You don't have to be reckless (( Noah ))

La chambre déserte ne la surprend pas. Si elle avait eu un espace personnel à elle seule durant ses premiers mois à la Tanière, voilà maintenant quelque temps qu’elle partageait un nouvel espace de vie avec une autre membre du camp. Elle s’était rapidement habituée à cette présence, d’autant plus que Jordan et elle ne se croisaient pas - ou peu - dans cet espace restreint. Kate soupira, elle avait toujours été curieuse à propos de Jordan, comme si quelque chose chez cette jeune femme détonnait dans l’ambiance de la Tanière. Non pas en termes de compétence ou d’attitude, mais elle était un mystère aux yeux de Kate, une énigme qu’elle n’arrivait pas à déchiffrer. Elle n’avait non plus réussis à mettre des mots sur ce qu’elle pensait de cette jeune femme. Sa colocataire restait un mystère pour elle.

Seule dans sa chambre, Kate terminait de démêler ses cheveux avant de les rassembler en une haute queue-de-cheval, pour qu’ils ne la dérangent pas. Ses vêtements chauds et confortables déjà enfilés, elle attrapa le manteau de toile - léger - qu’elle avait réussi à récupérer au marché. Pas trop encombrant, pas trop chaud, mais il restait une bonne protection contre le froid et l’humidité. Elle attrapa son arc, qui était posé près de la porte - marque de confiance peut-être mal placée envers sa colocataire qui pourrait partir avec son arme de prédilection quand elle le voulait, laissant Kate dans l’état le plus vulnérable qu’elle aurait connu depuis le début de cette catastrophe - et passa l’arme par-dessus son épaule. Carquois et flèches également en main, elle sortit de la chambre. Il était encore tôt, le soleil était levé depuis peu, mais elle comptait bien profiter de la journée pour tenter d’avoir une bonne chasse. Enfilant ses gants, elle constata que l’usure de ceux-ci n’allait pas la garder longtemps à l’abri du froid. Avec un soupir, elle se dit qu’elle devrait aller en acheter une autre paire au marché si elle ne rentrait pas trop tard.

Kate connaissait déjà son itinéraire de la journée. Ou plutôt, l’absence de secteur de chasse. Il s’agissait, selon le responsable, de sa “journée de repos” mais elle ne voulait rien savoir. Entre la situation avec Jordan et le blizzard des derniers jours, elle ne pouvait se permettre un jour de repos, des familles comptaient sur elle pour avoir de quoi manger. Elle allait sortir, sachant quels secteurs de la ville elle pouvait utiliser comme territoire de chasse sans trop se faire prendre par l’équipe de la journée. Mais avant, elle devait s'assurer qu’il allait bien… Elle parcourut rapidement les couloirs de l’aéroport, jusqu’à la chambre qui était celle de l’homme. Elle frappa à la porte, mais ce fut la silhouette endormie d’une jeune fille qui lui ouvrit la porte.

« Willow ! Noah est là ?  » Kate sourit à la jeune fille, espérant que celle-ci puisse lui dire où se trouvait Noah. Mais Willow ne semblait pas savoir où était son père adoptif. Avec un sourire moqueur, Kate lui assura qu’il n'y avait pas de mal à cela et lui souhaita une bonne journée avant de s’éloigner, son sourire disparaissant alors qu’elle reprenait sa route. Kate savait que son frère ne tenait pas en place, mais il ne pouvait certainement pas être si insouciant, non ? Ne sachant pas où il était, Kate décida que Noah serait un problème pour quand elle reviendrait plus tard. Choisissant de prendre une route moins achalandée, elle se figea au son d’une hache se heurtant à un arbre. Intriguée par cette action peu habituelle si tôt le matin et surtout, peu de temps après un blizzard, elle avança à couvert des arbres. Un soupir. Bien entendu, elle aurait dû se douter en croissant Willow ce matin qu’il allait être ici. Ou du moins, en train de faire une bêtise. Elle leva les yeux au ciel et se redressa pour sortir du couvert des arbres. Il était impossible…

« Bien sûr, parce que rien ne crie 'guérison rapide' comme couper du bois avec une blessure. Tu devrais peut-être essayer la méditation en équilibre sur une jambe la prochaine fois. »

Elle savait que le blizzard avait été difficile sur son frère et Kate ne pouvait s’empêcher d’être rongée par l’inquiétude, surtout en voyant Noah dépenses son énergie seul, de manière aussi inconsidérée, dans les bois. Elle croisa les bras et haussa les sourcils, un air interrogateur sur le visage. Elle savait que Noah allait comprendre que son ton moqueur, que les reproches sarcastique et que son air hautain était sa façon à elle de lui dire qu’elle était morte d’inquiétude pour lui. Et il ne s’aidait pas du tout.

Un peu avant le blizzard, Willow a commencé à découcher pour être avec ses amies, et en soit, je ne peux pas lui en vouloir. Et au moins, elle est un peu moins asociale que moi, ce qui pourrait me rassurer un peu. Mais cela me fait bizarre parfois de ne pas la voir quand je rentre de mission. D’habitude, on avait notre rituel, mais depuis, c’est beaucoup moins souvent. Néanmoins elle sait venir me trouver à mon retour. Quand le blizzard a eu lieu, elle n’a pas dérogé à la règle, mais moi si. J’ai été inconscient.
Willow est venue dormir dans la chambre hier soir, après tout pour le moment le lit n’a pas été attribué de nouveau. Et ses affaires sont encore là pour la plupart, et pour le moment il vaut mieux pas mettre une nouvelle personne dans ma chambre pas tant que je n’irais pas mieux. Et je ne peux pas lui en vouloir d’avoir envie de me tenir à l’œil. Le fait de ne pas bouger m’empêche de dormir. J’ai beaucoup trop d’énergie et aussi beaucoup trop de cauchemars et de terreurs nocturnes. Alors je ne dors pas. Je m’occupe comme je peux. Mais le plus souvent, je regarde ma fille dormir, avec un sourire aux lèvres. La voir aussi paisible me rassure un peu. Je sais qu’au moins, sauf cauchemars, elle est en sécurité dans ses rêves.

Mais je n’arrive plus à tenir en place j’ai besoin de bouger. Je profite que Willow dorme encore pour m’habiller. J’enfile un jogging un peu épais, un sweat à capuche par dessus mon tee shirt et mon blouson. Je dépose mes lèvres sur le front de Willow puis je quitte la chambre silencieusement. J’enfile mes chaussures à l’extérieur et je m’en vais dehors. Comme il est assez tôt la plupart des gens dorment ou sont à la cafétéria. Il fait froid encore. Je ne me sens pas vraiment d’aller au des grilles mais je vais au petit bois, car au moins je pourrais y couper du bois. Je sais que je suis idiot de forcer sur mes côtes mais le peu d’énergie que je dépense actuellement en coupant des bûches me satisfait déjà un peu plus que de traîner et tourner en rond dans les couloirs. Et au moins, je peux mettre de côté toutes les pensées que je peux avoir, l’espace de quelques heures afin de me donner du répit. Depuis mon arrêt cardiaque et le repos total que cela a engendré, j’ai eu largement le temps de réfléchir, de penser, et de prendre des décisions. Seulement je ne suis pas prêt à assumer ou même à accepter tout cela. Ça me rend triste, beaucoup trop.

Je vais doucement, afin de ne pas me faire mal et je trouve un rythme confortable. Ça me fait du bien d’être dehors, et de souffrir pour avoir fait autre chose que respirer. Je m’arrête lorsque je sens que ça tire mais c’est la première fois que je me sens vivant depuis ma sortie de l’infirmerie. Je suis presque heureux et dans ma bulle, et je ne fais pas attention à tout ce qui se passe autour de moi, parce que je sais que je suis encore à l’intérieur de la clôture donc surveiller quand même. Mais je n’entends pas la personne qui se faufile derrière moi. Je sursaute légèrement quand j’entends une voix très familière. Je tiens mes côtes en m’asseyant alors sur un tronc d’arbre pas encore coupé, et je prends une respiration douce mais longue.  « Je commençais à tourner en rond, et à trop cogiter. Alors je me rends utile. » Je regarde la jeune femme face à moi, et je lui adresse un sourire, pour la rassurer.  « Je fais des pauses dès que ça tire. » Je regarde ma sœur et sa mine inquiète, et si j’en crois son sarcasme, je sais que c’est un level assez haut. Je lui fais signe de venir s’asseoir à mes côtés.  « Promis KitKat je fais attention. »

Elle tente de ne pas laisser paraitre l’inquiétude qui prend le dessus alors que Noah agrippe ses côtes. Les bras croisés, les pieds bien ancrés au sol, elle dévisage son frère en attendant une explication. Une qui ne tarde pas à arriver puisque son frère comprend parfaitement l’implication de l’intervention sarcastique qu’elle avait faite. Kate observe alors qu’il s’assoit et reprend son souffle. Elle se mord la joue. Est-t’elle réellement arrivée au bon moment pour éviter la catastrophe ? Mais elle garde le silence, le toisant du regard et attendant une réponse.

Réponse qui ne tarde pas arriver. Une explication tout à fait rationnelle, si ce n’est qu’elle doute fortement qu’il ait obtenu l’accord d’un médecin avant de se lancer dans les activités physiques. « Mais oui ! Quelle brillante idée, « J’arrête quand ça fait mal », c’est clair que rien ne s’aggravera comme ça, comment j’y ai pas pensé ! » Son imitation de Noah laisse à désirer et elle le sait. Même que ça lui vole un rire. Et malgré la violence de sa réponse, elle lui sourit et va prendre place à côté de lui sur le tronc. Elle laisse échapper un autre rire moqueur en entendant le surnom qu’il est le seul à lui donner. Elle le reconnait bien là. Et bien qu’elle ait envie de le croire, qu’elle veuille lui faire confiance sur sa santé, elle reste tout de même sur ses gardes. « Tu me fous la trouille tu sais. Tu pourrais te blesser de nouveau dans le temps de le dire, t’es pas encore complètement remis… »

Elle s’interrompt elle-même, consciente qu’elle n’a pas besoin de lui expliquer sa situation, il la connait sans doute déjà assez comme ça. Alors elle s’accroche à cette promesse. Parce que c’est tout ce qu’elle peut faire. « Y a sans doute une autre façon de te rendre utile sans risque de te blesser non ? Ou alors sors pas seul, je sais pas. » Elle fixe les arbres devant elle. Elle peut comprendre ce besoin de se dépenser, elle-même à du mal à tenir en place la majorité du temps, mais elle s’inquiète. D’autant plus qu’il est seul. S’il arrive quelque chose, malgré sa prudence, peut-être que personne ne pourrait le trouver à temps… Et l’idée la paralyse.