Familiarity

TW: Langage a caractère sexuel

Son regard détaillait l’étiquette vieillit par le temps ou autre chose, une partie était en russe, mais à force de la fixer, elle était capable de reproduire chaque lettre même en cyrillique. Un soupir s’échappa et elle attrapa la bouteille avant de sortir. Tromper l’ennui ou tromper la solitude, difficile à dire. En tout cas, ses pas la menaient dans une direction sans le besoin d’y réfléchir. S’arrêtant devant l’entrée, Kay, perplexe, fronça les sourcils : des bruits se faisaient entendre. Une minute dû s’écouler pour qu’elle saisisse enfin de quoi il s’agissait. Pourquoi elle s’était posée la question ? Ce n’est pas comme si Ayden faisait de la couture ou des séances de torture dans sa chambre. Sans attendre plus longtemps, elle entra et fit face à un Ayden en train de s’amuser joyeusement avec une femme. Tous se détaillèrent et fidèle à son stoïcisme coutumier, la brune montra la bouteille et dit :

Viens.

Puis elle ressortit aussitôt pour s’engager vers le lieu le plus accueillant à proximité. Bien sûr, quelques insultes et autres grondements colériques retentirent. Comme si c’était son problème ? Elle connaissait assez bien Ayden pour savoir que s’il voulait finir sa petite affaire rapidement, il en était capable. En outre, elle se foutait bien de savoir si boire un coup avec elle était plus intéressant que prendre son pied avec la blonde. Ça ne lui avait même pas effleuré l’esprit. Son besoin de casser cette humeur indéterminée était plus impérieux que la volonté des autres. Certes, si elle avait été quelqu’un de sociable, la brune aurait peut-être été se mêler avec des personnes de la tanière… Mais non. Ayden représentait une facilité, une familiarité, quelque chose à quoi se raccrocher. Même si ses sentiments envers lui étaient absents, il était indéniable qu’il lui octroyait quelque chose de… familier. Avec le départ de Rafaella, il était la seule personne qui la connaissait a minima. Kay alla s’installer sur une des banquettes de voiture rassemblée avec d’autres meubles. L’endroit devait faire office de lieu de réunion à proximité des logements. Heureusement, personne ne se trouvait dans les environs. Sa bouteille était bien trop précieuse pour qu’elle la partage avec n’importe qui. Patientant sagement, elle en profita pour examiner les alentours et se demanda si elle allait rester longtemps ici. Depuis le début de la pluie, sa sédentarité avait été presque inexistante. Loin de s’en plaindre, elle avait trouvé ça plutôt distrayant. Le pas d’Ayden qui lui était bien connu retentit enfin – ses bougonnements aussi. Faisant fi des paroles sans intérêt de son ancien compagnon de voyage, elle lui demanda sans préambule :

Comment tu trouves la tanière ?

Après tout, depuis leur arrivée, ils n’avaient pas vraiment eu le temps de se poser pour discuter. Ok, ce n’était pas vraiment le genre d’activités que Kay pratiquait. Il fallait tout de même avouer qu’ils avaient été plutôt occupés avec l’acclimatation et les explorations, notamment la jeune femme avec sa demi-sœur retrouvée.

J’espère que t’as fini parce que franchement, compte pas sur moi pour supporter tes érections dans mon champ de vision.

Dit-elle alors que son attention se porta sur l’entrejambe de Ayden avec une mine de dépit. Au moins, il était resté fidèle à lui-même. Cela dit, elle n’avait jamais réussi à déterminer si c’était bien ou mal. Se laissant aller contre le dossier de sa banquette, elle débouchonna enfin la bouteille. Cette fameuse bouteille qui lui faisait de l’œil depuis trop longtemps.

Ni ailleurs. Si tu te poses la question.

Ca aurait pu être une façon de tromper l’ennui, mais aucun besoin ne se faisait ressentir de son côté. Elle l’avait utilisé, lui aussi sûrement, cependant ce soir ce n’était pas de ça qu’il s’agissait. Peut-être s’agissait-il d’une nouvelle pulsion : le besoin de compagnie. Kay secoua légèrement la tête à sa propre attention et but une bonne gorgée de vodka comme pour avaler ces pensées déconnantes.

Se barrer ? Peut-être. Jusqu’à maintenant, elle avait fait peu de choix, se contentant de suivre le mouvement. Ca n’avait jamais joué en sa défaveur. Elle était toujours en vie, non ? Comme elle l’avait dit à sa demi-sœur, ce n’était pas pire qu’ailleurs. Et quand Ayden parlait de trou à rats, elle ne pouvait s’empêcher de se demander ce que lui considérait comme pas un trou à rats. La Tanière offrait la sécurité et les vivres, c’était plus que ce qu’ils avaient pu espérer en voyageant jusqu’ici. S’ils avaient espéré quelque chose. En guise de réponse, Kay se contenta de hausser les épaules. Elle voulait son avis, pas partir dans une introspection. Pour ça, elle serait restée avec sa bouteille, seule, à lui demander des réponses. L’homme s’écrasa à côté d’elle avec toute la délicatesse dont il était capable.

J’avais oublié à quel point il t’en fallait peu pour te déconcentrer.

Ah les hommes et le multitâche ! Incapable de faire deux choses à la fois. Face à son accusation, elle le fixa et eut un léger sourire.

Si tu veux mais n’oublies pas que je garde toujours mon Glock à proximité et mes réflexes sont plutôt bons...

Une vieille habitude de la SMP qui lui était restée et elle ne comptait pas la changer. Les images d’Ayden déboulant dans sa chambre alors qu’elle était affairée à autre chose et se prenant une balle dans le genou, juste par réflexe ne pouvait que l’amuser. Kay ne prenait jamais plaisir à faire du mal, mais l’idée de tirer sur l’homme avait quelque chose de satisfaisant. Sûrement parce qu’il pouvait être agaçant parfois et que ça lui ferait fermer son clapet. Ou brailler comme un enfant. Elle arqua un sourcil en regardant son voisin, laissant cette interrogation pour elle-même. De toute façon, sa réflexion ne put aller plus loin. La remarque la traversa alors qu’elle mit quelques secondes à comprendre où il voulait en venir avec l’âge de la bouteille. Secondes qu’il mit à profit pour lui subtiliser l’alcool. Une fois que les deux neurones liés aux interactions humaines se connectèrent, un soupir amusé s’échappa de sa bouche.

Peut-être que comme beaucoup de choses trop vieilles pour toi, tu ne devrais pas y toucher.

Dit-elle en récupérant la bouteille d’un geste. Son regard parcourut à nouveau l’objet, doutant sérieusement d’un âge aussi avancé. Conserver la vodka aussi longtemps n’avait pas grand intérêt, elle devait avoir vu plusieurs propriétaires peu soigneux avant d’arriver entre ses mains. D’un geste sec, elle débouchonna la bouteille, entendant le claquement significatif d’une première ouverture. Au moins, personne n’avait pu la couper avec de l’eau. Une idée terrifiante de ce que certains pourraient faire lui traversa l’esprit et elle préféra la faire passer avec une gorgée d’alcool. Une légère grimace s’afficha sur son visage quand elle sentit que le degré d’alcool ne devait pas être celui standard à la vodka.

Je me demandais juste comment tu trouvais la Tanière. Je constate que t’as réussi ton introduction dans la population locale, mais…

Si elle avait commencé sur le ton de l’humour, sa voix s’orienta vers quelque chose de plus sérieux. Son doigt gratta l’étiquette de la vodka alors qu’elle cherchait ses mots.

Est-ce que c’est mieux qu’avant ?

La question était vague. Cela dit ça lui donnerait une indication sur ce qu’elle cherchait à savoir. Raf’ n’étant plus dans le coin pour lui indiquer ce qui était bien ou pas, c’était difficile de le comprendre. En outre, Malden était seulement un objectif à atteindre qui n’était pas le leur et voilà qu’ils se retrouvaient comme habitants à plein temps. La Tanière bénéficiait de pas mal de monde pour la faire tourner et d’une structure, c’était un avantage pour beaucoup. Pour Kay, c’était un peu déconcertant. Ça faisait trop longtemps qu’elle n’avait pas évolué dans un semblant de société, ça remontait à bien avant la pluie. Elle se rendit compte qu’elle était vraiment intéressée par la perspective d’Ayden sur leur condition actuelle. Une main se tendit vers son interlocuteur et avant qu’il ne puisse se méprendre sur ce geste, elle lui fit un signe de tête vers sa cigarette.

Dit l’homme étant arrivé ici complètement frustré et bougonnant contre son interruption d’activité. En le fixant d’un air dubitatif, toute la fumée de sa cigarette lui vint dans la figure, mais elle ne bougea pas d’un poil. L’hésitation entre lui balancer les faits, lui faire ravaler sa fumée et laisser passer ce comportement typique d’Ayden ne dura pas longtemps. Heureusement que l’image de lui tirer dessus était là pour la réconforter.

Si j’en avais eu envie je l’aurais fait.

Elle haussa les épaules face à cette évidence. Aucune raison ne l’aurait empêché de le faire si ça avait été une tentation assez forte pour qu’elle en rêve. De l’autre côté, aucune raison ne lui avait été donnée pour le faire. Ayden avait beau être un gamin agaçant qui méritait plus d’une fois une paire de claques, ça n’en justifiait pas de le transformer en gruyère animal.

En fait, c’est l’inverse. J’ai plus souvent envie de te boucher un trou. Celui qui te sert de bouche.

Et la preuve en était avec son discours sur les soupes et autres vieilles casseroles. Kay fronça légèrement les sourcils devant cette tirade peu convaincante. Qu’est-ce qu’il racontait encore ? Son clin d’œil ne fit que la faire soupirer. Bien sûr qu’il y avait encore une allusion derrière. D’un geste de la main elle signifia à quel point sa remarque précédente s’avérait pertinente à cet instant.

Tu es un petit con, Ayden. Faudrait que tu l’acceptes.

Plutôt que de parler au conditionnel. La brune l’avait compris rapidement, son groupe à l’époque l’avait compris rapidement et sûrement que toute la Tanière le savait déjà alors que ça faisait peu de temps qu’ils étaient ici. Elle avait dit ça avec un sourire, mais sans méchanceté, laissant transparaitre tout de même une certaine fatalité. Seul l’homme semblait être dans un déni total de son attitude. Kay fixa la cigarette qu’elle avait monopolisée pendant que son voisin lui offrait enfin une réponse. Écoutant attentivement sa réponse, elle ne put s’empêcher d’ajouter :

Ah parce qu’il y en a plusieurs comme toi.

Genre un seul Atkinson ne pouvait pas suffire au monde, il avait fallu que papa et maman Atkison copulent comme des lapins pour créer toute une fratrie. En réalité, cette information, elle l’avait déjà. A l’époque, Kay avait entendu une conversation à la Nouvelle-Orléans concernant ces fameux frangins. Néanmoins, elle ne s’y était pas intéressée. Non seulement parce qu’elle n’était pas impliquée dans la conversation, mais aussi parce qu’elle s’en foutait comme de sa première paire de chaussettes. Pour revenir au sujet, elle entendait ses arguments. C’est sûr qu’après avoir traversé plusieurs états, elle aussi avait été contente de pouvoir se poser quelque temps afin de récupérer, de pouvoir dormir en paix et de ne pas se poser trop de questions sur leur survie. L’évocation de la durée dans le temps improbable la fit tiquer et elle le fixa, interrogative avant qu’il ne lui renvoie la balle. Elle prit le temps de tirer sur la cigarette, réfléchissant à une réponse.

Stable.

C’était tout ce qui lui venait en tête : la stabilité. La Tanière offrait un point d’ancrage qui, selon elle, pourrait tenir dans le temps. Effectivement, elle avait entendu parler d’autres groupes qui vivaient à proximité et cela pourrait causer des problèmes lorsque les ressources se raréfieront encore plus. C’était même certain, mais ils n’en étaient pas encore là.

Qu’est-ce qui ne durera pas dans le temps, toi ou la Tanière ?

Elle se passa de faire une allusion aux performances sexuelles du jeune homme. Si même pour elle, ce commentaire avait été évident, c’est que c’était vraiment trop facile comme blague. Probablement au même niveau qu’Ayden et autant ne pas lui donner cette satisfaction. Par ailleurs, il avait enfin réussi à se concentrer quelques secondes, autant ne pas le perdre en déplaçant son cerveau vers son entrejambe.

C’est pour ça que t’es partie à la Nouvelle-Orléans ? Pour retrouver tes frères, je veux dire. Tu penses qu’ils sont où ?

Au final, elle en savait très peu sur son voisin et il ne lui avait jamais donné l’envie de remédier à cet état. Tout comme elle ne s’était jamais interrogée sur son départ. Kay tira sur la cigarette et s’installer en tailleur sur la banquette, se mettant face à son interlocuteur. Pour ce soir, au moins, il aurait un peu de son attention.