Quand je me remémore c'est pour guérir.
Je l’écoutais avec beaucoup d’attention. L’entendre raconter son histoire me raccrochait, l’espace d’une conversation, à cette vie désormais derrière nous. Un sourire bien plus franc étirait mes lèvres lorsqu’elle évoquait son parcours. L’armée, rien que ça. À cet instant, j’avais une pensée nostalgique pour notre famille d'accueil commune dont le patriarche n’avait toujours juré que par l’éducation militaire. Ce souvenir m’arrachait un sourire, même si je n’étais pas en accord avec cette vision de l’éducation stricte, ces gens avaient été une bonne famille d’accueil. La seule qui ait vraiment pu s’apparenter à une famille pour moi. Mes pensées divaguaient un instant, mais je reprenais rapidement le fil de l’histoire d’Hanaë. “Ils auraient été très fiers de toi.”, affirmais-je avec un léger pincement au cœur que je camoufflais derrière un sourire rempli de bienveillance. Finalement, peut-être que ces gens avaient marqué ma vie bien plus que je ne l’imaginais. “En-tout-cas, moi, je le suis.”, ajoutais-je naturellement, comme si ça pouvait avoir son importance. Hanaë et moi n’avions pas le même parcours de vie, mais nous avions eu ce petit bout de chemin en commun qui m’avait suffi à la voir comme un membre de ma famille choisie. Alors, pour moi, ça semblait important de le souligner. “Je suis vraiment contente que tu aies pu trouver ta voie.”, poursuivais-je avec un large sourire. La voir ici, c’était comme voir les premiers rayons du soleil balayer les ténèbres de la nuit. Une véritable bouffée d’oxygène que je ne cachais pas. “Comme je te l’ai dit, j’ai vagabondé de service en services, te faire la liste complète serait ennuyeux à souhait. Mais le dernier service que j’ai fréquenté est celui d'infectiologie.”, avouais-je avec une pointe de nostalgie dans la voix. Des souvenirs qui me nouaient la gorge, alors je préférais revenir à son parcours. La discussion me semblait bien moins pesante dans ce sens. Un nouveau sourire venait illuminer mon visage en sentant la détermination de ses propos. “Et bien, on n'a jamais trop de sang neuf et encore moins quand il a l’air aussi déterminé. Je vais te faire le tour du propriétaire, on n'a pas grand-chose, mais on se débrouille.[/color]”, rétorquais-je en venant décoller mon dos du mur en béton froid pour m’y mettre. Alors que j’avançais vers l’une des armoires de fortune, sa question me stoppait. Je haussais les épaules, un peu honteuse d’admettre que j’avais arrêté de compter les jours depuis bien longtemps. “Ça doit faire un mois et demi à peu près.”, répondais-je malgré tout avec approximation. “Tu verras, les gens ici sont vraiment supers.”, assurais-je avec bienveillance avant d’ouvrir l'armoire qui contenait le nécessaire pour assurer les soins courants. “Ici, on a l’essentiel pour les soins disons les plus basiques : pansements, attelles, désinfection, …”, commençais-je en lui montrant les morceaux de tissus qui avait été préalablement nettoyés et désinfectés pour nous permettre de les utiliser. “J’allais justement en faire l’inventaire.”, affirmais-je en lui adressant un sourire affectueux. “La seconde armoire contient des draps et quelques maigres ressources pour garantir un lieu aussi stérile que possible, mais on en manque cruellement.”, ajoutais-je en désignant l’armoire d’à côté. “Enfin, tu as celle avec le cadenas qui contient les médicaments, seringues, perfusions, en sommes tout ce qui est plus sensible, on n'est jamais à l’abri d’un pillage ou d’un vol, les addictions n’ont malheureusement pas disparu avec la pluie.”, avouais-je presque déçue de devoir en arriver là surtout dans ces conditions. “Et dans le petit meuble à côté du lit, tu as à ta disposition le peu de matériel médical qu’on a pu se procurer, le tensiomètre manuel est fatigué, mais on essaie de le maintenir en état en attendant de trouver mieux, on a pas assez de ressources pour utiliser le plus moderne.”, concluais-je. La pièce était petite et nous n’avions pas beaucoup d'éléments, mais on essayait de s’en sortir comme on pouvait. M’avançant vers le bureau, je saisissais deux feuilles avant de venir plonger ma main dans la poche de ma blouse. “Tiens, tu n’as qu’à faire l’inventaire des médicaments, je vais faire celui-là.”, proposais-je en lui tendant la clé qui, logiquement devait toujours être sur nous, ainsi que la liste de ce qui devrait y avoir dans la pharmacie.