Tell me if it's the end feat Sasha & Soren

Un mois et demi. Un mois et demi si long depuis cette nuit qui avait commencé de manière si extraordinaire. Il l'avait retrouvé lui et ils s'étaient enlacés, embrassés même. Aaron était persuadé à ce moment là que tout allait se passer pour le mieux. Ils se connaissaient à force, ils savaient mutuellement ce que l'autre désirait, pensait même parfois. Mais le jeune brun n'avait rien vu venir cette fois... Peut être même que tout avait été de sa faute. Il s'était avancé bien trop vite sans doute. Et son amant, et bien il ne partageait pas son avis. En somme, Aaron s'était fait rejeter. Mais d'une manière étrange. Les paroles de Soren, il ne parvenait pas à les oublier : « Tu n’as pas idée à quel point tu comptes pour moi… mais.. Je ne peux pas… je ne veux pas être celui qui te détruira toi aussi.. » Si la deuxième partie était celle qu'il détestait le plus, il avait tenté pendant un moment de s'accrocher à la première. Il comptait pour lui. Ce n'était pas n'importe quelle information ça. Pourtant, il était parti. Il avait quitté la pièce en lui adressant un dernier regard et Aaron s'était retrouvé seul dans sa chambre, le cœur serré.

Sur le coup, le brun était resté figé, sans savoir quoi dire ou quoi faire pour le retenir. Et au final il préféra ne pas le faire malgré son désir de le retrouver pour le confronter et lui demander des explications. Non il l'avait laissé partir et avait fixé la porte de longues minutes laissant ses larmes couler sur ses joues en silence. Il avait voulu être trop gourmand, trop rapide. C'était sa faute. Quand il se leva enfin, ce fut machinalement. Comme un automate. Il avait griffonné sur un morceau de papier un "Viens me retrouver si tu veux que l'on parle. Toi aussi tu comptes pour moi." puis avait ramassé ses affaires et était parti à son tour. La fête ? Non très peu pour lui. A peine dehors il avait remis son casque et avait grimpé les étages pour aller s'installer dans la chambre de Noah. Et comme prévu il était resté quelques jours, moins que prévu. Il avait passé du temps avec son meilleur ami et sa sœur, puis avait aidé à l'infirmerie avant de reprendre la route pour chez lui. Il n'avait pas pu le voir. Mais il était impossible que tout ça soit réel n'est ce pas ? Pas après cette nuit et les nombreuses autres... C'était impossible.

Puis un jour puis deux semaines passèrent. Et le déni fit place à la colère. Aaron en voulait à Soren, il lui en voulait de ne pas comprendre ce qu'il se passait, il s'en voulait à lui même de ne pas l'avoir retenu... Bien malgré lui, il s'isola encore plus, essayant de ne pas faire subir sa mauvaise humeur aux gens qui n'avaient rien demandé. Il continua a travailler, mais expliqua bien vite à Hanaë qu'il n'était en état de pas grand chose en ce moment. Dès qu'il le pouvait, il allait se dépenser physiquement, frappant dans un punching-ball dès que possible. Quand il était dans son lit, il ne faisait que ressasser et pleurer. Il en avait tellement assez. Il ne mangeait plus vraiment non plus. Un vrai chagrin d'amour. C'était ridicule. Allait-il se laisser mourir pour un homme qui ne voulait pas de lui ? C'était stupide. Mais plus il tentait de se forcer à manger et plus il avait l'estomac noué.

Un mois et demi, 6 semaines entières étaient passées maintenant. Et sans doute qu'il avait commencé à faire son deuil. Il était moins en colère déjà, mais bien plus triste et fatigué. Aaron n'arrivait pas a savoir ce qui était le mieux... Au moins sa colère lui avait donné l'impression de se relever et de ne pas se morfondre. Là... Il pleurait toujours. En tout cas il était devenu plus agréable. Il était 14h passé. Aaron avait bossé toute la matinée dans l'infirmerie mais la cheffe ayant sans doute pitié l'avait laissé partir. Alors il était allé s'isoler dans son coin ou il aimait peindre. Et c'était ce qu'il avait prévu de faire. Face a lui, un chevalet, une toile. Dans sa main un plateau et des couleurs, dans l'autre un pinceau. Sur la toile... Et bien sur la toile un visage. Celui de l'homme qu'il ne parvenait pas à oublier. Un mois et demi c'était court quand même. Court et long. Soren lui manquait tellement. Il ne comptait plus les nuits ou il avait cauchemardé de ce moment, et les insomnies qui en découlaient souvent. Mais les sentiments qu'il avait pour lui était toujours là... Ce tableau il l'avait démarré dès son arrivée au Refuge, il ne voulait pas l'oublier. Maintenant, il se questionnait... Aaron était mitigé entre l'envie de faire tout disparaitre et celle de conserver comme tel ce tableau.

- Qu'est ce que je vais faire de toi...?

Sa voix tremblait légèrement, il avait encore une fois envie de pleurer. Tout cela le fatiguait tellement. Il se fatiguait lui même d'ailleurs. Si faible et inutile. Peut être que si il avait été capable de le rassurer, ils n'en seraient pas là. Aaron était persuadé d'avoir sa part de responsabilité là dedans. Si seulement il avait su quoi faire ou quoi dire pour que tout continue normalement... Quelques larmes roulèrent sur ses joues et Aaron renversa sa tête en arrière.

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Un mois et demi que mon vieux bougon de père faisait une tête de six pieds de long. Pas qu’il soit un modèle de joie et d’enthousiasme le reste du temps, n’allez pas vous méprendre, mais disons que le vieil ours était un peu plus mal léché que d’habitude… Derrière mes airs de blonde écervelée qui ne prêtait pas vraiment attention à grand chose, j’étais plus observatrice que j’en avais l’air et surtout, je connaissais mon père par cœur. Peut-être parce qu’il n’avait jamais pris l’habitude de me cacher quoi que ce soit, le bon comme le mauvais ? Ou peut-être parce que j’avais passé tant de temps à l’observer pendant mes visites en prison pour m’assurer qu’il allait bien et n’essayait pas juste de me rassurer, que j’avais appris à voir au-delà du masque qu’il présentait aux autres ? Allez savoir. Tout ce que je savais, c’est que quelque chose le tracassait. Souvent, c’était de ma faute, volontairement ou pas, mais je ne lui avais pas donné de raison de s’inquiéter pour moi dernièrement, alors la raison était forcément ailleurs.

Évidemment, j’avais dû lui tirer les vers du nez. Ce n’est pas parce qu’il n’avait jamais eu pour habitude de me cacher les parts les plus sombres de sa vie qu’il était un livre ouvert sur tous les sujets. Il m’avait malgré tout confié il y a quelque temps qu’il avait commencé à fréquenter quelqu’un, et à force d’insister, j’avais réussi à lui faire avouer que ce fameux quelqu’un était la raison de son récent mal-être. Aussi fouine que je puisse être, je n’avais pas pour habitude de me mêler de la vie sentimentale de mon père - et encore moins de sa vie sexuelle, hell no - d’autant que nous avions été séparés si longtemps que l’idée de devoir le partager avec qui que ce soit avait un peu de mal à passer dans ma petite tête. Daddy issues, bonjour.

Tout ce que je savais, c’est que ce quelqu’un était un homme, qu’il était un médecin répondant au nom d’Aaron, et que mon père avait joué les idiots. Si ça avait été l’inverse, vous pensez bien que jamais je n’aurais bataillé pour convaincre mon père de traîner ses guêtres jusqu’au Refuge. J’y serais allée moi-même, et celui qui avait osé briser le cœur de mon père aurait entendu parler du pays. Je lui avais laissé le choix : soit il venait avec moi, soit j’y allais seule. Un choix qui n’en était pas vraiment un car je savais bien qu’avec tous les dangers qui traînaient dehors, il ne me laisserait pas partir seule. Malheureusement, nous n’étions arrivés que depuis quelques minutes qu’il s’était déjà dégonflé, et m’avait faussé compagnie pour aller se planquer je ne sais trop où. Tant pis. Je n’avais pas fait tout ce chemin pour repartir avec un père aussi bougon qu’à l’aller. Si j’avais du mal à le partager avec qui que ce soit, j’avais encore plus de mal à le savoir malheureux. Une douzaine d’années de prison, il avait assez morflé, non ?

J’avais donc enfilé mon costume de détective et commencé ma petite enquête. Le premier arrêt logique était l’infirmerie, mais ses collègues m’avaient informée qu’il n’était pas là, et qu’ils ignoraient où le trouver. Seconde étape : la taverne locale, où j’avais rencontré une jeune rouquine qui avait su se rendre utile en m’indiquant l’endroit où le fameux Aaron se rendait quand il n’avait pas envie de voir qui que ce soit. Selon ses indications, je devais quitter l’enceinte du stade, et je devrais le trouver quelque part derrière la bibliothèque et le bar. Sans même y faire attention, je m’étais mise à fredonner doucement alors que je contournais le Stade d’un pas tranquille, longeant la ferme où les animaux paissaient tranquillement. Arrivant à l’angle du stade, je remarquais alors un espace où la nature avait clairement repris ses droits et qui semblait correspondre à la description de la rouquine. Encore quelques mètres, et je décelais la silhouette d’un homme assis face à un chevalet. A mesure que je m’approchais, il ne fit aucun doute que le sujet de œuvre n’était autre que mon père. Au moins, j’étais à peu près certaine de ne pas aborder la mauvaise personne…

« Si c’est pour publier un avis de recherche, tu peux t’arrêter là. Je l’ai déjà trouvé, » lançai-je quand je me trouvais assez près pour me faire entendre sans avoir à crier. « Pour la récompense, j’accepte la nourriture sous toutes ses formes.. » La nourriture, la clé de mon cœur. Encore que dans son cas, il faudrait sûrement un peu plus que ça. « Sasha, » me présentai-je finalement, parce que mon père m’avait quand même bien élevée et que je venais à peu près en paix. « Fais gaffe, parce que si tu me dis que tu n’as jamais entendu parler de moi, je risque de le prendre très mal. » Égocentrique ? Certains diraient que oui, mais s’il était aussi important pour mon père que je le suspectais, j’espérais bien avoir fait une apparition dans une conversation ou deux, au moins.

Un mois et demi. Quand il était rentré il avait voulu déchirer cette toile mais ne l'avait pas fait. Au moins une fois par semaine il était venu regarder cette toile et ce visage. Il l'avait insulté à plusieurs reprises, lui avait dit bien des choses aussi. C'était facile de parler à la toile, au moins lui ne pouvait pas fuir lui. Cette pensée était tellement ridicule. Mine de rien ça lui avait fait du bien, et sans doute même que cela lui avait permis d'aller mieux un peu plus vite. Mais voilà, le temps était passé. Un mois et demi s'étaient écoulés. Aaron en avait assez de rester bloquer sur le passé. C'était fait. Il lui manquait tellement. Mais il aurait aussi pu le rejoindre de lui même. Sans doute que la fierté l'avait empêché de bouger du Refuge. Et il ne voulait pas lui apparaitre dans cet état. Il avait maigri, son visage était marqué par la fatigue, ses émotions jouaient au yoyo avec fougue... Si il devait revoir Soren, ça ne serait pas dans cet état. Il estimait donc avoir besoin d'encore un peu de temps.

Il en était là de ses réflexions alors qu'il était à nouveau face à ce visage merveilleux. Ce visage qu'il avait aussi envie de détruire immédiatement. Mais pas question d'abimer la toile, elle pouvait servir à nouveau. Il comptait donc pouvoir peindre à nouveau dessus, effacer l'un des seul souvenir qu'il avait de son bel amant. Sans doute que c'était tout ça qui avait fait qu'Aaron n'avait pas entendu la blondinette approcher. Il eut un violent sursaut quand il entendit la voix et se tourna d'un bond pour la regarder.

- Quoi ?

Il mit du temps avant de comprendre ce qu'elle venait de faire, laissant les mots passer encore et encore dans son esprit. Elle connaissait Soren ? Pourquoi maintenant...? Etait-ce une sorte de blague ? L'homme fronça légèrement les sourcils et déposa sa palette et ses pinceaux au sol, se remettant ensuite debout. Qui était-elle ? Visiblement elle connaissait très bien Soren. Puis la réponse se fit d'elle même. Sasha. Sa fille. Que diable faisait-elle ici ? Et... Elle savait qui il était sinon elle ne serait pas venu jusqu'ici.

- Je sais qui tu es oui. Tu es la fille de Soren. Il... Il va bien ? Pourquoi es-tu ici ?

L'inquiétude. Elle s'était déplacée jusqu'ici, c'était forcément pour une raison. Etait-il en danger ou en difficulté ? Son esprit assez terre à terre l'obligeait à croire que si elle se permettait de plaisanter, c'était que Soren n'était certainement pas mort. Il l'espérait en tout cas. En tout cas il l'espérait, l'homme se raccrochait à cet espoir. Et en même temps qu'allait-il faire de cette information ? Son rythme cardiaque s'était accéléré a la simple idée de ne plus le revoir. Il avait beau lui en vouloir, pas un jour ne passait sans qu'il pense à lui. Aaron observa autour d'eux, et surtout derrière la jeune femme. Ils étaient seuls. Comme si Soren était lui aussi venu. Immédiatement, il ressentit un pincement au cœur et serra les lèvres.

- Rassures toi, on est plus ensemble enfin il n'y a plus rien entre nous. Il a été très clair avec moi...

Son ton s'était fait légèrement plus amer, sa voix s'était presque brisée sur la fin. Sa gorge s'était aussi nouée. C'était dur pour lui de prononcer de tels mots. Parce qu'il se refusait toujours à y croire. Il espérait toujours avoir une autre chance avec l'homme qui hantait chacune de ses pensées...

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Si on m’avait dit qu’un jour je traverserais la ville pour essayer de rabibocher mon père et son mec… Pas que me mêler de la vie sentimentale des autres soit une hérésie pour moi. Vraiment, ça m’arrivait même plutôt souvent. Éternelle romantique, j’aimais l’amour et ce même s’il avait la fâcheuse tendance à m'échapper. J’aimais le vivre, l’écrire, le lire, le chanter, le provoquer… Je m’y étais brûlé les ailes une paire de fois, d’ailleurs, et toujours avec le même crétin. Comme l’avait sagement dit Einstein, “La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent”. Il se foutrait bien de ma poire, celui là. Mais ma propre vie sentimentale n’était pas à l’ordre du jour. Revenons-en à nos ours mal léchés.

Jouer les entremetteuses pour mon père ? Nah, clairement, ça ne figurait pas sur ma carte de bingo post-apocalyptique.

Et pourtant, voilà que je me retrouvais nez à nez avec l’amant - pardon, ex-amant - de mon père. pour venir jouer les médiatrices. Il avait de la chance que je l’aimais, ce vieux bougon… Et comme si la situation n’était pas déjà assez bizarre, un portrait de mon père se mêlait à la partie, me faisant me demander si un stalker bizarre ne se cachait pas derrière les traits du grand brun… J’imaginais déjà sa chambre, les murs recouverts de portraits, de photos, de dessins de mon père, un autel à sa gloire… Mon père avait-il réussi à se dégoter un serial-killer ? Qui sait. Avais-je trop d’imagination ? Ca, c’était une certitude.

Mon arrivée avait provoqué un violent sursaut chez le dénommé Aaron et la petite sadique en moi en ressenti une certaine satisfaction. Ce n’est pas parce que je venais en paix pour aujourd’hui que je comptais lui rendre la tâche facile. Silencieuse, je le laissais redescendre sur terre et lire entre les lignes des quelques conneries que je venais de débiter.

« Gagné, » approuvai-je lorsqu’il arriva finalement à la conclusion qui s’imposait. La fille de Soren, en chair et en os. « Pas de panique, il va bien sinon je ne serais pas là. » Sauf que… « Mais il ne va pas bien » repris-je, mettant l’accent sur le dernier mot, « et c’est pour ça que je suis là. » Ca n’avait aucun sens ? Mais si. Tout était dans la nuance. Il était vivant, en un seul morceau, en relativement bonne santé… Le corps allait bien. L’homme ? Un peu moins.

Balayant les environs du regard, j’allais m’installer sur le tronc d’un arbre qui était tombé non loin de là. Après notre périple à travers Malden, j’avais bien le droit de poser une fesse - voire les deux. De mon perchoir improvisé, j’avais une vue un peu moins directe sur le portrait de mon père, ce qui rendait cette situation un peu moins… bizarre. Juste un peu. « Ca me rassurerait surtout que tu me dises que t’en as pas dix comme ça cachés dans ta chambre. J’ai pas envie de retrouver mon père enfermé dans le sous-sol d’un psychopathe, » lançai-je, désignant la toile et le chevalet d’un signe de la tête. Mon père était capable de se défendre, mais quand même... Aller à l’essentiel et rester sérieuse cinq minutes, c’était trop me demander. Et puis, ça évacuait un peu la gêne de la situation, dont je me serais bien passée.

« Il t’a dit quoi exactement ? » demandai-je avec un soupir, levant un sourcil interrogateur. « J’ai essayé de lui tirer les vers du nez, mais il n’était pas très causant, j’ai dû jouer aux devinettes. Et puis je t’avoue que la vie sentimentale de mon père, c’est pas vraiment mon sujet favoris… mais aux grands maux les grands moyens, comme on dit. Et puis il s’avère que j’ai un Ph.D en Sorenologie » Qui de mieux, donc, pour traduire les âneries qu’avait pu sortir mon père en langage accessible au commun des mortels ?

Dire qu'il était venu jusqu'ici pour s'isoler et être un peu tranquille. C'était loupé. Seule Erin savait ou il pouvait être quand il n'était visible nulle part ailleurs. Et maintenant elles étaient deux. Même si il ne se serait jamais attendu à rencontrer ainsi la fille de Soren. Que diable faisait-elle ici ? Si loin de la Tanière ? Elle était venu le chercher lui, sinon elle ne se serait jamais trouvée ici dans ce coin paumé du Refuge. Alors forcément une vague d'inquiétude envahit l'homme. Qu'arrivait-il à Soren pour que sa fille vienne voir l'ancien amant de son père ? Aaron était épuisé et toute cette inquiétude supplémentaire n'était pas des plus agréables. Mais sans doute que ça serait suffisamment intense pour forcer le brun à bouger et a ne plus rester observateur de la situation.

Les paroles de Sasha résonnèrent en lui. Pas comme une douce clochette mais plutôt comme des coups de marteau. Il allait bien mais n'allait pas bien. Qu'est ce qu'il devait comprendre ? En même temps c'était plutôt clair, elle ne serait pas là si il vivait sa meilleure vie. Il n'allait pas bien. Tout comme lui. Le brun ressentit aussitôt plusieurs sentiments contradictoires : joie, peine, espoir, remords. Un mois et demi était passé mais Soren ne parvenait pas à l'oublier. L'espoir fut finalement ce qui fit battre son cœur bien plus vite. Malgré tout ce qu'il avait vécu en peu de temps, il ne souhaitait pas ne plus jamais le voir. Et en même temps, il n'était pas sûr de savoir comment il allait réagir face à lui. Les larmes ? Les cris ? Les embrassades ? La fuite ? Sans doute un mélange de tout ça. Il était bien trop à fleur de peau de toute façon pour avoir une réaction raisonnée et posée.

Aaron venait de confirmer à Sasha que tout était terminé, pour autant elle était toujours là. Pour quoi faire ? Il la suivit du regard, restant debout, la toile au sol. Il avait envie de craquer là tout de suite, l'émotion l'envahissait déjà comme une sorte de tsunami. Il ne souhaitait pas s'effondrer face à elle. Elle venait de s'asseoir et venait aussi de lui sortir des... Quelle blague. Aaron secoua la tête légèrement.

- Crois ce que tu veux, mais je n'ai que celui là...

D'un mouvement, Aaron ramassa la toile pour la mettre à l'envers au sol. Il ramassa ensuite son matériel et rangea tout dans une boite qu'il avait installé à côté. Accroupit au sol, il l'écouta sans la regarder. Est-ce que Soren l'avait envoyé à sa place...? Sans doute que non, ce n'était pas le genre de l'homme avec qui il avait tant partagé. Non tout ça était a l'initiative de Sasha. Soren avait de la chance d'être aimé ainsi par cette jeune femme qui avait bravé les dangers pour tenter de l'aider. Et même là, elle se mêlait de choses qui visiblement la mettait assez mal à l'aise, le tout pour aider son père. Si Aaron avait eu des enfants, il aurait adoré avoir une fille comme elle. Courageuse, intrépide, capable de beaucoup de choses pour le bien de sa famille. Soren était tellement aimé. Si seulement il laissait à tout le monde la possibilité de l'approcher.

- A quoi ça servirait que je te parle de ce qu'il m'a dit ? Il ne reviendra pas sur sa décision, ton père est têtu. Tu es bien placée pour le savoir...

Aaron était encore amer, il sentait bien qu'il était au bord des larmes et que bientôt cela ne tarderait pas à sortir. Et cette situation l'agaçait. Sasha par sa simple présence lui donnait trop d'espoir alors qu'il ne pouvait pas être certain de quoi que ce soit. Soren avait été tellement imprévisible ce soir là, il pouvait encore l'être. Et a dire vrai il l'était. Il y a encore quelques temps ça lui plaisait. Maintenant c'était une autre histoire. Il ramassa ses affaires, la boite et la toile et s'éloigna pour tout ranger à sa place. Marcher lui permettait de faire un peu le point. Pouvait-il seulement croire à une fin heureuse ? Il n'avait aucune certitude. Mais la vie était pleines d'incertitudes non ? Il posa le tableau avec les autres, observant le visage peint dessus un instant. Son cœur se serra quasi aussitôt. Il avait sa réponse. Il voulait revoir le vrai, alors autant obtenir un peu d'aide. Il mit en place la bâche pour protéger les toiles puis il retourna vers Sasha. Il se planta face à elle.

- Il m'a dit... Tu n’as pas idée à quel point tu comptes pour moi… mais.. Je ne peux pas… je ne veux pas être celui qui te détruira toi aussi.. Puis il est parti en me laissant dans sa chambre, seul. Qu'est ce que tu comprends toi ? Si ce n'est que c'est la fin de ce que l'on avait...? Et je t'en prie... Ne me fais pas espérer quelque chose qui ne se produira pas. J'ai... Je souffre assez de la situation.

Le désespoir perçait sans doute dans sa voix. Mais il en avait assez de se mettre des barrières sans arrêt. Au moins aujourd'hui marquerait un tournant. Soit la fin totale de son histoire, soit un potentiel renouveau plein d'espoir.

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Assise sur mon tronc d'arbre, j'observais Aaron avec attention. Possible que ça le mette mal à l'aise, mais si je devais faire l'effort de jouer les entremetteuses, alors je devais être certaine que ça en valait la peine. A quoi bon m'embêter à essayer de les rabibocher s'il était clair qu'il n'en avait que faire ? Si c'était ça, alors autant laisser mon père passer à autre chose, plutôt que de le laisser se lancer dans une relation vouée à l’échec ? Repousser le moment où il se ferait finalement briser le cœur ? Hors de question de prendre ce genre de risque, alors j'observais sans vergogne les émotions défiler sur son visage, entre deux allées et venues pour ranger son matériel de peinture. Une manière de cacher son trouble, peut-être, ou de remettre de l'ordre dans sa tête. Ma conclusion ? Soit il luttait avec lui-même pour garder le contrôle de ses émotions… soit il était bon comédien.

A l'en croire, ce qu'il n'était pas, c'était un psychopathe avec ses murs tapissés de portraits de mon père. C'était déjà un bon début. La violence ce n'était pas mon truc, et si j'étais plutôt maligne, je n'avais pas vraiment envie de commencer à planifier une mission de sauvetage. Flemme, j'avais d'autres choses à faire. Evidemment, si vraiment il était un psychopathe, il n'allait pas me le dire… mais pour le moment, je m'en tiendrais à sa parole.

L'amertume qu'il ressentait était évidente, tant dans ses paroles que dans l'expression de son visage. Oui, mon père était têtu. Oui, j'étais bien placée pour le savoir. Ça ne voulait toutefois pas dire que c'était peine perdue.

« Tu as raison, aucune chance qu'il change d'avis. Si tu abandonnes aussi facilement alors je ne vois pas ce que je fous ici. »

Était-il prêt à se battre un peu ? Parce que c'est ce qu'on est censé faire quand on aime quelqu'un, non ? Ne pas lâcher l'affaire, se battre jusqu'au bout. Parfois se battre pour deux, quand l'autre n'est pas en mesure de le faire. J'étais, de mon côté, coupable de m'être parfois trop battue pour quelqu'un qui, à l'époque, était trop occupé à s'auto-détruire pour en faire autant - pas que j'ai été irréprochable non plus. Pour autant, je n'avais aucun regret.

Il avait de la chance que j'aimais assez mon père pour faire preuve de patience, et lui laisser une chance de faire un peu de rangement dans sa tête en même temps qu'il rangeait son matériel avant de mettre les voiles. Tout le monde avait le droit à une seconde chance… Y compris l'amant de mon père. S'il voulait abandonner, ça m'allait aussi cela dit. Sa remise en ordre terminée - au sens propre, comme au figuré - Aaron était finalement revenu vers moi.

C'était bizarre, de l'entendre me rapporter les mots que mon père lui avait dit pendant un moment qui n'aurait dû appartenir qu'à eux, et je m'en serais bien passée… Mais le constipé des émotions qu'était mon père avait besoin d'un petit coup de pouce et je l'aimais trop pour le lui refuser, qu'il ne veuille ou non. Après l'avoir écouté, je considérais ses paroles un moment en silence et pour une fois, le petit rictus qui s'installa sur mes lèvres n'avait rien d'amusé.

« Je m'en doutais… » soupirai-je, levant légèrement les yeux au ciel. « Tu connais le passé de mon père, n'est-ce pas ? Ou je devrais dire, notre passé à tous les deux ? » Je n'en dis pas plus, préférant laisser planer le doute dans le cas où mon père n'aurait pas été un livre aussi ouvert avec Aaron qu'il avait tendance à l'être avec moi. « “Qui te détruira toi aussi”. D'après toi, qui il pense avoir détruit en premier ? »

Comme si la réponse n'était pas déjà une évidence, j'appuyais mon propos en pointant mes deux index vers mon propre visage. Je savais bien que mon père ne s'était jamais vraiment pardonné que ses actions m'aient causé tant de peines. Douze ans, c'était trop jeune pour avoir à affronter tout ça, et il serait mentir d'affirmer que tout cela n'avait pas laissé de traces mais compte tenu des circonstances, j'estimais ne pas m'en être trop mal sortie. Ses conneries m'avaient valu un abonnement longue durée chez le psy, un bon paquet de cauchemars, et des traumatismes encore bien ancrés… mais ça aurait pu être pire, et je le vivais clairement mieux que mon père.

« En ce qui me concerne, il n'a pas le choix, il est coincé. Toi… » Je haussais les épaules. « Il peut encore te sauver du méchant vilain Soren qui finira d'une manière ou d'une autre par te faire du mal. Et s'épargner lui aussi au passage, si jamais il venait par t'arriver quelque chose. » Au final, ils souffraient tous les deux, mais il devait se dire qu'il valait mieux que ça arrive maintenant, avant que les choses ne prennent une tournure plus sérieuse. Comme si les choses étaient aussi simples… « L'auto-sabotage selon Soren Lunde,  » conclu-je, pour ponctuer la fin de ce chapitre de Sorenologie. Et encore, je n'étais pas rentrée dans les détails. On aurait pu passer la journée à décortiquer ce qu'il se passait dans la tête de lard de mon père mais franchement, je n'avais pas envie de me mêler à ce point de sa vie sentimentale. S'il voulait approfondir, il devrait voir ça directement avec le principal intéressé. D'autant que je ne faisais la que des suppositions, finalement, basées sur le fait que je connaissais le personnage depuis 24 ans... Et que j'avais fréquenté quelqu'un qui partageait sa tendance au sabotage.

L'espoir, voilà ce qui venait de montrer le bout de son museau. Et il était même personnifié par la fille de l'homme pour qui il avait sans aucun doute déjà des sentiments. Vaste blague. L'espoir pouvait être à double tranchant. Et Aaron craignait de se casser les dents en essayant à nouveau d'y croire. Mais en même temps, c'était l'espoir qui lui permettait de rester debout. Pas que envers Soren, mais juste l'espoir d'un demain plus simple qu'hier. Sans espoir, dans le monde dans lequel ils se trouvaient maintenant, autant se plomber. Ca irait bien plus vite. Clairement ce n'était pas ce qu'il désirait. Il commençait tout juste à retrouver une certaine stabilité de vie. Aurora et Noah étaient là, il s'accrochait à eux. Rien que pour ça il ne pouvait pas se laisser aller. Et puis Soren... Soren. Malgré tout ce qu'il avait pu ruminer en l'espace de quelques jours, il ne voulait pas ne plus l'avoir dans sa vie. Sasha avait raison sur ce point. Il allait devoir se battre pour être certain de ne pas le laisser filer.

C'était toutefois dur de se décider dans ce genre de choix. Il ne voulait pas vraiment forcer les choses. Mais en même temps... Il le regretterait sans doute si il ne faisait rien. Sans doute que sans Sasha il aurait juste accepté les choses telles quelles étaient encore un temps. Il avait toujours en tête de déménager à la Tanière de toute façon. Alors Soren n'aurait pas eu trop le choix que de le voir assez régulièrement. Et lui de le voir. Peut être que ça aurait là encore forcé les choses ? Mais il n'était plus le temps de faire des plans sur la comète. La blondinette l'avait remotivé à tenter le tout pour le tout. Pour eux. Quitte à regretter, autant avoir tout tenté.

Et c'est avec cette idée en tête que Soren se redirigea jusqu'à la jeune femme. Il avait besoin de mieux comprendre certaines choses. Il avait besoin d'aide. C'était difficile de l'accepter et en même temps se morfondre ne changerait rien. Il fallait juste voir sa gueule actuellement pour comprendre que c'était ce qu'il avait fait depuis cette annonce. Ecoutant Sasha il hocha légèrement la tête a sa première question. Oui, il en savait les grandes lignes, sans doute pas tout les tenants et aboutissants mais sans doute suffisamment. Et même avec cette information, il n'avait pas compris. Quel abruti. Le brun alla poser une main sur ses lèvres avant de la retirer. Il s'était juste centré sur lui même en acceptant ce que lui avait annoncé Soren. Stupide qu'il avait été. Les pièces du puzzle commencèrent à s'assembler d'elles même. Sasha venait de lui donner plusieurs clés qui lui permettait de comprendre bien plus la situation. Aaron serra les dents, les poings, baissa même la tête et finit par s'asseoir au sol. Il était à nouveau énervé, mais pas contre Sasha, ni contre Soren. Contre lui même. Il aurait du le pourchasser ce jour là. Ou revenir bien plus vite à la Tanière.

Cette fois, assit au sol, il laissa quelques larmes couler sur ses joues, gardant le silence. Epuisé, amer. Est-ce qu'il pouvait encore espérer rattraper les choses ? Sasha avait commencé en disant qu'il n'allait pas bien. Est-ce qu'il pensait encore à eux. A nouveau des doutes, beaucoup trop. Et en même temps de l'espoir. Avachi au sol, l'homme effaça ses larmes, renifla un peu. Et enfin releva la tête pour regarder Sasha. Il prit le temps de se relever. Il avait toujours cet air épuisé sur le regard, ses traits amincis. Mais il semblait aussi bien plus sur de lui. Il comptait bien aller voir Soren et le confronter. Hors de question de le laisser décider seul de la fin ou du début de leur histoire.

- Je te remercie Sasha. Ou est-il actuellement ? Il est venu avec toi...?

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@Aaron Lane

@Soren Lunde

D’aussi loin que remontent mes souvenirs, jamais mon père n’avait ramené qui que ce soit à la maison. Evidemment, ça ne risquait pas d’arriver durant mon adolescence, mais étant gamine, ça avait toujours été juste lui et moi. Je ne doutais pas une seconde qu’il ait eu des aventures. Il n’avait pas juré abstinence dès le moment où il s’était retrouvé à devoir gérer un enfant. Ca m’allait très bien comme ça, et j’aurais franchement apprécié que ça reste ainsi. J’avais dû partager mon père avec une maîtresse très prenante pendant une décennie - la prison où il était incarcéré - et je n’avais pas vraiment envie de devoir le partager à nouveau… Je n’avais, cependant, pas non plus envie de le voir malheureux.

J’aurais sûrement pu faire une analyse de ce qui se passait dans la tête de mon père beaucoup plus poussée mais de une, ça n’était pas à moi de lui expliquer tout ce qui pouvait bien se passer là-dedans et de deux, c’est une conversation qu’ils devaient avoir ensemble. Et sans moi. Peur leur bien, comme pour le mien. Pour ça, toutefois, il fallait qu’Aaron prenne conscience du fait que ce qui bloquait mon père allait bien au-delà de leur couple et surtout, qu’il décide si oui ou non mon père valait la peine de se battre un peu. S’il était prêt ou pas à prendre le risque de se faire rejeter à nouveau si j’étais totalement à côté de la plaque - peu de chances. Tout ce que j’essayais de faire, c’était de mettre un peu de lumière sur tout cela, sans pour autant trop m’impliquer. A la place de mon père, je n’aurais pas voulu qu’on parle à ma place.

Mon petit speech terminé, je n’avais qu’à attendre que mes mots fassent leur chemin dans la tête d’Aaron, et qu’il prenne une décision. L’observant toujours sans la moindre gêne, je l’avais vu se décomposer lorsqu’il avait compris pourquoi mon père l’avait repoussé. J’avais vu la colère s’afficher sur ses traits tirés, ses poings se serrer. Puis l’émotion s’installer. De mon côté, je demeurais impassible car ce n’est pas parce que je venais aider mon père que j’acceptais que cette homme fasse partie de sa vie - et encore moins de la mienne -  du jour au lendemain. Je n’étais pas une fille facile. Ce n’est qu’une fois qu’il eut repris le contrôle de ses émotions, un air plus déterminé sur le visage, qu’il se leva et demanda où était mon père.

« Ne me remercie pas trop vite. Je suis venue parce que je n’aime pas voir mon père malheureux, il en a assez chié comme ça, mais c’est pas demain que je vais commencer à t’appeler beau-papa. Je suis toujours pas sûre à 100% que tu ne sois pas un psychopathe, » l’avertis-je, un air malicieux sur le visage, en référence à ma remarque concernant son tableau de mon père. « J’ai réussi à le convaincre de venir avec moi, mais il s’est dégonflé une fois arrivé. » Convaincre, ou forcé ? J’étais prête à faire la route entre la Tanière et le Refuge toute seule, et vu mes compétences en matière de combat sous toutes ses formes, il n’avait pas vraiment eu le choix. « Il doit être quelque part là-dedans. » J’accompagnais mes paroles d’un geste en direction du stade. Mon postérieur toujours fermement installé sur son tronc d’arbre, il était clair que je ne comptais pas lui tenir la main pour partir à la recherche de mon père. J’estimais avoir déjà fait plus que ma part, pour, le reste, ça ne dépendrait plus que d’eux.

-THE END-