Face to Face.

Cela fait maintenant quelques jours que Link est arrivé dans le Refuge. Bien qu’il ne se souvienne pas forcément dans les moindres détails tout ce qui s’est passé lors de son arrivée, il en connaît les raisons et les conséquences.

Minuit.
Alors que la plupart des gens normaux encore vivants dans ce camp sont en train de dormir, d’autres ne semblent pas trouver le sommeil. Parmi eux, Reinhardt se trouve dans sa chambre, tournant en rond, il se remémore encore les derniers souvenirs qu’il possède avant d’avoir atterrie au sein du Refuge. Face au miroir, torse nu, il regarde ses multiples blessures. Certaines sont superficielles, alors que d’autres sont un peu plus voyantes, plus profondes, et plus douloureuses. Croisant son propre regard dans le miroir, Lincoln soupire, puis lance un œil sur son tatouage de loup sur l’épaule gauche.

Une multitude de questions lui viennent en tête. Des questions sans réponse.
Pourquoi ? Pourquoi il se retrouve ici, sans aucun repère. Trahison. Abandon. Il revoit encore le regard de Bêta, son meilleur ami, avant que ce dernier ne l’abandonne dans ce bâtiment rempli de morts. Il revoit également son sourire qui lui fait comprendre qu’il a gagné. Comment a-t-il pu lui mettre un couteau dans le dos de cette façon-là ?

Link touche du bout de ses doigts les cicatrices de ses dernières blessures. Cette nuit-là, il aurait dû mourir. Il est conscient de ça, mais aussi reconnaissant d’être encore en vie grâce à Amelia ; Omega. Il ne sait pas pourquoi elle a pris autant de risque pour le sauver, ni même comment elle a fait pour s’immiscer jusqu’à lui.

Dans le passé, c’était grâce à Link qu’Amelia avait réussi à faire partie de la Wolfpack. Ce jour-là, s’il n’avait pas pris la décision de l’accepter dans son groupe, elle serait sûrement morte durant les jours d’après. Il l’a sauvé… comme elle l’a sauvé. Sans elle, il ne serait pas là… Il le sait et en prend conscience de façon plus significative.

Le Refuge est un endroit idéal. Un havre de paix où règne la bienveillance. Ce lieu est clairement meilleur que tous les camps extérieurs réalisés par la Wolfpack. Le Refuge est sécurisé. La population qui y vit semble plutôt honnête, altruiste et courageuse. Cependant, avec son passé, Link n’est pas du genre à faire confiance aux gens. Alors, il reste méfiant avec tout le monde, pour le moment.

Et forcément, en tant que leader d’une meute décimée, le blond repense aux membres de son groupe. Durant l’attaque dont ils ont été les victimes, Link revoit encore les corps sans vie de certains de ses loups. Encore sous le choc de cette attaque dévastatrice, il regrette de ne pas l’avoir vu venir. Il repense à son frère, et surtout, à Charlotte. Dans l’euphorie de l’offensive, il ne sait pas si elle a survécu à l’attaque. Il espère qu’elle est vivante. Dans tête, il se pose de nombreuses questions. Une certaine frustration s’installe en lui, et pour évacuer toute cette haine, cette colère, et sa situation, il décide de faire une séance de sport à base de pompe, d’abdos et de traction.

Durant sa séance, Link se remémore certains souvenirs et ne peut pas s’empêcher de se demander si, à l’époque, il a fait les bons choix pour son groupe. Tout d’abord, il se demande s’il aurait dû être le nouvel Alpha. Ensuite, il se pose la question de savoir s’il a fait de bons choix en tant que leader. Si, Bêta aurait été le chef, peut-être aurait-il pu éviter tous les problèmes, lui. Et peut-être que les évènements tragiques auraient pu être évités. Et si, il n’aurait pas recruté Amelia, elle ne lui aurait pas sauver la vie. D’ailleurs, il se demande encore pour quelle raison elle a pris autant de risque pour elle. Avec ses nombreuses blessures, Link ne se souvient pas forcément de tous les détails concernant ces moments. Si, aujourd’hui, il se trouve au Refuge, c’est parce que Amelia l’a choisi. A-t-elle fait le bon choix ? Sûrement. Mais ce n’était pas son choix personnel. Lincoln est au Refuge par défaut.

Alors, pour changer les choses, le blond commence à planifier déjà ses futurs projets. Une serviette autour du cou, il essuie les quelques perles de transpirations qui s’échappent de son front, puis se pose sur une chaise, stylo en main et feuille de papier sur la table. Il commence à noter sa liste d’objectifs, ses envies, ses projets, mais aussi ses peurs, et surtout, toutes ses interrogations.

Tout semble être clair dans sa tête, comme sur sa feuille. Mais un évènement va chambouler ses certitudes. On frappe alors à la porte. Immédiatement, Link reconnaît la voix d’Omega aka Amelia, sa sauveuse et dernière louve de sa tribu.

Elle longeait les murs. Signes de têtes discrets aux gens qu’elle croisait, mais très peu de discours. Elle sentait encore la méfiance des gens à leur égard. Méfiance qui coulait sur sa peau, elle ne les laissait pas percer son armure. Non, elle était plus forte que ça et bien qu’elle se doutait qu’elle devrait un jour justifier son choix, ce jour n’était pas encore arrivé. Mais elle comptait bien observer le plus possible, analyser les gens, leur attitude, leurs images. Toutes les informations étaient bonnes à prendre. Car Mellie savait avoir pris la bonne décision, mais elle devrait sans doute lui prouver. Comme elle avait toujours tout dû lui prouver depuis son entrée dans la meute. Ô elle ne lui en voulait pas pour ça, elle savait que c’était ainsi qu’on dirigeait, en questionnant, en s’assurant des décisions prises. Surtout quand il n’y avait pas eu consultation, elle se devait de n'avoir fait aucune erreur. Elle refusait de perdre sa confiance. Celle de l’Alpha.

Les souvenirs de ce moment restaient encore gravés dans son esprit. Celle de ce corps inerte sur le sol. Celle du sourire malicieux de l’homme qui allait quitter, victorieux d’un combat inachevé. La seule satisfaction qu’elle trouvait à cette situation, c’était de savoir qu’un jour, Bêta allait tomber de son nuage. Triste retour à la réalité. Et elle n’attendait que de voir cette chute, celle qui arrive toujours quand quelqu’un tente de s’approprier le pouvoir. Ça avait toujours été ainsi. Le monde était ainsi. La politique était ainsi. Elle en avait côtoyé, des Icares. Trop d’entre deux s’étaient brûlés les ailes. Et elle avait appris à choisir ses combats, à choisir ses alliés. Amelia n’était pas une dirigeante, elle n'était pas celle qui allait prendre les rênes, mais elle allait supporter son candidat. Elle connaissait les règles du jeu. Certes, elles pouvaient être contournées, manipulées pour en tirer un avantage, mais il ne fallait pas les briser. Briser les règles, c’était mettre un pied dans la tombe.

Mais les victimes d’une telle trahison pouvaient aussi sombrer. Avant que le karma ne rétablisse la situation. Et elle craignait pour son chef. Le seul en qui elle avait allégeance présentement. Car si elle appréciait l’hospitalité du Refuge, il était tout de même le seul qui comptait. Son Alpha. Son Candidat.

Minuit.

Incapable de trouver le sommeil, perdue dans ses pensées, elle se relève pour arpenter les couloirs du Refuge. Tout se bouscule dans sa tête alors qu'elle repense aux événements. Comme si tenter de survivre à l'apocalypse n'était pas déjà assez compliqué comme ça. Et voilà quelques jours qu'ils étaient au Refuge. Quelques jours pour se reposer, reprendre des forces. Maintenant, elle sait qu’elle a laissé passé assez de temps pour que le moment soit venu. Si elle attend plus, elle va perdre le contrôle de la situation. Et elle ne peut pas se le permettre. Et alors qu'elle se dit qu'elle lui en parlera demain, avant de réaliser que ses pas l'avaient menées jusqu'à cet endroit.

Un porte.
Une chambre.
La lumière visible à travers les espaces.
Elle toque.

« Lincoln ? Je peux te parler ? » Mais sans vraiment attendre la réponse, elle tourne la poignée. Elle attend toutefois, la porte entre ouverte, la confirmation de l’Alpha avant d’ouvrir complètement cette dernière et d’entrer. Elle ne s’attendait toutefois pas à trouver celui-ci torse nu, une serviette autour du coup. Son regard s’attarde un instant sur lui, mais elle détourne rapidement le regard. Elle ne peut pas aller là. « Comment vont tes blessures ? » demande t'elle comme à chaque fois qu'elle passe le voir. Elle prend des nouvelles, s'assure de son rétablissement. C'est tout ce qu'elle peut faire. Et à ses mots, Omega se dirige vers le lit pour s’y asseoir, seule autre siège disponible dans la pièce.

« Tu as pensé à la suite ? »

Question directe. Elle ne tourne pas autour du sujet. Elle se doute bien qu'il ne dort pas pour des raisons semblables aux siennes. Ils ont besoin d’un plan. Elle a besoin d’un plan…

Peu importe où ils étaient, Omega devait montrer à Alpha qu’elle méritait les choses, qu’elle avait fait le bon choix. En l’occurrence, celui d’être venu au Refuge, à défaut des autres groupes de la ville. Pas le même endroit, mais le même combat. Quand il lui avait sauver la vie psychologiquement, elle lui avait sauver la sienne physiquement. La seule différence est, qu’aujourd’hui, la meute n’existe plus, et qu’ils ne sont plus que deux, ici.

Méfiance.
Depuis le début, l’un comme l’autre, ils se méfiaient de tout, et de tout le monde. Le Monde de nos jours force à être comme ça. De plus, Amelia et Lincoln n’avaient pas l’habitude d’être entourer d’un nombre important de gens. Autrefois, dans la meute, ils n’avaient pas à se préoccuper du surnombre, car ils n’étaient pas nombreux. Cependant, la méfiance amène à l’analyse des lieux et des personnes. Observateur, l’un comme l’autre, ils avaient pu constatés que, pour le moment, le Refuge était un endroit plutôt sécurisant, et que, par conséquent, Mellie avait fait le bon choix en venant ici.

Confiance.
Pour être sûr d’une personne, il faut réussir à gagner sa confiance. Pour Link, ce mot est l’un des plus importants dans ce monde, car selon lui, pour avancer sereinement, il faut pouvoir compter sur son partenaire. Et pour le moment, bien qu’elle ne le sache pas, Mellie est la seule en qui Reinhardt a confiance. Il lui sera toujours redevable. Et elle a gagné sa confiance en illimitée.

Prouver.
Link n’a jamais eu beaucoup d’amis, car c’est un homme difficile à convaincre. Il ne suffit pas d’une soirée pour être important à ses yeux. Non, il faut lui prouver, lui montrer votre valeur pour qu’il en apprécie amplement. Les mots, c’est bien, mais les actions, c’est toujours mieux. L’essentiel est là. Déjà à l’époque, Amelia avait prouvé sa valeur durant cet interrogatoire… En y repensant, Link sourit, amusé, car la demoiselle l’avait surpris avec les réponses qu’elle avait donné. Très souvent, l’homme se montre devin, et sait déjà ce qui arrive à l’avance, mais pour le coup, Novak lui l’avait pris à contre-pied, non sans lui déplaire. Rien qu’en agissant ainsi, elle avait réussi le test.

Depuis le premier jour, la relation entre Lincoln et Amelia était assez… archaïque. En effet, comme à l’époque, la brune semblait portée allégeance à son roi. Pourtant, Reindhardt n’avait jamais apprécié avoir cette couronne au-dessus de sa tête. Pour lui, ce n’était qu’un titre visant au bon fonctionnement de la meute.

Mais aujourd’hui, l’Alpha n’existe plus.
Aujourd’hui, la Wolfpack n’existe plus.

Depuis cette trahison, le roi n’est plus là.
Seul, Lincoln est encore en vie, grâce à elle.

Elle, qui vient frapper à sa porte, par surprise, comme toujours.
Elle, qui semble si… particulière, si étonnante.

« Oui » répond-t-il, bien qu’il aperçoive déjà la porte qui s’ouvre.
Elle veut parler. Alors, évidemment, il sera là pour interagir avec elle. Toujours. Car l’homme aime être à l’écoute. Il aime échanger, car pour lui, partager ses points de vue est enrichissants. Une serviette autour du coup, il lance un regard vers son acolyte. Il hausse les épaules. « Il faudra du temps pour que ça cicatrice, mais je pense que c’est du passé. J’ai encore mal, mais je sers les dents. » dit-il, avant d’enfiler un t-shirt. Voilà qui est mieux. Ses cicatrices se situent dans le dos, sur le torse et sur le bras droit. Principalement des lacérations durant l’accident, mais aussi de son passé.

« Et toi ? Comment vas-tu ? » rétorque-t-il.
Car il sait. Les blessures ne se voient pas forcément. Parfois, souvent, tout le temps, les blessures les plus difficiles, celles qui font le plus de mal, ce sont celles de l’intérieur.

Elle s’installe sur le lit. Link se positionne face à elle, accoudé au mur. Il fixe la jeune femme. C’est étrange, cette scène, pour Reinhardt. Ils se trouvent, là, ici, dans une chambre, seuls, à deux, avec un passé commun et un futur à venir ensemble. La hiérarchie n’est plus. Pourtant, il ressent toujours cette dernière à chaque fois qu’il croise le regard de Novak. « La suite ? J’y ai forcément penser, oui. Maintenant que nous sommes ici, je pense qu’il faut y rester, au moins pour un temps. De toute façon, à deux, je ne pense pas qu’on puisse avoir un bel avenir dehors. »

Link hausse les épaules, puis croise les bras.
« Chaque chose en son temps. D’abord, nous devons récupérer mentalement et physiquement. On doit s’adapter au Refuge. Ensuite… J’aurais des choses à régler. » conclut-il, sur un ton plus féroce.

Bien évidemment, Mellie sait de quoi il parle. Mais pour le moment, l’homme ne dit rien de plus. Il s’étonne lui-même d’être si… sage, car dans son esprit, ça bouillonne. Si cela ne tenait qu’à lui, il irait chercher Bêta jusqu’aux portes de l’enfer. Mais. Il sait qu’une guerre ne se gagne pas sans stratégie derrière. Et puis, il y a Amelia dans l’histoire, et Link sait que chaque décision, à présent, devront être en collaboration avec elle. Les temps changent.

Il affiche un léger sourire. « Et toi, tu as un plan ? Des idées ? Des pensées ? Comment tu vois les choses de ton côté ? » demande-t-il, en changeant de place. Il se positionne aux côtés de la brunette. Si elle est venue jusqu’ici, en pleine nuit, ce n’est pas pour rien. Alors, il attend avec impatience de connaître l’état d’esprit de la belle Amelia, son Omega.