I got too much on my mind I guess I don't know how to face it

Après une journée de travail bien remplie, quoi de plus réconfortant que de se rendre à la taverne pour décompresser ? August ne s'accordait pas cette pause tous les jours, mais de temps en temps, savourer un verre d'alcool était un véritable baume pour le moral. En plus, cela lui offrait l'opportunité de rencontrer de nouvelles personnes et d'engager des conversations enrichissantes. Bien que son image puisse suggérer le contraire en tant que travailleur acharné, Gus appréciait réellement ces moments de détente où il pouvait simplement se poser et profiter de l'instant présent.

Alors qu'il se promenait en compagnie de son fidèle ami à quatre pattes, Loki, Gus fut témoin d'une altercation à proximité. Son regard se porta instinctivement vers la scène de conflit, suivant le mouvement de tête de son compagnon canin. Habituellement peu enclin à s'immiscer dans les affaires des autres, la présence d'Eva dans la querelle et la menace qui semblait peser sur elle firent réagir Gus. D'un geste prompt, il fit claquer ses doigts et donna un signe à Loki pour qu'il intervienne. Bien que naturellement bienveillant, le chien possédait une stature imposante et une mâchoire puissante qui pouvaient dissuader quiconque de poursuivre ses actions. Se joignant à la scène, Gus avança, les mains dans les poches, pour se placer à côté du duo.

Loki se calma instantanément, répondant à la tranquillité dans la voix de son maître. Le fermier, conscient de la tension croissante, s'avança prudemment, interpellant les personnes impliquées : "Il y a un problème ?" L'homme agressif ne tarda pas à répondre avec véhémence : "Bien sûr qu'il y a un problème ! Cette petite connasse d’ivrogne a renversé mon verre et refuse de m'en payer un autre !" Les propos grossiers de l'homme firent bouillonner August, mais il garda son calme pour désamorcer la situation.

Avant qu'Eva puisse intervenir, August se positionna rapidement entre les deux protagonistes, écartant légèrement la jeune femme pour se placer en intermédiaire. D'un geste protecteur, il barra de son bras la proximité des deux et poussa doucement Eva en arrière pour se mettre au milieu. Sa main se posa avec douceur sur l'épaule de l'homme, qui paraissait bien plus frêle et petit que lui. "Bon, calme-toi, mec", déclara August d'un ton apaisant tout en tendant une pièce vers l'homme contrarié. "Tiens, prends ça, pas besoin de s'énerver pour si peu. Maintenant, retourne à l'intérieur." L'homme, visiblement contrarié mais désarmé par le geste de conciliation, lança un dernier regard noir à Eva avant de s'éloigner sans un mot de remerciement. August leva les yeux au ciel, exprimant sa lassitude devant la situation, puis se tourna vers la brune, dont l'état d'ébriété semblait évident.

"Je ne juge pas," déclara-t-il, levant les mains en signe de paix. "Mais je ne peux pas te laisser errer seule dans cet état. Laisse-moi te raccompagner à ta chambre. Je crois que tu as eu ta dose pour ce soir." Son ton était empreint de sollicitude, exprimant sa préoccupation sincère pour le bien-être d'Eva.

"Ou alors," continua-t-il avec un sourire taquin, "je pourrais te faire suivre par Loki. Fais attention, il a un caractère bien plus coriace que le mien." Son humour léger était destiné à détendre l'atmosphère, mais son intention de veiller sur Eva restait sérieuse. Le chien sembla approuver l'idée d'un aboiement enthousiaste dès que son nom fut prononcé, comme s'il avait compris que son maître le présentait comme le méchant de l'histoire.

J'observe la cicatrice qui trône à mon avant-bras, les yeux dans le vide. Oh, j'ai un tas d'entailles qui lézardent ma peau, depuis la première pluie - mais je déteste particulièrement celle-ci. Elle ne fait que remuer le couteau dans une plaie qui s'entête à ne pas guérir. Je me souviens encore du moment de flottement, en salle de réveil. La chirurgie était terminée, tout avait été pour le mieux, et sans complications. Le médecin s'était approché de moi, pour me dire une connerie de plus. De faire attention aux chutes, la prochaine fois. Il ne savait pas. Comme tous les autres, il avait gobé le mensonge. C'était la première fois que j'osais lui tenir tête, à cet enfoiré. La première fois que je levais le bras pour me défendre. Dieu sait qu'il ne m'a pas laissé faire bien longtemps.

Je soupire. Je ne sais pas pourquoi ces images me hantent plus qu'à l'habitude, dernièrement. Peut-être que je suis trop exténuée. J'enchaîne les expéditions, question de m'occuper l'esprit. Ce soir, pourtant, j'enchaîne plutôt autre chose. Je n'ai aucune idée du nombre de verres que j'ai bu, et c'est probablement le plus inquiétant. Je manque même de tomber en sortant, sauf que je me raccroche au dernier moment, dans un effort surhumain. Je renverse quelque chose au passage, et j'ai besoin d'un moment pour capter que c'est la consommation d'un autre qui se déverse par terre. Et j'ai droit à un type qui bouille de rage, en prime.

Est-ce que je le provoque un peu? Évidemment. J'en ai marre d'avoir peur. J'ai envie de le taper, de le frapper jusqu'à ce qu'il lève le bras pour se défendre, lui aussi. Je veux sentir ses os se briser, sa peau s'ouvrir sous les coups. Je veux qu'il puisse vive ce que j'ai vécu. Je l'insulte, je m'avance vers lui sans aucune considération. Le danger qui rôde ne m'alarme pas, pour une fois. C'est l'alcool qui réchauffe mon sang, sûrement. Je lui offre mon majeur, non sans un regard pour l'emmerder, jusqu'à temps qu'il commence à me crier après. Il s'agite, il menace. Un peu plus et il va exploser. Je le sais. Parce qu'il me rappelle celui qui gâchait ma vie à faire exactement la même chose, jadis.

« Loki? » que j'articule pourtant, notant soudainement la présence du chien sans parvenir à comprendre d'où sort le toutou. Je capte finalement ce qui se passe quand je remarque August qui s'avance vers nous, non sans ce calme légendaire qui le caractérise. C'est peut-être ce qui m'apaise, là, tout de suite. Sauf que la réplique du con ne tarde pas à me faire réagir, fidèle à moi-même.

« Tu veux voir ce dont elle est capable, la connasse, peut-être!? » Je m'avance vers l'imbécile, prête à me briser les doigts pour lui en coller une, mais le chasseur nous sépare trop vite.

« Eh, oh - » Malgré ma tentative de résister à son geste qui me pousse vers l'arrière, je suis bien obligée d'admettre que je ne fais pas le poids. J'arrête de protester, du coup, observant plutôt la suite des événements. Je ne suis pas certaine de capter comment Gus est en mesure de faire fuir l'idiot du village, mais son départ me rassure. « Va te faire foutre! » que je lance dans son dos, tandis qu'il nous laisse enfin tranquille. Je me retourne ensuite vers August, qui s'empresse de me dire qu'il n'est pas là pour juger mes choix. J'esquisse un sourire amusé, même si je regrette qu'il puisse me voir dans cet état.

« Me raccompagner? Attention, je vais finir par croire que c'est vraiment ton truc préféré de jouer au preux chevalier avec moi. » J'éclate de rire, marchant lentement vers je ne sais trop où. « Tu oses critiquer le caractère de Loki? On va se liguer contre toi, tous les deux. » que je lâche, faussement outrée. Je me penche pour caresser mon nouvel allié - non sans être vachement déséquilibrée quand je me relève. Je m'accroche brièvement à l'épaule d'August, pour ne pas tomber, croisant ses billes pendant une fraction de secondes. Sans grande surprise, je recule immédiatement, gênée - avant de retrouver un peu de sérieux.

« Pas besoin de rester, enfin. J'ai trop bu - je suis pas en train de crever. Les types comme lui, ça me connaît, de toute façon. » Je m'arrête de parler, surprise de m'entendre lâcher un commentaire du genre alors que je n'aborde pas le sujet, normalement. « Tu as très certainement mieux à faire ce soir. T'inquiète pas pour moi. »

August leva les yeux au ciel avec une pointe d'exaspération lorsque, pour la énième fois, Eva lâcha une série d'insultes à l'encontre de l'homme qui venait de s'éloigner. Le brun était habitué à ce genre de situations et se préparait mentalement à une éventuelle confrontation si l'homme décidait de faire demi-tour. Bien qu'il n'eût aucune intention de recourir à la violence, sa stature imposante par rapport à celle de son potentiel adversaire pouvait intimider. Mais August préférait toujours privilégier la diplomatie, ne se considérant pas comme un homme belliqueux. Il réfrénait l'envie de répliquer verbalement ou physiquement, sauf en cas de menace directe envers quelqu'un qu'il chérissait ou envers les animaux, pour lesquels il avait une tendresse particulière. En somme, le fermier était un homme au cœur doux, peu enclin aux conflits. Ses épaules se relâchèrent légèrement lorsqu'il constata que l'homme avait regagné l'intérieur de la taverne, mettant ainsi un terme à leur altercation, du moins pour le moment.

August ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire en réaction à la phrase d'Eva. Jouant le jeu, il porta une main à sa hanche comme s'il tenait une épée imaginaire, mimant une posture de chevalier prêt à servir : "Mon épée est à votre service, dame Blackwood."

Le fermier avança aux côtés d'Eva, son fidèle compagnon à quatre pattes, suivant de près. Le brun ne put s'empêcher de sourire avec amusement lorsque la brune le menaça en plaisantant de se liguer avec son chien. Ses épaules se haussèrent légèrement, témoignant de son détachement face à cette petite provocation. Il savait que Loki lui était loyalement dévoué et qu'il ne serait jamais un traître.

Alors qu'il observait Eva caresser affectueusement Loki, August se tenait prêt, prêt à intervenir si nécessaire. Son attention se porta rapidement sur elle lorsque, dans un moment d'inattention accentué par l'effet de l'alcool, elle trébucha en se redressant. Sans la toucher, il avait instinctivement tendu le bras pour la soutenir, offrant un soutien invisible mais rassurant. La main de la brune s’était posée sur son épaule et leurs regards se croisèrent. Le brun lui adressa un léger sourire, comprenant parfaitement sa légère ébriété et lui assurant tacitement qu'il veillait sur elle, mais celle-ci se recula immédiatement.

Le brun avait remarqué qu'Eva n'était pas très à l'aise avec les contacts physiques, ce qui ne lui avait pas échappé. Il pouvait comprendre cette réticence, ayant lui-même un profond respect pour les limites personnelles de chacun. La phrase légèrement évasive de la femme lui donna un petit indice sur les raisons de cette attitude, et cela lui fit un léger pincement au cœur. Il savait que des individus violents et abusifs envers les femmes existaient, mais il n'avait jamais vraiment rencontré de femme faisant face à de tels problèmes. Bien sûr, il en avait entendu parler aux informations, lu des articles dans les journaux, mais jamais il n'avait eu l'occasion de rencontrer personnellement une personne victime de cette réalité tragique. Ce constat suscita en lui un mélange de tristesse et de détermination à être un soutien, si besoin était, pour Eva ou pour quiconque traversait des épreuves similaires.

"Bon point pour que je reste le temps que tu évacues ce trop plein, non ? Des loups peuvent se cacher dans la bergerie, et ça m'embêterait d'apprendre qu'il t'est arrivé quoi que ce soit, alors que j'aurais pu rester et te raccompagner à ta chambre," proposa August d'une voix douce, empreinte de préoccupation sincère. Il était conscient des dangers potentiels, surtout pour une personne légèrement éméchée comme Eva. Son désir de la protéger était palpable, et il ne voulait pas la laisser seule dans un état vulnérable. Son regard azur reflétait une détermination tranquille à veiller sur elle, prêt à intervenir au moindre signe de danger.

"Mieux à faire ? Pas vraiment, non. J'étais seulement venu pour boire un verre puis repartir à ma chambre, alors autant que je raccompagne ma meilleure amie à sa chambre, non ?" lança August d'un ton léger, ajoutant une pointe d'humour pour détendre l'atmosphère. Bien sûr, il savait pertinemment qu'ils étaient loin d'être amis, et la tension entre eux était palpable. Mais August n'était pas quelqu'un de méchant, et il préférait utiliser l'humour pour désamorcer les situations délicates. Son sourire était sincère, même s'il savait que leur relation resterait toujours un peu compliquée.

"Et si jamais un type comme lui te connaît, n'hésite pas à venir m'en parler, je m'en occuperai personnellement," déclara le brun avec une sincérité indéniable. “Je ne suis pas violent, mais il y a des causes qui me font vraiment vriller, et la violence envers les femmes en fait partie," avoua August d'une voix calme mais ferme. Il était clair que ce sujet touchait une corde sensible en lui, et sa déclaration reflétait sa profonde indignation face à une injustice aussi répandue et inacceptable. "Si jamais tu veux en parler, te décharger, tu peux," offrit l’homme avec une douceur compatissante. Il comprenait que parler de telles expériences pouvait être difficile et émotionnellement éprouvant, lui-même avait vécu récemment des violences et il pouvait comprendre que ça pouvait marquer.

« Dame Blackwood n'a pas peur des loups. » que je lâche en riant, même si je suis sérieuse, au fond de moi. J'ai appris à combattre la peur, depuis le temps. Enfin, j'aime penser que c'est le cas. Je ne sais pas j'accepte vraiment les choses, ou si je ne fais qu'enfoncer la merde assez loin pour pouvoir l'ignorer. Peu importe, j'ai l'esprit trop embrouillé pour vraiment réfléchir à tout ça. Tout ce que je sais, c'est que je suis invincible, là, tout de suite. J'observe August quand il ose dire qu'il serait dépité s'il m'arrivait quelque chose; comme s'il avait réellement quelque chose à foutre de ce que je peux bien devenir. « Je me doute que tu serais dévasté, oui. » Je suis incapable de ne pas rigoler en le disant, parce que je sais très bien que personne ne serait véritablement triste si je venais à disparaître. Même Mya se porterait mieux, délivrée du petit nuage noir que je représente pour elle.

« Ta meilleure amie, hein? Si c'est vraiment le cas, on devrait continuer à boire. C'est ce que font les copains, après tout. » J'hausse les sourcils, soufflant du nez en souriant peut-être un peu bêtement. Je sais très bien qu'il blague, que nous sommes bien loin d'être potes, mais ses idioties me font rire, je n'y peux rien. Or, je peux déconner autant que je veux, je ne suis pas prête d'oublier ma part de responsabilité dans ce qui est arrivé à Gus. Je suis la raison pour laquelle il n'a pas eu le choix d'encaisser des supplices que je peine à imaginer. Et je ne capte pas comment il peut me pardonner une telle chose. Comment dois-je lui faire confiance alors que j'ai l'impression qu'il pourrait me le faire payer à tout moment? Enfin. Je ne vais pas prétendre que c'est nouveau. Je galère déjà à faire confiance depuis la nuit des temps. Sauf que j'ai envie de m'en foutre, sur le coup. La soirée est douce, et si j'ai clairement abusé des bonnes choses, aussi bien en profiter.

Je commence à courir un peu avec Loki, pour me changer les idées. J'ai besoin de bouger. Je m'amuse avec le chien pendant quelques minutes, faisant comme si je voulais le pourchasser, faisant mine de l'attaquer. Il sautille dans les airs tandis que j'éclate de rire en le voyant se contorsionner pour attraper une branche que je lance maladroitement dans les bois. Il détale, et je repose les billes sur August, marchant à reculons en levant les cils sur lui.

Je fronce pourtant les sourcils quand il affirme qu'il s'occupera personnellement de tout type qui pourrait me causer problème à l'avenir. J'admire sa sincérité, vraiment, mais je suis confuse. J'ai l'impression de sentir une boule de rage naître au creux de ma poitrine. Mes traits changent complètement, d'ailleurs, dès qu'il parle à nouveau. Je m'arrête automatiquement, penchant la tête sur le côté lorsqu'il mentionne cette fameuse violence envers les femmes. Je capte lentement qu'il n'est pas con. Qu'il n'a pas eu besoin de beaucoup de temps pour recoller les morceaux du casse-tête. Qu'il a facilement assumé ma réalité, suite à ce simple commentaire que je regrette déjà.

« Me décharger? » que je répète, d'un ton particulièrement agacé. « Je ne suis pas une putain de cause, encore moins un projet à améliorer - je, tu penses que les choses vont changer parce que je peux simplement me décharger? » Je suis incapable de ne pas hausser le ton, même si je réalise qu'en répliquant de la sorte, je ne fais que confirmer ce qu'il pense. Il se prend pour qui, exactement? Je serre ma veste sur mon corps frêle, tentant de respirer. Le simple fait de m'agiter de la sorte me fait chanceler. « Je ne sais pas ce que tu penses savoir, ce que tu - je - » Je ne suis pas très solide sur mes pattes, et je suis visiblement incapable de formuler une phrase qui fait du sens. Mais je m'entête à me débattre, comme un animal en cage. Les idées se bousculent trop vite dans mon crâne, j'imagine. Je suis surtout trop bourrée pour faire deux choses en même temps.

Je soupire, avant de simplement me retourner pour me barrer. Oh, je n'ai pas l'intention de rentrer - je ne me dirige pas dans la bonne direction pour ça. J'ignore Loki qui tente de m'approcher, je ne veux pas lui imposer mes états d'âmes. Mettre un pied devant l'autre me demande beaucoup trop de concentration, de toute façon. La furie dans mon âme m'empêche de voir clair, le pire. Je ne sais pas ce qui fait le plus mal. J'ai l'impression d'être complètement nue, à découvert, devant lui. Je n'ai pas le moindre contrôle sur ce qui se passe. Mais je contrôle au moins ce que je peux faire dans l'immédiat. Et je refuse de le suivre.

August écoutait Eva en silence, observant chaque inflexion de sa voix, chaque expression de son visage. Elle était agacée, cela se lisait dans ses gestes brusques et ses regards fuyants. August pouvait comprendre son agacement ; après tout, l'alcool avait ce pouvoir singulier de briser les barrières, ou du moins de libérer les mots que l'on retient habituellement. Il se demandait s'il allait saisir cette opportunité ce soir pour essayer de la faire parler davantage. Oui, car il ne percevait pas cette idée comme mauvaise. Partager sa peine pouvait parfois être le premier pas vers la guérison. La douleur, la colère, la peine pouvaient demeurer, mais être adoucies par le simple fait de ne pas les affronter seul. August gardait le silence, laissant Eva exprimer son exaspération une fois de plus. Il avait appris à accepter que c'était sa façon de communiquer. Elle n'était pas une mauvaise personne, loin de là ; elle était simplement brisée, et semblait vouloir tout gérer seule.

Haussant les épaules, August la regarda s'éloigner, sachant que cette soirée serait longue. Mais peu lui importait, car il était déterminé à l'aider. C'était dans sa nature d'être là pour les autres, même si leur relation avait mal commencé. Il gardait l'espoir de devenir son ami, de construire quelque chose de solide sur les fondations fragiles de leur passé tumultueux.

Le fermier observait Loki, son fidèle compagnon, qui suivait déjà la demoiselle. Un sourire tendre étira ses lèvres en voyant cette scène. Loki semblait réellement l'apprécier, ou peut-être percevait-il simplement que la jeune femme avait besoin de compagnie. Il pariait sur la première option, convaincu que son ami canin avait eu un coup de cœur pour la brune.

Sans hésitation, August rattrapa la distance qui les séparait, rejoignant la demoiselle en quelques enjambées décidées. Il se positionna à ses côtés, marchant à son rythme. Il savait pertinemment qu'elle réagirait peut-être avec agressivité, qu'elle l'enverrait paître, voire pire. Mais il ne pouvait se résoudre à la laisser errer ainsi dans le camp, submergée par ses tourments intérieurs.

Le brun fit une pause, se tournant légèrement vers Eva, un éclat de détermination dans le regard. "Je ne te prends pas pour un projet à améliorer," commença-t-il d'une voix calme mais assurée, "je dis simplement que parfois, parler peut apaiser l'âme. Je comprends que tu puisses avoir tes raisons de garder tes pensées pour toi, et je respecte totalement cela. Maintenant, que tu ne veuilles pas m'en parler, je ne te forcerai pas. Mais sache juste que je suis là, à tes côtés, prêt à t'écouter." Ses paroles étaient empreintes de sincérité, et il espérait qu'elle percevrait son authenticité.

"Je sais qu'on ne se connaît pas assez, qu'on n'est pas les meilleurs amis, ni même de simples amis pour le moment," commença-t-il, cherchant ses mots avec précaution, "mais je suis sincère quand je te propose mon aide. Bon, tu pourrais dire que je pourrais très bien mentir et être le plus grand des salops, mais franchement, est-ce que j'aurais un chien aussi adorable que Loki si c'était le cas ?" Il ponctua sa phrase d'un petit rire, espérant détendre un peu l'atmosphère tendue.

Le regard d'August se posa sur Loki, qui aboyait joyeusement et se pressait contre Eva, lui léchant la main avec affection. Il sourit, hochant la tête. "J'vais vraiment finir par croire qu'il comprend tout..." admira-t-il avec un brin d'incrédulité teintée d'admiration pour son fidèle compagnon. C'était comme si le chien agissait en parfait accord avec les mots de son maître, comme s'il était conscient de l'importance de sa présence et de son soutien dans ce moment délicat.

Il est sérieux, putain? Il va vraiment me suivre? Il n'est pas bien dans son crâne, le mec. Je croise ses billes une fois de plus, ne sachant pas quoi penser de sa détermination - enfin, de sa façon de s'entêter, devrais-je plutôt dire. Je ne savais pas qu'il pouvait être encore plus obstiné que je peux l'être. Je m'arrête en même temps que lui, non sans le dévisager un brin. Il ose prétendre ne pas vouloir me forcer à parler, mais c'est l'impression qu'il donne, là, tout de suite. Et doucement, ma colère se mêle à une crainte que je ne contrôle pas. Je ne doute pas de ses intentions, mais son insistance n'est pas sans raviver les caractéristiques d'un type que je déteste, et des souvenirs que je veux justement oublier. Bordel, je ne suis pas assez sobre pour faire face à tout ça.

Mes billes viennent percer les siennes, dès qu'il affirme qu'il est là, à mes côtés, prêt à m'écouter me lamenter à tout prix. J'ai envie de le défier, de vérifier la chose - incapable de le croire sur paroles. Je ne sais rien de ses intentions, après tout. Qu'est-ce qu'il gagne dans tout ça, lui? « C'est Oliver qui est derrière tout ça? » Quoi, aussi bien le demander. C'est le genre de chose qu'il pourrait ordonner, du haut de son statut militaire, pour investiguer ma vie privée. Enfin. Je ne suis pas sérieuse, évidemment. Je sais que mon frère ne veut que mon bien, même s'il ne sait pas toujours comment le montrer. « Non, tu crois? » que je lâche ensuite, quand August admet au moins que je n'ai aucune idée de qui il est, en réalité. Et il n'a aucune idée de qui je suis. Comment dois-je me confier à un étranger, hein?

« Peut-être que ton chien adorable est la distraction par excellence? » J'éclate de rire en le disant, ne pouvant m'empêcher d'au moins reconnaître ses efforts. La petite bête se colle à moi, d'ailleurs, m'offrant une dose d'affection qui m'apaise momentanément. Je caresse doucement la boule de poil pendant qu'August admire son fidèle copain, plongée dans ma tête. « Je fais de mon mieux, tu sais. » que je lâche aléatoirement, beaucoup plus sérieuse. J'ai besoin de le préciser, de toute évidence, de lui prouver que je ne suis pas qu'une pauvre idiote. Enfin, la plupart du temps. Je me redresse, l'observant une fois de plus. J'ouvre la bouche pour parler, mais je me ravise. Il ne m'aura pas comme ça.

Je recommence à avancer - je ne sais pas trop dans quelle direction. J'ai la tête qui tourne, sauf que ça ne m'arrête pas. Je suis partagée entre l'envie de me foutre de ses questions et celle de le faire flipper. Alors je grimpe sur une voiture abandonnée, juste parce que, avant de parler. « Je ne capte pas pourquoi tu insistes autant. Qu'est-ce que j'ai - » Merde - je manque de tomber, glissant au sol en tentant d'amortir la chute. Je pose le dos contre la bagnole, frustrée, avant de venir toucher mon front, trop éméchée pour réaliser que je le fixe à nouveau.

« Tu veux quoi, à la fin? Que je te montre toutes mes cicatrices? Toutes les marques? Que je nomme chaque os qu'il a brisé, chaque contusion, chaque hématome? » Je pointe mon avant-bras, puis je retire ma veste, soulevant mon t-shirt pour lui montrer les traces de la splénectomie, à ma cage thoracique gauche. Je m'agite comme un animal en cage, et pas qu'un peu. « Pourquoi diable est-ce que je voudrais te parler de ce qu'il me poussait à faire - de ce que je devais - » C'est trop dur. Je n'y arrive pas. Je m'effondre, toujours contre la carrosserie du véhicule. Je fixe le vide, les larmes aux yeux.

« Pourquoi je voudrais parler de ce dont j'ai le plus honte - pourquoi je voudrais avouer que je suis simplement trop faible pour affronter la réalité, que je suis - » Toute seule. Vachement seule. Je ramène les genoux à ma poitrine, venant enfouir le crâne entre mes bras, pour me retirer du monde entier. Et je vais rester ici aussi longtemps qu'il le faut pour oublier toute cette merde.

August secoua légèrement la tête par négation, une expression de perplexité se peignant sur son visage. Non, il n'était pas un messager de son frère Oliver. Ils n'avaient vraiment pas spécialement parlé de quoi que ce soit la concernant. Le brun n'avait pas jugé bon de raconter comment il avait fini par être battu à mort. Il avait délibérément laissé les jumelles d'Oliver hors de l'équation de son histoire, même s'il avait toutes les raisons de les inclure. Mais à quoi bon ? Son frère aurait réagi de la même manière qu'elle, c'était une certitude pour lui.

"Je ne connais pas assez ton frère pour ça," dit-il simplement, sa voix teintée d'une note de résignation. De toute manière, elle ne lui faisait pas confiance, alors il n'allait pas s'étendre sur la question. Il préférait éviter les tensions inutiles, surtout avec quelqu'un qui était déjà sur la défensive et en plus bourrée.

Eva sobre était une chose, alors bourrée s'en était une autre et son changement d'émotion, montrait qu'elle souffrait intérieurement. August pouvait le sentir, dans ses gestes, dans ses paroles, dans ses yeux. Elle cherchait à fuir, elle ne voulait pas craquer, elle voulait rester forte et c'était quelque chose qu'il trouvait remarquable, mais, ce n'était pas bon. Ce n'était pas sain pour elle, la colère, la haine, avait tendance à ressurgir à un moment donné et en général on finissait par craquer sur un être cher.

La tension dans l'air était palpable, exacerbée par les effets de l'alcool. Les mots semblaient glisser sur une fine couche de désespoir qui enveloppait Eva. Il ressentait le poids de son tourment, comme une lourde charge qui pesait sur ses épaules. Il comprenait son besoin de se protéger, de garder son masque de force intact, mais il craignait les conséquences à long terme de ce refoulement émotionnel.

Il décida de ne pas insister davantage, comprenant que c'était une source de douleur pour elle. Au lieu de cela, il chercha un moyen de lui apporter un réconfort subtil, une présence rassurante dans ce moment de vulnérabilité. Car au fond, il savait que même les plus forts avaient besoin de soutien lorsqu'ils étaient sur le point de craquer.

Alors qu'elle caressait son chien, le brun hocha légèrement la tête quand elle lui avoua qu'elle faisait de son mieux. Il ne parla pas, préférant rester silencieux, et marcha à nouveau à ses côtés. L'homme observait alors qu'elle montait sur une voiture abandonnée, restant vigilant ; ce serait dommage qu'elle ne glisse et se brise la nuque. Il se précipita quand il la vit glisser, mais recula d'un pas juste après, car elle parvint à se rattraper. Un soupir s'échappa de ses lèvres, et il fut un peu secoué par son débit de parole. Elle lui avouait là, maintenant, ses démons. Elle avait été elle aussi battue, pas de la même manière que lui, mais elle avait subi des violences, et August trouvait ça complètement dégueulasse. Ses yeux se posèrent sur les cicatrices qu'elle lui montrait, et encore, cela devait être les deux plus importantes qui devaient parsemer son corps.

Le fermier se surprit à ressentir une bouffée de colère face à l'injustice qui avait frappé cette femme. Pourtant, il garda son calme apparent, sachant que sa présence devait être un réconfort plutôt qu'une source de tension supplémentaire.

Ses yeux suivirent le mouvement de son corps glissant contre la voiture et se recroquevillant sur elle-même. Son chien était venu s'installer à ses côtés, conscient de la détresse de l'humaine. Le cœur d'August se serra à la détresse d'Eva ; il s'abaissa, se mettant accroupi devant elle, et hésita avant de poser sa main sur son coude. "Je suis désolé Eva, désolé que tu aies dû faire face à ce type," murmura-t-il doucement. "Tu ne devrais pas voir ça comme une honte," ajouta-t-il doucement, son ton empreint de compréhension et d'empathie. "Et cacher ses émotions n'est pas une faiblesse mais une force. Tu as survécu à travers tant de tempêtes, Eva. C'est courageux de ta part de les affronter, même lorsque tout semble sombre."

Dans le silence pesant qui enveloppait leur échange, il espérait que ses mots puissent apporter ne serait-ce qu'un soupçon de réconfort à Eva. Il voulait qu'elle sache qu'elle n'était pas seule, qu'elle avait quelqu'un sur qui compter dans ce voyage difficile vers la guérison.

"Même si tu me trouves chiant et insistant, sache que tu n'es pas seule et que tu peux compter sur moi.” August retira sa main de son coude et s'installa au côté d'Eva, collant son épaule contre la sienne. Un geste simple mais chargé de réconfort et de soutien.

Je peux le sentir s'approcher. J'ai envie de gueuler, de lui dire de foutre le camp, une fois de plus. Mais je n'en ai pas la force. Quelque chose dans mon âme m'ordonne de ne pas le repousser, et même si je tente d'argumenter avec ma propre personne, même si je tente frénétiquement de faire remonter mes défenses, je n'arrive à rien. Je relève les cils quand il pose la main à mon coude, trop épuisée pour m'énerver. Il m'assure qu'il est désolé, que je ne devrais pas avoir honte de tout ça. Et pourtant.

Je viens essuyer quelques larmes à ma joue, tentant toujours de garder un semblant de contrôle sur la situation - même si c'est un échec fulgurant. August parle de tempêtes et d'audace, et l'esquisse d'un sourire triste se dessine à mes traits. Je tente si fort de le croire, je ne sais pas si j'y arrive vraiment. Je ne sais pas où se trouve mon courage, quand tout ce que j'ai envie de faire continuellement est de fuir.

« Toi? Chiant? Je ne vois pas ce qui pourrait te faire croire ça. » que je lâche en riant légèrement, avant de reprendre mon sérieux. Surtout quand il décide de se poser à côté de moi, son épaule contre la mienne. « T'es pas chiant. » Enfin. Pas en ce moment. Mais c'est quand il affirme que je peux compter sur lui que je tourne un peu la tête, cherchant son regard en me demandant sincèrement si je peux lui faire confiance. Oh, ce n'est pas que j'en ai pas envie. Mais la voix dans ma tête hurle toujours que je dois me méfier de tout. Et il ne fait pas exception à la règle. Sauf qu'il se montre particulièrement attentif, peut-être même trop pour que mon système d'alarme ne s'affole pas.

« Je me suis promis que plus personne n'aurait ce genre de contrôle sur moi, après lui. Mais il est toujours dans un coin de ma tête. » Je laisse mon crâne tomber sur son épaule, décidant enfin de cesser de lutter. Certes, l'alcool me fait prendre des décisions que je ne prendrais pas normalement, mais je ne m'attarde pas à ce détail pour l'instant. Je pousse même l'audace jusqu'à étendre le bras sur sa poitrine, me réfugiant contre lui - et abandonnant décidément ma fierté au bord de cette putain de route. Mais j'ai besoin de sa proximité, de sa chaleur, de cette douceur qu'il m'offre alors que je ne mérite rien de tout ça. Pas avec mon attitude à la con.

« La manipulation, les menaces à propos de Mya, j'ai voulu partir tellement de fois. » Je fronce un peu les sourcils, toujours contre August, perturbée. Je commence à tourner de l'oeil, lentement. Je me redresse pour me réveiller un peu - et je me déteste de regretter la chose. Je viens caresser Loki, qui veille toujours sur moi, de l'autre côté. J'ai l'impression de revenir à la réalité trop vite, et je panique un brin en me demandant si je viens vraiment de déballer mes histoires sans le moindre putain de regret. Je suis vraiment la pire tarée qui existe.  

« Je - je dois rentrer. »

August se tenait là, son regard fixé droit devant lui, patientant silencieusement pour voir si Eva allait prendre la parole. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait peut-être un peu trop insisté pour la faire parler, mais il ressentait étrangement le besoin de l'aider, comme s'il était inexplicablement connecté à elle. Leurs expériences passées étaient différentes, mais les cicatrices qu'ils partageaient étaient étrangement similaires. Alors qu'il tournait légèrement la tête pour la regarder, un sourire tendre se dessina sur ses lèvres quand elle lui avoua qu'il n'était pas ennuyeux.

Son regard se perdit un instant sur la flamme d'une torche au loin, mais il écoutait attentivement, une colère sourde montant en lui à chaque mot prononcé. Ses poings se serrèrent involontairement. Tout ce qu'il souhaitait à présent, c'était d'avoir cet homme en face de lui, pour lui donner une leçon qu'il n'oublierait pas de sitôt, mais malheureusement, cette possibilité était hors de portée. August se détendit légèrement lorsque la tête d'Eva trouva refuge sur son épaule. Il était sur le point de dire quelque chose quand il sentit son bras se poser contre son torse, le coupant dans son élan. Ce contact inattendu le prit au dépourvu, mais il finit par passer son bras autour d'elle, la rapprochant avec douceur et la maintenant fermement. "Le cerveau a cette fâcheuse tendance à jouer contre nous, préférant nous rappeler les pires moments plutôt que les meilleurs, nous ressassant sans cesse nos mauvais choix et nos cauchemars", murmura-t-il d'une voix empreinte de compassion.

"J'admire sincèrement ton courage", déclara August, ses yeux exprimant une profonde empathie. Il voulait qu'elle comprenne à quel point il respectait sa force intérieure, sa capacité à persévérer malgré les épreuves. "Et je comprends aussi ta méfiance", ajouta-t-il doucement, sachant que la confiance n'était pas facile à accorder après avoir été blessé. Il voulait qu'elle se sente entendue, que ses craintes et ses doutes ne soient pas balayés d'un revers de main. "Même si on ne devrait pas juger tout le monde de la même façon, je sais que ce n'est pas simple, surtout dans le monde actuel." Il cherchait à établir une connexion, à montrer qu'il comprenait les défis auxquels elle était confrontée, mais aussi à encourager une lueur d'espoir dans l'obscurité qui les entourait.

Alors qu'il exerçait une légère caresse de son pouce entre les omoplates d'Eva, August s'arrêta brusquement quand elle révéla que ce salaud utilisait sa sœur jumelle comme moyen de pression. Une vague de colère bouillonnait en lui, prête à exploser, mais il se retint, conscient qu'il devait rester maître de ses émotions. "Fils de..." Il s'interrompit, refusant de laisser éclater toute la vulgaire réalité qui le tiraillait, bien que cette personne méritait amplement ce qualificatif. Lorsque Eva lui annonça qu'elle devait rentrer, August relâcha doucement sa prise sur elle pour lui permettre de s'écarter. "D'accord, je te raccompagne", déclara-t-il en se relevant, époussetant l'arrière de son pantalon d'un geste distrait. Puis, tendant une main ferme, il offrit à Eva son aide pour se relever.

Je ne résiste pas à son bras, qui me rapproche encore plus de lui. Je crois que j'en tire tellement de réconfort que j'ai l'impression d'être plus forte, l'impression de pouvoir un tenir encore un peu plus longtemps. C'est mon cerveau embrouillé qui parle, sûrement. Il ne sait plus comment se comporter, de toute évidence. August parle justement de cervelle, lui aussi. Cet enculé d'organe qui s'entête à nous faire revivre la pire merde, et à oublier nos bons coups. Je souffle du nez, partageant totalement son opinion, jusqu'à ce qu'il parle encore de courage. « C'est de la frime, mon courage. Une belle illusion pour éloigner tout le monde autour. » Je peux bien parler, oui, mais ses paroles me font le plus grand bien. Même si je refuse de me l'avouer.

Le brun affirme ensuite comprendre ma méfiance, surtout quand il question de survivre dans un monde comme le nôtre, après la pluie. « Tu devrais surtout te méfier du type de fille qui abandonne les gens en forêt. » Je ne peux pas m'empêcher de rire - parce que je suis hilarante, bien sûr. C'est une autre diversion, surtout. Je n'arrive pas à garder mon sérieux à cause de mes trop nombreuses consommations, certes, mais aussi parce que le sujet est délicat. Je suis consciente de mon caractère... particulier. Je ne sais pas comment dire les choses non plus, la plupart du temps. Pour ne pas dire toujours. Je devrais peut-être faire plus d'efforts.

« Si tu savais toutes les excuses que j'ai pu sortir à Mya, pour - pour justifier mes blessures. Tous les mensonges, toutes les soirées à dormir chez des copines. » Encore là, je n'arrête pas de rigoler. Mieux vaut ça que de pleurer à nouveau, non? Enfin, je crois. Je peux le sentir se crisper sous ma main, pourtant. Sa frustration est palpable, et j'ai un moment de doute, un instant. Cette colère qui l'habite; elle m'habite tous les jours. Je devrais peut-être la laisser aller, de temps en temps. Je ne sais plus. Je note surtout que le mouvement de son pouce s'arrête brusquement, dans mon dos. Je fronce les sourcils en me détachant de lui pour de bon, affirmant que je dois rentrer tandis qu'il se relève.

J'attrape sa main sans hésiter, cette fois. Il ne peut pas dire que je ne fais pas de progrès, quand même. « Je - » Je viens m'éclaircir la gorge, incertaine. « Merci. » De m'aider à me relever. Il n'y a absolument aucun second degré à mon commentaire, évidemment. Mon sourire semble vouloir prouver le contraire, n'empêche. Bref. Je lâche enfin ses billes, me concentrant plutôt sur la distance qu'il nous faut parcourir pour rentrer. Je suis brûlée, mais je n'ai pas le choix d'avancer. Je ne sais pas non plus comment me comporter, après de telles confessions. I guess I'll put my armor back on, now. J'ai juste envie de faire des conneries, comme une gosse. Et qu'est-ce qui m'en empêche, en vrai? On a qu'une seule vie à vivre.

« Le dernier qui rentre à la maison doit faire les corvées de l'autre pour une semaine. » Comment ça, je tiens à peine debout? Ce n'est pas mon problème. Je regarde August, puis Loki, avant de me mettre à courir comme une défoncée. Je me trouve drôle, le pire. Et quand j'arrive à ma chambre, je m'arrête devant la porte - sans toquer. « Mya! Je suis rentrée - » J'ouvre de façon particulièrement bruyante, et c'est à ce moment que je réalise que je vais tomber dans les pommes. Oh, bordel de merde. Ma vision devient sombre, mes jambes flanchent et je m'écroule sans un mot de plus.

August trouvait vraiment dommage qu'Eva ne compte pas sur le soutien de sa propre jumelle. Après tout, Eva donnait tout pour protéger Mya, mais ne la laissait pas être protégé par elle. Il était certain que Mya avait dû poser des questions sur les blessures de sa soeur, essayer de la faire parler. Mais connaissant le caractère bien trempé de la brune qui se tenait à ses côtés, il doutait que Mya ait eu le dernier mot dans leurs échanges. Il se demandait combien de fois Mya avait essayé de percer le mystère qui entourait Eva, et combien de fois elle avait été repoussée.

Le fermier se retrouva à peser le pour et le contre de parler à Mya de ce qu'Elle lui avait confié. Il se demandait si c'était son rôle d'intervenir dans les affaires familiales. Après tout, c'était l'alcool qui avait fait tomber les barrières de la réserve d'Eva. Il doutait qu'il aurait jamais entendu ce secret s'il n'avait pas été dans cet état. Il se sentait mal à l'aise à l'idée de divulguer quelque chose que quelqu'un avait partagé avec lui sous l'influence de l'alcool, mais en même temps, il ne pouvait pas ignorer la nécessité d'aider Eva à obtenir le soutien de sa famille. C'était un dilemme complexe, et il n'était pas sûr de la meilleure façon d'y faire face.

Relâchant doucement sa main une fois qu'elle était sur ses pieds, August esquissa un léger sourire en réponse. "Pas de problème", dit-il, offrant son soutien silencieux. Il attendait qu'elle prenne l'initiative de se diriger vers sa chambre. La jeune femme réagit alors de manière ludique, proposant un défi qui tira un rire amusé et un léger secouement de tête à August. Il savait qu'elle n'avait aucune chance de le battre, lui étant plus grand et surtout plus sobre. Cependant, il la suivit de près, prêt à intervenir au cas où elle trébucherait.

Loki gambadait joyeusement à leurs côtés, heureux de cette sortie. Cependant, l'euphorie fut de courte durée lorsque, tel un cow-boy entrant dans un saloon, Eva ouvrit sa chambre puis s'effondra soudainement après s’être annoncée à sa soeur. August se précipita pour la rattraper alors qu'elle perdait connaissance, probablement submergée par l'émotion et l'alcool. Il murmura un "Désolé" à Mya, consciente que cette situation avait pu la terrifier. Tenant Eva dans ses bras, il attendit que la jumelle retire la couverture pour la glisser délicatement dans son lit. August baissa ensuite les yeux pour observer un instant Eva, puis se reconcentra sur Mya. "Pas de panique, elle a juste un peu forcé sur l'alcool, alors j’ai préféré la raccompagner."

Il était tard. Trop tard. Et Mya n’arrivait pas à trouver le sommeil en ne sachant pas où était Eva. Mya n’était pas celle qui allait imposer des règles, des limites. Elle ne dirait jamais à Eva qu’elle n’arrivait pas à trouver le sommeil – rongé par l’inquiétude – à chaque fois que cette dernière ne rentrait pas après une journée de travail. Elle n’aurait pas besoin de le dire, de toute façon, elle savait que sa jumelle était déjà au courant. Mais toujours est-il qu’elle avait peur. Et si elle était encore sortie du Refuge en cachette ? Après combien de temps devait-elle aller alerter Oliver, sachant que sa jumelle ne lui pardonnerait peut-être pas d’être une pipelette de la sorte, de la dénoncer sans ménagement. Mya soupire. Nul besoin de paniquer pour le moment, il ne s’agit que d’une histoire de quelques heures, une sortie tout ce qu’il y a de plus normal. Son esprit qui s’emballe ne devrait pas prendre le dessus de la sorte. Et pourtant... Elle ne peut s’empêcher d’avoir peur. Parce que c’est dans sa nature. Parce que le monde ne fait qu’accentuer cette caractéristique.

Mya avait placé une pile de couverture sous son violoncelle, tentant d’absorber une partie des vibrations de l’instrument pour pouvoir jouer en silence. Mais malheureusement, ce n’était pas suffisant, alors elle tentait de trouver une façon de se fabriquer une sourdine pour son archet. Jouer en silence. Ne pas endommager l’instrument, après tout, elle doutait fortement de pouvoir un jour en trouver un autre. Elle était perdue dans ses réflexions et ses calculs lorsqu’une voix la fit sursauter. Elle se retourne avec un large sourire, soulagée de voir que sa jumelle est enfin rentrée.

« Eva ! » murmure-t ’elle, la voix trahissant son soulagement et l’inquiétude des dernières heures. Elle ne s’était pas trop préoccupée du vacarme qu’avait fait la pilote en arrivant, trop soulagée de la voir rentrée. Mais lorsqu’elle s’effondra, le sourire de Mya s’envola pour laisser place à la peur. Et avant qu’elle n’eût le temps de réagir, August était dans la chambre, le corps d’Eva dans les bras. Sa présence n’empêcha pas Mya de se précipiter aux côtés de sa sœur. « Eva ? Eva ! » Bordel, réponds-moi.

August lui présente des excuses et Mya fronce les sourcils. Mais le calme de l’homme apaise un peu sa propre panique. S’il y avait lieu de s’inquiéter, il ne serait pas si calme, n’est-ce pas. « August ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Car si Mya avait présenté ses excuses à l’homme à la première occasion, elle doutait que son double ait fait de même. Et pourtant, il soulève le corps de la pilote. Et Mya comprend. Elle se déplace rapidement, pour aller tirer les couvertures. Alors qu’August lui explique la situation, Mya soupire de soulagement. Ce n’est rien de grave. Ou du moins, rien de physiquement grave.

« Je vois… » soupire-t’elle, tout en prenant place sur le bord du lit de sa sœur. « Merci beaucoup d’avoir prit soin d’elle. Je t’en dois une. » Mya se tourne alors vers sa sœur, replaçant une mèche de cheveux caramel qui traversait le visage de cette dernière. Si elle ne l’avait pas vu tomber, elle aurait pu croire que sa sœur était simplement endormie après une longue journée. « Ça ne lui ressemble pas… Enfin, Eva a toujours su s’amuser plus que moi. Donc c’est déjà arrivé qu’elle rentre difficilement, mais… » Mais depuis la pluie… Ça ne lui ressemblait pas. Mya avait peur. Peur qu’il y ait une raison derrière cette beuverie, une qu’elle ne connaissait pas. Elle sentait sa sœur s’éloigner, une fois de plus. Et ça la rongeait de l’intérieur. Depuis quand ne buvaient-elles pas toutes les deux, ensemble ? Le regard brillant de larmes qu’elle se refusait de laisser couler alors que son esprit vagabondait dans tous les sens, elle offrit un sourire sincère à August. « Merci beaucoup. Je vais prendre le relais maintenant . »