Whole New World

 

Whole New World ☽ Hear my voice call
No fears or sorrows underneath these bones
Just blood, sweat and tears
Is all I know @Heather Ackerman  

Assis sur une petite caisse en bois, craquelant à chaque mouvement, ne demandant qu’à se rompre, Daniel était à l’écoute. Il n’était pas trop loin des chambres, placé dans proche de l’entrée, il n’avait pas vraiment de tâche en cours, il revenait déjà d’une chasse plutôt courte, l’idée était d’aller placer des collets, des petits pièges rapides. La grosse chasse allait être pour dans quelques jours. Il venait aussi de passer par ses baraquements, faire un petit inventaire ne faisait jamais de mal, surtout dans ce genre de période, pour se prémunir de tout vol, mais aussi pour garder en tête de ce qui est faisable ou non. Comme sa découverte de son stock de flèche pour son arc courbé. Il n’en avait plus assez pour sa prochaine sortie, il devait donc en refaire quelques-unes. Petite pile juste à ses côtés, il avait un couteau plutôt bien affuté et venait frotter les points, faisant bien attention de fabriquer quelques petites entailles pour l’empêcher de ressortir facilement. Ce genre de flèches pouvaient tuer un infecté, mais dans une bête, elle était là surtout pour entraver, pour créer un premier point d'hémorragie.

Daniel passait une partie de son temps à les fabriquer, à y ajouter aussi quelques plumes dessus, pour améliorer sa trajectoire, rendant cette dernière plus stable, le tir serait plus prévisible. Il ne voulait rien laisser au hasard, jamais. Dehors, le hasard n’était pas la raison pour laquelle il rentrait tout le temps. C’était bien par son expertise, sa rigueur et son professionnalisme. Il n’y avait que de cette manière que la survie était possible. Du moins, c’était ainsi que l’homme voyait les choses. Il ne connaissait pas tout le monde, mais certains, il avait bien un nom sur le visage. Comme cette femme qui passait pas trop loin, Heather, il lui semblait. Il avait entendu qu’elle voulait sortir, peut-être qu’avec le téléphone arabe, les propos avaient été déformés, mais ce dernier, d’habitude solitaire, se risquait quand elle passait. D’une voix qui se voulait être la sienne, caverneuse, très grave, il lui disait ces premiers mots. “Ackermann, c’est ça ?” Avant de mettre un ou deux coups de couteau sur le bâton qu’il avait en main. “Des envies de sortir d’ici et d’aller faire des tours dehors? ” commençait-il, avant de pousser du pied une seconde caisse, qui pouvait l’inviter à s’asseoir si elle était intéressée, ou l’envoyer paître s’il s’était trompé de personne...

 

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No fears or sorrows underneath these bones
Just blood, sweat and tears
Is all I know  @Daniel Green  

Une véritable prison à ciel ouvert.

Maussade, j’observe le ciel, revivant cette fameuse pluie qui a tout chamboulé, dans l’existence de la population mondiale. Cela fait si longtemps, une véritable éternité… Ou peut-être quelques jours? Je n’arrive pas à le savoir, la colère et l’exaspération embrouillent mon esprit, me poussent à marcher, marcher, marcher, sans savoir où aller. La Tanière, je commence à bien la connaître, à force de l’arpenter en long, en large et en travers. Telle une lionne en cage, je ne supporte plus d’être cantonnée au rôle de la petite serveuse à la Taverne, qui danse dès qu’elle le peut mais qui, au fond, n’apporte aucune valeur ajoutée à l’environnement qui l’entoure. Je crève d’envie de sortir mais… pour faire quoi, au juste, hein? Semer la discorde, risquer ma vie alors que je ne suis pas préparée à une quelconque expédition? Tant de questions qui chahutent mon esprit et m’excluent du monde, me rendant presque hermétique à une voix sourde que j’entends, me stoppant à l’instant même où je réalise qu’on vient de prononcer mon nom de famille.
Qu’est ce que c’est que ce délire…?
Loin de me démonter, je plisse des yeux, fronce des sourcils et je demande, d’un ton plus qu’agressif:

Euh, ouais… C’est ça, et vous, vous êtes qui?

Méfiante au possible, je fais tout de même quelques pas en direction d’un barbu plutôt serein, en plein travail manuel et pose une nouvelle question, décontenancée qu’il en sache autant à mon sujet alors que je ne le connais ni d’Ève ni d’Adam:

Comment vous savez ça, hein?

Du coin de l'œil, j’étudie cette caisse, poussée du pied par l’homme qui continue son ouvrage, taillant des flèches. Oui, un chasseur, cela ne fait aucun doute.
Ça devient intéressant, alors.
Faisant enfin un choix, je m’écroule sur ce siège de fortune et ajoute, le menton baissé vers le sol, telle une petite fille épuisée par ce tourbillon d’émotions qu’elle ne contrôle pas:

Mais ouais, je crève d’envie de sortir. J’étouffe, ici.

Derniers mots prononcés et accompagnés d’une certaine honte, je détourne le regard, là, vers la forêt.
Qui ne cesse de m’appeler…

 

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Is all I know @Heather Ackerman  

Il venait de lancer la discussion, ou du moins, d’arponner la femme qui passait juste devant lui. Il se souvient déjà avoir entendu son nom, de savoir aussi, par des bruits de couloirs qu’elle voulait sortir. Il avait les oreilles bien placées, il savait beaucoup de choses Daniel, bien qu’il n’en disait que très peu, du genre à être discret, comme une tombe. Mais d’avoir un vrai sanctuaire d’information dans la tête. Il venait donc d’abord annoncer son nom à voix haute, pour l’interpeller, avant de pousser cette petite cagette, comme une invitation à s’asseoir, ignorant son ton d’abord agressif. Il ne venait même pas y répondre, même pas retirer son regard de la flèche qu’il était en train de tailler, il laissait le bruit de pas en sa direction lui donner si elle était plutôt enclin à l’écouter ou non. Il ne lâchait plus de mot depuis ses deux prises de paroles, laissant ensuite son visage lâcher la munition, pour regarder la phrase quand elle lui demandait comment il en savait autant. Nouveau silence, avant de voir la femme finalement se poser…

Il analysait, il la regardait quelques secondes alors que de sa main droite, il tenait la flèche fraîchement aiguisée. Pas mal de choses se passait dans sa tête, surtout à la révélation, ce qu’il savait déjà, à cette confidence qu’elle lui faisait. Il attendait une ou deux secondes, et venait lui répondre, lorsqu’elle regardait la forêt, précisément lorsqu’elle regardait la forêt. “Elle est aussi meurtrière qu’intrigante” avant de reprendre rapidement. Il n’allait pas lui demander si elle était prête ou non, elle voulait sortir, elle était grande. Il n’allait pas faire de la garderie, bien que déjà, il se surprenait à faire la conversation, à lui parler avec une potentielle optique où elle le rejoindrait. “Qu’est-ce qui t’attire dehors ?” Il cherchait dans ses yeux, essayant de sonder ce qu’elle voulait vraiment. “Pourquoi tu cherches tant à sortir ?” Il venait ensuite l’écouter, voir ce qu’elle avait à lui dire. Il était hors de question qu’il franchisse les grillages avec quelqu’un qui n’était pas un minimum stable, et qui se mentait à elle-même. Il se devait de savoir tout ça, de connaître ce à quoi il se lançait. S’il se lançait vraiment. C’était le risque d’une vie. Lui seul, c’était une toute autre histoire. Mais avoir quelqu’un à ses côtés, c’était le risque de voir les choses s’envenimer, d’avoir une vigilance accrue, d’être sur le qui-vive pour deux… C’était tout, en double. Il venait ensuite lui poser une question, qui était devenue plutôt courante dans ce nouveau monde. Qu’avait-il à y gagner d'exaucer son vœu ? Qu’avait Green à y gagner dans cet échange ? “ Pourquoi je te laisserais m’accompagner, lors de ma prochaine sortie ?” Finissait-il, lui laissant l’opportunité de défendre sa cause, de lui offrir quelque chose, ou de passer un deal avec lui.

 

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Is all I know  @Daniel Green  

Ça m’agace. Tout m’agace, à vrai dire.

Exacerbée de cette vie, du monde qui m’entoure, dans lequel j’étouffe alors que nous vivons au grand air. Le paradoxe de cette nouvelle existence devient insupportable et les risques omniprésents que j’ai choisi de superbement ignorer m'appellent, tel le chant des sirènes. Tandis que j’écoute le tailleur de bois d’une oreille distraite, mon regard est attiré par la forêt environnante, que je dévore des yeux, que je considère comme la terrible amante que j’aimerais explorer, par n’importe quel moyen. Mais je suis rapidement ramené sur terre par une voix caverneuse, presque condescendante. Dans un soupire, mes prunelles se teintent de noir tandis que l’attraction me pousse à retrouver ce visage fermé et à rétorquer, telle une adolescente en pleine crise existentielle:

Ouais, je me doute bien, je ne suis pas stupide.

Agacée, oui, agacée, agacée, agacée! Cet adjectif tourne et vire dans ma tête jusqu’à m’en donner le tournis. Tenant mon front entre mes mains, le regard rivé sur le sol, j’ai la sensation d’être une gamine en proie à un caprice qui ne peut être comblé. Et puis, une question posée, à laquelle je ne peux pas répondre, en tout cas, pas immédiatement. J’ai besoin de réfléchir car les mots ne me viennent pas si naturellement que cela. Et voilà qu’il a réussi à me faire fermer mon clapet? Jamais de la vie! Je refuse de rester sur cet échec, d’accepter une pareille défaite. Relevant enfin la tête, jouant avec mes cheveux, les plaçant d'un côté et puis d'un autre, j’affirme donc, d’une voix flirtant avec la défiance:

Je cherche à sortir parce que je n’ai pas ma place, ici. Ni ailleurs, sans doute, mais j’ai envie de tenter ma chance.

Et encore une question de sa part, à laquelle je choisis de répondre par une autre, sentant que cette partie de ping pong verbal risque de devenir rapidement aussi insupportable que curieusement intéressante:

J’sais pas, pour l’amour du risque…?

Et puis, quelque part, l’idée que cette envie se concrétise germe dans mon esprit. Par je ne sais quel miracle, mais au fond, qu’est ce que j’en ai à faire, hein? Cette lueur d’espoir, cette flamme qui s’allume, qui me pousse à rapprocher mon siège de fortune du sien, laissant mes pieds traîner dans le sol asséché et questionner, encore et encore, changeant pourtant mon fusil d’épaule:

Non, sérieusement, ce serait possible? Je crois que t’es chasseur, non? Enfin, à en juger par tes flèches, tu t’amuses pas à courser les chieurs qui viennent m’emmerder à la Taverne, qui deviennent relous quand ils ont trop bu.

Mon langage quelque peu familier, me confier sur mon triste quotidien au sein de la Tanière. Je ne contrôle rien et pourtant, le flot de paroles s’échappe et la curiosité atteint un point presque indiscret tandis que j’ajoute, enlevant ma veste, ayant soudainement un coup de chaud:

Je ne t’ai jamais croisé là bas. T’es du genre solitaire?

Et voilà que je me mets à faire causette. À questionner, à chercher à en savoir plus, à obtenir des informations, à tisser un lien.
Une grande première, tiens…