see you again (callisto)

Revenue il y a peu d’une exploration de plusieurs jours, Charlie n’en avait pas d’autre de prévue dans les jours à venir. Cela ne signifiait pas pour autant qu’elle prévoyait de rester à la Colline à se tourner les pouces. Elle l’avait bien assez fait après le tremblement de terre et l’attaque du camp, obligée à rester au repos par les blessures sérieuses qu’elle avait reçues. L’inaction ne lui réussissait jamais si bien qu’après sa journée de quarantaine, qui avait le mérite de lui garantir une bonne nuit de repos, elle prévoyait déjà de retourner sur les routes de Malden. Un convoi de vendeurs avait prévu de se rendre à la Tanière afin de faire du troc, et Charlie avait décidé de se joindre à eux. Ce n’était pas vraiment son rôle, mais il était toujours utile d’avoir des gens habitués à évoluer à l’extérieur du camp dans ce genre d’expédition… ce n’était toutefois pas par bonté d’âme qu’elle s’était portée volontaire. Si elle avait décidé de les suivre, c’est qu’elle y trouvait elle aussi son compte.

Cela faisait des mois qu’elle n’avait pas vu sa petite sœur. Oh bien sûr, elles avaient échangé des messages par le biais du relais. Il était hors de question que Charlotte reste autant de temps sans nouvelles de sa cadette. Elle avait été parmi les nombreux survivants à faire la queue au relais après qu’il ait été remis en fonctionnement suite au tremblement de terre, afin de donner des nouvelles à Calli, et de s’assurer qu’elle allait bien. Ce convoi tombait donc à point nommé. Evidemment, Charlie aurait pu faire route seule. Elle avait passé tellement de temps dehors avec la meute, à survivre sans camp fixe, elle connaissait la vie à l’extérieur. Elle avait les bons réflexes, savait se montrer prudente… mais face aux menaces constantes, elle savait aussi que l’union faisait la force.

Au petit matin, elle s’était donc équipée pour rejoindre la petite troupe de voyageurs près du checkpoint de sortie. De bonnes chaussures, un manteau pour se protéger de la fraîcheur automnale, ses armes, une trousse de premiers secours et une gourde bien remplie glissées dans son sac… Cette préparation était devenue seconde nature pour ceux qui avaient l’habitude de quitter la sécurité de la Colline, depuis le temps. La meute, puis son rôle d’exploratrice, Charlie était une habituée.

Attentive à son environnement, Charlie n’avait pas été très causante durant leur petit périple, se contentant de répondre quand on lui parlait sans chercher vraiment à aller engager la conversation. Elle préférait rester sur ses gardes, sa fidèle halligan à la main, prête à frapper au besoin. Son cœur s’était serré lorsqu’ils étaient passés non loin de l’aquarium, mais elle n’avait pas laissé son trouble la perturber. Les choses auraient peut-être été différentes si elle avait été avec les quelques amis qu’elle s’était fait à la Colline, mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. Elle refusait de toute façon de se laisser aller au chagrin aujourd’hui. Pas alors qu’elle allait enfin revoir Calli. Avec un peu de chance, peut-être croiserait-elle aussi Jordan, qui sait ?

Après quelques heures de marche, l’aéroport s’était finalement profilé à l’horizon. Par chance, ils n’avaient rencontré que peu de problèmes en chemin. Le paysage portrait encore les traces du raz-de-marée qui avait ravagé la zone, et Charlie remercia silencieusement la bonne étoile qui avait brillé au-dessus de la tête de sa sœur ce jour-là. Machinalement, ils avaient accéléré le pas en voyant qu’ils arrivaient à destination. Après s’être pliée aux contrôles de rigueur à l’entrée de la zone de troc, Charlie avait fini par réussir à trouver quelqu’un qui connaissait Callisto afin de lui faire savoir qu’elle avait de la visite. Partie un peu sur un coup de tête, Charlie ignorait si sa sœur avait reçu le message qu’elle lui avait envoyé le matin-même depuis le relai pour l’informer de sa venue mais elle avait quelques heures devant elle avant de devoir repartir, et c’est donc au bar qu’elle choisit d’aller l’attendre, devant un simple verre de jus de fruits.

Charlie avait trouvé une table libre au bar de la zone du marché, et s’y était installée. En tête-à-tête avec son jus de fruit, elle observait silencieusement les allées et venues des badauds. Les marchés étaient les rares endroits où les membres de chacun des camps de Malden étaient libres de se mélanger sans trop de restrictions. Évidemment, une équipe assurait la sécurité des lieux. Les visiteurs n’étaient clairement pas chez eux, et c’était évident dès la fouille à leur arrivée. Mais une fois que l’entrée vous avait été autorisée, vous étiez libre d’aller et venir, de troquer et d’échanger avec des gens que vous ne connaissiez pas mais aussi, comme Charlie aujourd’hui, de retrouver vos proches sans avoir à passer par une quarantaine bien plus contraignante.

Cela faisait bien longtemps que Charlie n’était pas venue à la Tanière. Son dernier passage par ici remontait au blizzard, durant lequel Charlie avait secouru une jeune femme qui s’avérait être la fille de l’un des chefs des lieux. Elle-même n’était rattachée à aucun camp à cet époque, et ils lui avaient permis à elle et son compagnon de voyage de s’abriter en attendant que le gros de la tempête ne passe. Il s’était passé tellement de choses depuis que Charlie avait l’impression que cela remontait à des années. Une chose était certaine : l’apocalypse n’épargnait personne.

Perdue dans ses pensées, Charlie ne prêta pas attention à la jeune femme qui s’approchait d’elle et sursauta lorsque celle-ci l’enlaça par derrière mais fut bien vite rassurée en entendant la voix de sa soeur résonner à son oreille. Un sourire vint étirer ses lèvres et Charlie ferma les yeux en instant, appuyant doucement sa tête contre celle de sa sœur, posée sur son épaule. Bon sang, qu’est-ce qu’elle lui avait manqué ! Charlie s’était tellement refermée sur elle-même ces derniers mois, ce n’était que maintenant qu’elle réalisait à quel point. Depuis la mort de Link, elle avait compartimentalisé toutes ses émotions, les avait soigneusement rangées dans un coin de son esprit... Elle ne pouvait pas choisir les sentiments qu’elle préférait, et mettre de côté les autres. C’était tout ou rien. C’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour essayer de remonter la pente.

Si son sourire s’était fait plus rare que d’ordinaire depuis les tragédie qui les avaient touchés elle et ses compagnons de voyage, celui qu’elle adressa à Calli lorsqu’elle prit place près d’elle était sincère - bien loin du sourire de façade qu’elle affichait souvent afin d’éloigner toute question. « J’avais juste… envie de te voir. Tu me manquais trop, » avoua-t-elle avec un haussement d’épaules, serrant doucement la main de sa sœur dans la sienne. « J’ai vu un groupe de vendeurs se préparer pour se rendre ici et j’ai décidé de les suivre. » Une décision tout à fait impulsive. Elle aurait pu rester à se reposer avant sa prochaine expédition mais sa décision avait été prise dès qu’elle avait posé le regard sur le convoi prêt à partir. Un détour par le relais et elle était prête à repartir. « T’as l’air en forme. Tu vas bien ? » demanda-t-elle, observant Calli avec attention, la grande sœur en elle ne pouvait s’empêcher de s’en faire pour sa cadette. C’était ancré en elle, comme un instinct fraternel qui avait pris vie à la naissance de Calli et avait été renforcé  dès le moment où elles avaient appris la mort de leur père.