves les plus douloureuses. Et pourtant, même dans cette compréhension, une douleur lancinante persistait, alimentée par le besoin inassouvi d'entendre les mots qui pourraient apaiser ne serait-ce qu'un peu son esprit tourmenté.

"Je voulais juste entendre des excuses", admit-il enfin, sa voix empreinte d'une vulnérabilité qu'il avait longtemps refoulée. "Et je ne te déteste pas." Ses paroles semblaient flotter dans l'air, portées par un souffle fragile de réconciliation. "Je déteste ces gens qui m'ont passé à tabac et laissé pour mort", ajouta-t-il, sa colère vacillant entre les braises mourantes de la vengeance et la résolution de trouver la paix.

August détourna le regard un instant, une lueur de détermination brillant dans ses yeux assombris par la douleur. "Je ne pourrai pas passer à autre chose", admit-il d'une voix ferme, presque résolue, "pas avant de les avoir retrouvés." Ses paroles étaient empreintes d'une conviction inébranlable, d'une détermination farouche à obtenir justice pour les maux qui lui avaient été infligés.

Ses doigts se serrèrent en poings serrés, ses muscles tendus comme des cordes sur le point de se rompre. "Mon corps me rappelle chaque seconde ces enfoirés", ajouta-t-il, sa voix teintée d'une colère froide, ses souvenirs douloureux résonnant dans chaque fibre de son être.

Reprenant une profonde inspiration, August sentit le poids de ses émotions se calmer peu à peu, comme une tempête qui s'apaise après avoir déferlé. Dans un geste de réconciliation, il tendit lentement sa main vers Eva, son regard empreint d'une lueur de résolution mêlée de douceur.

"Je ne propose pas qu'on devienne des meilleurs amis", concéda-t-il, sa voix empreinte d'une sincérité apaisante. Il savait que certaines blessures étaient trop profondes pour être effacées d'un simple geste, que certaines cicatrices ne disparaîtraient jamais complètement. Mais malgré tout, il pouvait ressentir un poids s'alléger dans son cœur, une tension qui se relâchait dans l'atmosphère autour d'eux. "mais enterrons la hache de guerre veux-tu ?"

Je ne suis pas certaine de capter. Pourquoi toute cette haine, toute cette rage, s'il ose prétendre comprendre ma décision? Je l'observe longuement, un brin confuse. Un soupçon de méfiance brille dans mes billes, quand il parle de Mya. Je n'arrive pas à suivre le rythme, entre ses éclats de colère et cette sérénité modérée qui semble maintenant se nicher en lui. J'ai l'impression qu'il se moque, le pire, que ses mots sont des accusations aussi coupantes que les couteaux que j'en envie de lui envoyer dans la tronche. Qu'il ne fait que parler pour que je vrille. Je l'écoute continuer, toujours aussi déstabilisée - voir même troublée.

« Tu voulais des - des excuses? » que je répète en secouant la tête, entre l'irritation et l'incrédulité. C'est un jeu, pour lui, c'est ça? J'espère qu'il s'amuse. Enfin, je n'ai pas le temps de me fâcher qu'il m'assure qu'il ne me déteste pas. Je m'étouffe en l'entendant, toussant légèrement avant d'ouvrir la bouche pour parler. Mais je n'arrive pas à répliquer. Les secondes flottent, un bref instant. J'ai l'esprit embrouillé, sûrement - parce que j'ai l'impression d'être soulagée de l'entendre dire une telle chose. Et ça ne fait aucun sens.

Mais tout s'arrête quand August parle de ceux qu'il déteste vraiment. Je cherche son regard, sans succès, en m'avançant vers lui - vachement plus calme, cette fois. Trop calme. Ce genre de calme qui ne présage rien de bon, je suppose. Non parce que je commence à comprendre. À travers sa façon de parler, de bouger. Ce désir de vengeance qui coule dans ses veines, et qu'il s'entête à réprimer. Autant d'indices qui ne peuvent que me mener à une seule et unique conclusion.

Ces enfoirés. Mes yeux se posent à ses poings crispés, puis à ses bras qui semble vouloir exploser. J'aimerais être aveugle, j'aimerais ne pas comprendre. Mais je n'ai pas le choix de voir la réalité en face. Ce qu'il a vécu, de toute évidence, est plus qu'horrible. Et c'est ma faute. Je sursaute quand je le vois tendre la main vers moi, dans un mouvement pourtant loin d'être violent. J'ai la tête qui tourne, au point où je trébuche en voulant reculer. Je suis plongée malgré moi dans des souvenirs que je réprime depuis trop longtemps, ébranlée par des images que je veux tant oublier. Un peu plus et je vais m'éclater la gueule par terre. Mais je sors de ma tête, me dirigeant plutôt vers un arbre tout près, pour me soutenir. Dans un geste brusque, je pose la main sur le tronc, et je m'ouvre la paume sur l'écorce dans la manoeuvre - comme une putain de demeurée. Je lève les cils sur Marshall - incertaine. J'ai la trouille, et pas qu'un peu.

Enterrer la hache de guerre, qu'il disait tout juste une minute plus tôt. Je ne sais pas s'il était sincère, si c'était une tentative d'humour ou plutôt une façon de me faire taire, pour une fois. Mais je ne rigole plus du tout. « August, je - » Bordel de merde. Je grimace brièvement, le sang brûlant ma main de plus en plus. « Je ne savais pas, je n'ai jamais voulu - » Je soupire, définitivement dépassée par ses aveux - et par ma propre stupidité, sans parler de la culpabilité qui m'étouffe. Comment pourrait-il me pardonner? Je ne lui en demanderai jamais autant. Mais je peux lui promettre une chose, par contre.

« Je vais, je - on va les retrouver, okay? On va les faire payer. »

En attendant qu'Eva lui rende la poignée de main, August sentait un léger flottement dans l'air. Elle semblait absente, vacillante, se retirant pour s’éloigner de lui. Ses sourcils se froncèrent d'incompréhension alors que ses yeux dérivèrent vers sa main, maintenant ouverte à cause de l'écorce de l'arbre. Il pouvait lire la perturbation dans son regard, comprendre l'impact de ses révélations. Elle n'aurait jamais pu imaginer ce qu'il avait traversé, et il savait qu'elle n'aurait jamais souhaité qu’il vive de telles épreuves.

"Je te suis reconnaissant de vouloir m'aider, mais c'est mon combat et je ne veux pas te mêler à cela. Je sais que tu es forte, je n'en doute pas, mais je ne pourrais pas supporter qu'il t'arrive malheur. Après tout, tu as encore ta sœur à protéger. Que ferait-elle si tu partais à la guerre en compagnie d'un inconnu ?" Conscient qu'Oliver aurait tenu le même discours.

Il fouilla dans son sac et en sortit une bouteille d'eau. Alors qu'il en versait un peu dans ses mains pour les nettoyer, son regard balaya les alentours, scrutant les moindres mouvements, restant sur ses gardes. Attrapant un tissu, il se redressa, s'approchant d'elle avec précaution. Sa main droite s'avança lentement vers celle de la brune, ensanglantée, cherchant à apaiser sa douleur du mieux qu'il pouvait. Son regard se plongea dans le sien pour lui signifier qu'il ne cherchait aucunement à lui nuire, bien au contraire. Doucement, il lui demanda d'ouvrir la main, puis passa le tissu autour pour stopper le saignement. Le camp n'était pas loin, mais il restait vigilant, prêt à agir au moindre signe de danger. "Une vilaine coupure, un peu ridicule comme blessure, mais je promets de ne pas révéler comment c'est arrivé," dit-il avec un sourire, espérant détendre l'atmosphère.

Sa main tenait toujours la sienne pendant qu'il parlait, mais il la relâcha doucement, sentant le malaise s'installer. Se reculant légèrement, il lui demanda avec préoccupation : "Ça va aller ? J'ai cru que... J'ai cru que tu avais vu un fantôme l'espace d'un instant..."

Certains esprits rancuniers pourraient le traiter de stupide pour s'inquiéter d'une femme qui l'avait abandonné et laissé pour mort, mais August ne partageait pas cette vision. Pour lui, il y avait plus que ce que l'apparence laissait entrevoir. Il comprenait les risques et les circonstances de son abandon. Elle n'avait pas eu le choix ; elle avait pensé avant tout à sa famille et à leur sécurité. August se rappelait encore le regard paniqué dans ses yeux au moment de leur séparation, et il savait que derrière chaque décision, même la plus douloureuse, il y avait souvent une histoire complexe et profonde.

"Je pense que je peux reprendre le chemin jusqu'au camp, cette petite pause m'a fait du bien." August s'exprima avec un léger sourire, se sentant revigoré par le repos. Son fidèle compagnon était assis à côté d'Eva, l'air préoccupé. Son museau pointait vers ses yeux océans, exprimant une patience infinie. "On rentre ?" demanda-t-il, le regardant tour à tour, prêt à reprendre la route en leur compagnie.

Loki jappa légèrement en regardant son maître et resta au côté de la brune, tandis qu'August se dirigeait vers le cerf posé sur le sol. La nécessité de rentrer rapidement se faisait sentir : il fallait éviter que la viande ne périme. Saisissant la bête, August la replaça sur ses épaules et commença à avancer. Le refuge n'était plus qu'à quelques mètres et des patrouilleurs viendraient sans doute à leur rencontre pour les aider.

Forte? Je ne sais pas. J'ai envie de lui dire que non; qu'il est en plein délire. Il affirme que c'est son combat, et non pas le mien. Encore une fois, je doute. J'ai l'impression d'être la cause de ses tracas, là, tout de suite - et je déteste l'idée qu'il puisse vouloir se mettre en danger à nouveau par ma faute. Je tente de placer un mot, mais il me répète ce qu'il n'acceptera pas, avant de parler de ma jumelle pour la seconde fois. Je relève la tête, le visage à moitié caché par quelques mèches de cheveux. Comme à chaque fois qu'il aborde Mya, j'ose me taire. Je souffle un peu du nez, avant de finalement ouvrir la bouche. « On croirait entendre mes frères. » Enfin, surtout Oliver. La pensée m'arrache la moitié d'un sourire, me ramenant peu à peu à la réalité - une réalité que je tolère mieux, au fur et mesure que le temps s'écoule.

Je le vois s'approcher - je fronce les sourcils, par réflexe. Je suis tentée de faire un pas pour reculer, mais l'arbre m'en empêche. Mes billes se posent tour à tour sur ma main, puis la sienne, avant de croiser son regard. J'ai l'impression qu'une fragile ficelle est tout ce qui me garde debout, à l'instant, jusqu'à ce que mon souffle m'abandonne quand il applique le pansement dans ma paume. La chaleur de sa peau réchauffe mes doigts congelés, et si je résiste un brin au départ, j'ose enfin baisser ma garde quand il ose faire une blague à propos de la stupidité de cette blessure à la con. Je n'ai pas le choix de rire, abandonnant enfin les défenses derrière lesquelles je me cache la plupart du temps. « Mon preux chevalier, comme c'est gentil de préserver ma dignité. » que je lâche d'un ton léger, avant de réaliser que ma main est toujours dans la sienne - même une fois le pansement terminé.

Je retire alors ma main d'un geste automatique, faisant aussitôt remonter les fidèles barricades qui protègent normalement ma petite personne. « Merci. » que je murmure quand même en levant les cils sur lui, une fois de plus. « Les fantômes n'existent pas. » que j'affirme ensuite, avant de venir m'éclaircir la gorge. Gagner du temps, ne pas le laisser s'immiscer. Il est trop près. Il va se brûler.

« Tout va bien, promis. » Je lui offre un sourire, un vrai - même si la promesse est fausse. Une partie de moi cherche sincèrement à le rassurer, mais mon double un peu plus sombre ne demande qu'à l'expulser à l'autre bout de la planète. Je passe près de lui pour ramasser ma bouteille d'eau, m'arrêtant à son niveau sans pour autant le regarder. Je fixe la direction opposée à la sienne, plutôt. « J'ai eu tort, August. Je ne mérite pas ta clémence. » Mon ton est dur - aussi dur que je peux l'être, surtout envers moi-même. Oh, ce n'est pas contre lui. Bien au contraire.

Il annonce qu'il est assez en forme pour rentrer, de toute façon. « Bien - très bien. »  Si je suis heureuse de le voir en meilleur état, je n'arrive toujours pas à accepter la réalité de ses confessions. Tout un tas de trucs embrouillent mon crâne, par rapport à ses histoires mêlées aux miennes. Et c'est trop pour que je puisse continuer de lui faire face. J'ai besoin d'air, j'étouffe même au milieu de cette putain de forêt. Je m'abaisse pour caresser Loki - et pour me donner un brin de courage.

« Je vais prévenir la patrouille, si t'es okay, alors. » Le sourire que j'affiche ne dure pas, pourtant. J'ai la désagréable impression qu'il sait lire mes mensonges, maintenant. La carapace est en péril.

C'est ce qui me fait détaler, sûrement. Mais j'ai la meilleure excuse du monde; il faut nourrir les gosses.

August ne cherchait pas à pousser Eva à parler. Il ressentait qu'il y avait quelque chose de profondément enfoui en elle, comme elle l'avait si bien exprimé. Il comprenait que tout le monde avait vécu des épreuves dans sa vie, mais la distance qu'elle maintenait avec le contact humain et ses réactions le laissaient penser qu'il y avait un problème avec le toucher. Le fermier ne se hasardait pas à imaginer ce qu'elle avait pu endurer. Si un jour elle ressentait le besoin de lui confier pourquoi elle était si distante et semblait terrifiée dès qu'il s'approchait trop près, il serait là pour l'écouter. Il espérait simplement que ce ne serait pas aussi grave que ce à quoi il avait pu penser initialement. Peut-être, se disait-il, cela pourrait être surmontable avec du temps et de la compréhension.

"C'est toi qui pense ça," dit-il avec un léger sourire. August était conscient de ses propres souffrances, des jours sombres où il avait été passé à tabac, mais il avait appris à pardonner les erreurs. Il ne tenait pas Eva pour responsable de son calvaire. Elle avait joué un rôle mineur dans sa tragédie. Elle ne l'avait pas livré sur un plateau, elle n'avait pas ordonné qu'il soit torturé. Elle avait simplement fui, fui pour protéger sa sœur, fui pour sauver sa propre vie.

"Je pense que le pardon est une chose essentielle de nos jours," déclara-t-il avec sérieux. "Je ne pardonnerai pas à ces enfoirés qui m'ont fait ça, mais je vous pardonne à toi et à ta sœur." August exprimait ainsi sa conviction profonde dans la valeur du pardon, même s'il reconnaissait que certains actes étaient impardonnables. Il réservait sa clémence pour Eva et sa jumelle.

August avança vers le refuge, laissant Eva prendre de l'avance pour prévenir la patrouille qui viendrait les aider à transporter le cadavre de la bête. Ses pas étaient réguliers, bien que ses côtes lui fissent encore mal. Mais il était motivé par l'image des sourires qui illumineraient les visages ce soir, alors qu'ils se régaleraient de viande de cerf. Avançant lentement, il observait le camp se rapprocher de plus en plus. Deux hommes arrivèrent pour l'aider à ramener le cadavre à l'intérieur. Eva avait disparu, ce qui le fit légèrement sourire. Il se dirigea alors vers les douches communes pour nettoyer tout le sang qui maculait son corps, se préparant à retrouver la quiétude après l'effort et la traque.

Loki, son fidèle compagnon canin, s'était posté devant l'infirmerie, peut-être pour rendre visite à Hanaë, ou alors il avait suivi l'odeur d'Eva. Peu importait la raison, Loki avait ses propres habitudes dans le refuge et revenait toujours vers son maître après avoir fait son petit tour. August esquissa un sourire en voyant son loyal compagnon prendre soin de ses affaires, sachant qu'il serait là, fidèle au rendez-vous, dès qu'il aurait besoin de lui.